Entre enseignement, écriture et autres métiers : la diversité des parcours
Cette question pratique est parfois posée par ceux qui s’intéressent à la philosophie. Contrairement à l’image du penseur vivant d’air pur et de méditation, les philosophes doivent gagner leur vie comme tout le monde. Leurs sources de revenus sont variées et souvent combinées.
L’enseignement constitue la principale source de revenus pour la majorité des philosophes. En France, les professeurs de philosophie en lycée bénéficient d’un statut de fonctionnaire avec un salaire stable. L’enseignement universitaire, plus précaire en début de carrière avec les postes de doctorants et d’ATER (Attachés Temporaires d’Enseignement et de Recherche), se stabilise avec l’obtention d’un poste de maître de conférences puis éventuellement de professeur.
Certains philosophes vivent de leur plume. Les droits d’auteur peuvent constituer un revenu significatif pour ceux dont les ouvrages rencontrent le succès. Michel Onfray, par exemple, a construit sa carrière sur ses publications grand public. Cependant, peu d’ouvrages philosophiques dépassent les quelques milliers d’exemplaires vendus, générant des revenus modestes.
Le journalisme et les médias offrent d’autres débouchés. Des philosophes comme Raphaël Enthoven ou Luc Ferry ont développé des carrières médiatiques lucratives : chroniques dans la presse, émissions radio ou télévision, conférences rémunérées. Cette voie demande des compétences de communication spécifiques et n’est accessible qu’à une minorité.
Beaucoup de philosophes exercent des métiers complémentaires. Certains travaillent dans l’édition, corrigeant et évaluant des manuscrits philosophiques. D’autres se tournent vers la formation professionnelle, appliquant leurs compétences d’analyse et de questionnement dans les entreprises. Le conseil en éthique se développe également, notamment dans les domaines médical et technologique.
La philosophie appliquée ouvre de nouveaux horizons économiques. Des consultants philosophes accompagnent des entreprises sur des questions d’éthique managériale. D’autres animent des cafés philosophiques ou des ateliers de réflexion rémunérés. Cette professionnalisation récente de la philosophie, parfois critiquée par les puristes, répond à une demande sociale réelle.
Les conditions matérielles varient considérablement selon les parcours. Un professeur agrégé de philosophie jouit d’une sécurité financière honorable, avec environ 2 500 euros nets mensuels en début de carrière et des perspectives d’évolution. À l’inverse, un doctorant survit souvent avec moins de 1 500 euros par mois, parfois en cumulant plusieurs activités d’enseignement précaires.
L’international offre des perspectives différentes. Aux États-Unis, les professeurs de philosophie dans les universités prestigieuses peuvent gagner des salaires élevés, mais la concurrence est féroce et les postes rares. En Allemagne, le système universitaire propose des parcours plus structurés avec des financements de recherche substantiels.
Historiquement, de nombreux philosophes ont exercé d’autres professions. Spinoza polissait des lentilles, Wittgenstein fut instituteur, Sartre enseigna en lycée. Cette diversité d’expériences enrichit souvent la réflexion philosophique plutôt qu’elle ne l’appauvrit.
La précarité touche particulièrement les jeunes philosophes. Le parcours doctoral, long et incertain, décourage certains talents. Les débouchés hors enseignement restent mal connus et peu structurés, malgré leur développement progressif.
Pour ceux qui envisagent cette voie, mieux vaut cultiver plusieurs compétences complémentaires : écriture, enseignement, communication, expertise thématique. La polyvalence devient un atout dans un marché du travail philosophique de plus en plus diversifié. La passion pour les idées, si elle reste essentielle, doit s’accompagner d’un pragmatisme économique assumé. Bref, on ne devient pas riche en étant philosophe.