Dans l’histoire de l’anthropologie, peu d’œuvres ont eu un impact aussi profond et durable que l’Essai sur le don de Marcel Mauss, publié en 1925. Cette étude magistrale, qui examine les systèmes d’échange dans diverses sociétés traditionnelles, accorde une place centrale à l’analyse du hau, ce principe qui régit le don chez les Maoris de Nouvelle-Zélande.
À travers cette exploration, Mauss ne se contente pas de décrire des pratiques exotiques : il révèle les fondements mêmes du lien social et propose une théorie générale de l’échange qui bouleverse notre compréhension des relations humaines, tout en s’inscrivant dans une longue tradition philosophique de réflexion sur la générosité et la réciprocité.
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Le contexte intellectuel de l’œuvre de Mauss
Marcel Mauss, neveu et collaborateur d’Émile Durkheim, s’inscrit dans la tradition sociologique française qui cherche à comprendre les faits sociaux comme des phénomènes totaux. Son Essai sur le don constitue une tentative ambitieuse de saisir la logique profonde des échanges dans les sociétés archaïques, en opposition à la vision utilitariste qui dominait alors la pensée économique occidentale. Cette approche dialogue implicitement avec une tradition philosophique millénaire sur la nature du don.
Déjà chez Aristote, dans l’Éthique à Nicomaque, la question du don était abordée à travers la vertu de libéralité, cette disposition à donner « à qui il faut, autant qu’il faut, quand il faut ». Le philosophe grec reconnaissait que le bienfaiteur aime davantage celui à qui il a fait du bien que l’inverse, idée qui annonce les analyses de Mauss sur les liens créés par le don. Sénèque, dans son traité De Beneficiis, analysait déjà l’art de donner et de recevoir, notant que le don crée une forme de dette morale. La tradition chrétienne, avec Saint Augustin et Thomas d’Aquin, avait tenté de penser un don véritablement désintéressé, modelé sur l’amour divin, tandis que Kant défendait l’idée d’une action morale accomplie par pur devoir, sans inclination sensible ni calcul d’intérêt.
Mauss se situe à la croisée de ces héritages philosophiques et des sciences sociales émergentes. Pour lui, l’échange n’est jamais purement économique : il engage toujours des dimensions religieuses, juridiques, morales et esthétiques. L’analyse du système maori du don s’appuie sur les travaux ethnographiques d’Elsdon Best, un ethnologue néo-zélandais qui avait collecté des informations précieuses auprès des Maoris au début du XXe siècle. Mauss ne s’est jamais rendu en Nouvelle-Zélande, mais témoigne d’une réelle capacité à faire parler les données ethnographiques et à en extraire une signification théorique universelle.
Le hau : l’esprit de la chose donnée
Au cœur de l’analyse de Mauss se trouve le concept maori de hau, terme polynésien qui désigne à la fois le vent, le souffle vital et l’esprit des choses. Selon les informateurs maoris cités par Best, le hau est ce qui fait qu’un objet donné doit nécessairement revenir, sous une forme ou une autre, à son donateur originel. Lorsqu’un Maori offre un objet, celui-ci conserve quelque chose de l’âme, de la force vitale de son propriétaire initial. Cette présence spirituelle crée une obligation impérieuse : le récipiendaire doit rendre quelque chose en retour, sous peine de déséquilibre cosmique.
Mauss rapporte l’explication d’un sage maori, Tamati Ranaipiri, qui décrit le mécanisme du hau avec une clarté remarquable : si vous recevez un taonga (objet précieux) et que vous le donnez à une troisième personne, celle-ci doit vous offrir quelque chose en retour. Ce quelque chose, vous devez à votre tour le remettre au donateur initial, car il contient le hau du premier don. Ne pas respecter cette obligation, c’est risquer la maladie ou la mort, car le hau réclame son dû.
Cette conception animiste du don contraste radicalement avec la vision moderne occidentale de la propriété et de l’échange : un objet vendu ou donné devient la propriété absolue de son nouveau détenteur, coupé de tout lien avec son ancien propriétaire. Chez les Maoris, au contraire, les choses conservent une mémoire, une attache spirituelle qui crée des obligations durables entre les personnes.
Il faut cependant noter un parallèle saisissant : en France, et dans d’autres cultures proches, lorsqu’on vous offre un couteau, il faut donner en retour une pièce de monnaie, si l’on souhaite ne pas se faire couper par le couteau. Cette pratique retrouve une notion qui n’est pas sans rappeler celle du Hau : le couteau devient un être agissant, potentiellement capable de blesser celui qui l’a reçu si le sacrifice en retour n’est pas donné.
Cette perspective trouve un écho philosophique inattendu chez Martin Heidegger qui, dans Temps et Être (1962), parlera de l’être comme d’un « don » (Es gibt Sein – littéralement « il donne l’être »), explorant l’idée d’un don originaire qui précède toute relation d’échange.
La triple obligation : donner, recevoir, rendre
À partir de l’exemple maori et d’autres cas empruntés notamment aux sociétés polynésiennes et mélanésiennes, Mauss élabore sa théorie de la triple obligation qui structure tout système de don. Cette trilogie constitue le cœur de sa démonstration et représente une rupture avec les idéaux philosophiques du don pur.
L’obligation de donner représente le premier moment du cycle. Dans les sociétés traditionnelles, celui qui ne donne pas perd son prestige, sa face, son mana (pouvoir spirituel). Le chef qui n’organise pas de festins, qui ne distribue pas généreusement ses biens, cesse d’être chef. La générosité n’est pas un choix moral individuel, mais une nécessité sociale absolue. Le don affirme la supériorité, crée des alliances, établit des hiérarchies. Cette vision contraste avec l’idéal kantien d’une action désintéressée accomplie par pur devoir : ici, le don est toujours intéressé, même s’il ne relève pas d’un calcul économique au sens moderne.
L’obligation de recevoir constitue le deuxième moment, souvent négligé mais tout aussi contraignant. Refuser un don équivaut à déclarer la guerre, à rejeter l’alliance proposée, à manifester sa peur d’être incapable de rendre. Accepter un don, c’est accepter un lien, reconnaître une relation, s’engager dans un système d’obligations mutuelles. La société maorie, comme d’autres sociétés du Pacifique, considère le refus d’un don comme une offense grave qui peut déclencher des conflits violents.
L’obligation de rendre, enfin, ferme le cycle et le perpétue. Mais rendre ne signifie pas simplement restituer l’équivalent de ce qui a été reçu. Il faut rendre plus, rendre mieux, rendre avec intérêt. Le contre-don doit dépasser le don initial pour maintenir l’honneur du récipiendaire et relancer le cycle des échanges. Cette surenchère crée une dynamique sociale d’émulation et de compétition pacifique qui soude les communautés.
Le potlatch et la dimension agonistique du don
Bien que Mauss s’intéresse particulièrement au cas maori, il élargit considérablement son analyse en examinant d’autres formes de don, notamment le potlatch pratiqué par les tribus de la côte nord-ouest du Pacifique américain. Le potlatch représente la forme la plus spectaculaire et la plus radicale du don agonistique : des chefs rivaux s’affrontent en organisant des festins somptueux où ils distribuent ou même détruisent ostensiblement d’énormes quantités de richesses.
Cette dimension compétitive du don existe également, sous une forme atténuée, dans le système maori. Les échanges de taonga entre tribus ou entre chefs ne relèvent pas seulement de la générosité désintéressée : ils constituent des défis, des épreuves de force où chacun cherche à démontrer sa supériorité en donnant plus que l’autre. Le don devient une arme pacifique, un moyen de créer des dettes, d’établir des relations de domination symbolique.
Nietzsche avait anticipé cette dimension dans Ainsi parlait Zarathoustra, affirmant que le véritable don procède d’une surabondance de force vitale : « Vous devez vouloir vous donner vous-mêmes en cadeau. » Le don nietzschéen est l’expression de la volonté de puissance, un débordement de richesse qui ne peut se contenir. Mais Nietzsche dénonçait aussi la fausse générosité qui cache un ressentiment ou une volonté de domination. L’ethnographie maussienne confirme empiriquement cette intuition philosophique : le don peut effectivement servir de stratégie de domination.
Cette analyse révèle que le don archaïque n’a rien de gratuit ni de désintéressé : il crée des obligations, établit des hiérarchies, affirme des pouvoirs. Mauss démystifie l’idée romantique du « bon sauvage » naturellement généreux pour montrer que le don, dans ces sociétés, obéit à une logique rigoureuse d’échange et de réciprocité obligatoire.
La portée théorique : du fait social total à la critique de l’utilitarisme
L’importance de l’Essai sur le don dépasse largement le cadre de l’ethnographie océanienne. Mauss élabore à travers cette étude le concept de « fait social total », c’est-à-dire un phénomène qui engage simultanément toutes les dimensions de la vie sociale : économique, juridique, religieuse, morale, esthétique, morphologique. Le don maori n’est pas simplement une transaction économique, ni uniquement un acte religieux, ni seulement une pratique juridique : il est tout cela à la fois, indissociablement.
Cette approche holiste s’oppose radicalement à la pensée économique classique qui isole l’économie des autres sphères de la vie sociale et postule l’existence d’un homo economicus rationnel, calculateur, poursuivant son intérêt matériel individuel. Mauss démontre que cette figure est une fiction ethnocentrique, une projection des catégories de la société capitaliste moderne sur l’ensemble de l’humanité.
Dans les sociétés traditionnelles, l’économie reste « encastrée » (pour reprendre le terme que Karl Polanyi empruntera plus tard à Mauss) dans le tissu social. On n’échange pas pour maximiser un profit matériel, mais pour créer et maintenir des relations sociales, pour acquérir du prestige, pour honorer les dieux, pour perpétuer les alliances entre groupes.
L’interprétation du hau : débats anthropologiques et philosophiques
L’analyse que propose Mauss du hau maori a suscité d’intenses débats qui dépassent le cadre strictement anthropologique pour rejoindre des questions philosophiques fondamentales sur la nature du don.
Claude Lévi-Strauss, dans son introduction à l’œuvre de Mauss, critique ce qu’il considère comme une erreur méthodologique : Mauss aurait pris trop au sérieux l’explication indigène, acceptant la théorie « mystique » du hau au lieu de chercher la véritable explication structurale de l’obligation de rendre. Pour Lévi-Strauss, le hau n’est qu’une rationalisation secondaire d’un mécanisme plus fondamental : la réciprocité, principe universel qui structure toutes les sociétés humaines à travers l’échange des femmes, des biens et des mots. L’obligation de rendre ne découle pas d’une force spirituelle inhérente aux objets, mais de la structure même de l’échange qui crée nécessairement des relations de réciprocité.
D’autres anthropologues ont défendu Mauss contre cette critique, soulignant l’importance de prendre au sérieux les catégories indigènes de pensée plutôt que de leur substituer immédiatement nos propres catégories analytiques. Marshall Sahlins, par exemple, a montré que le hau représente une théorie indigène sophistiquée de la valeur et de l’échange, et que la rejeter au profit d’explications structurales revient à reproduire l’ethnocentrisme que Mauss cherchait précisément à combattre.
Le philosophe Jacques Derrida a radicalisé ces débats dans Donner le temps (1991) en proposant une thèse paradoxale : le don véritable, s’il existe, doit être absolument gratuit, sans retour, sans reconnaissance, sans même que le donateur sache qu’il donne. Dès qu’il y a reconnaissance du don (par le donataire ou même par le donateur lui-même), le don entre dans une économie de l’échange et cesse d’être un don pur. Derrida s’appuie explicitement sur Mauss pour montrer que tous les dons observables dans les sociétés humaines sont pris dans des cycles de réciprocité. Mais il en conclut que le don pur est donc impossible, ou du moins impossible à identifier comme tel. Pour qu’il y ait don, il faudrait qu’il n’apparaisse pas comme don, qu’il soit oublié immédiatement. Le don véritable serait ainsi une expérience impossible qui hante néanmoins toutes nos pratiques d’échange.
Jean-Luc Marion, dans Étant donné (1997), tente de dépasser ces apories en développant une phénoménologie du don qui se manifeste comme « phénomène saturé », c’est-à-dire une expérience qui déborde nos capacités de compréhension et de conceptualisation. Marion cherche à montrer que le don précède l’échange et la réciprocité, qu’il constitue une structure fondamentale de notre rapport au monde et aux autres.
Paul Ricœur, quant à lui, propose une voie médiane dans Parcours de la reconnaissance (2004). Il distingue trois logiques : la logique de l’équivalence (l’échange marchand), la logique de la réciprocité (le don maussien), et la logique de la surabondance ou de l’agapè (l’amour gratuit). Pour Ricœur, ces trois logiques coexistent dans nos sociétés et dans nos vies, sans que l’une puisse totalement éliminer les autres. Il critique à la fois l’utilitarisme qui réduit tout à l’échange calculé, et l’idéalisme du don pur qui méconnaît la dimension de réciprocité inhérente aux relations humaines. La logique de l’agapè existe comme horizon utopique qui inspire nos actions sans jamais se réaliser pleinement.
Le MAUSS et l’héritage contemporain
Le Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales (MAUSS), fondé par Alain Caillé et d’autres chercheurs dans les années 1980, se réclame explicitement de Marcel Mauss. Ce courant de pensée développe une critique radicale de l’utilitarisme et de la réduction de l’humain à l’homo economicus.
Caillé propose le concept de « don agonistique » pour décrire une forme de don qui n’est ni purement gratuit (comme l’idéal kantien ou chrétien) ni purement intéressé (comme dans l’échange marchand), mais qui mêle générosité et attente de reconnaissance, liberté et obligation. Cette position reconnaît l’ambivalence constitutive du don sans chercher à la dissoudre dans un idéal de pureté impossible. Elle s’inscrit dans la continuité directe de l’analyse maussienne du hau : le don est toujours ambivalent, simultanément libre et contraint, généreux et calculé.
Emmanuel Levinas apporte une dimension éthique à cette réflexion en développant une philosophie de l’altérité où le don occupe une place centrale. Pour lui, la relation éthique fondamentale commence avec le visage d’autrui qui m’interpelle et me met en question. Cette rencontre crée une responsabilité infinie que je n’ai pas choisie : elle m’est donnée, imposée. Le don levinassien n’est pas d’abord ce que je donne à l’autre, mais ce que l’autre me donne en me révélant ma responsabilité éthique. Cette vision renverse la perspective habituelle du don comme acte volontaire d’un sujet souverain et résonne avec l’analyse maussienne de l’obligation : nous sommes toujours déjà pris dans des réseaux de dettes et d’obligations que nous n’avons pas choisis.
L’influence de l’Essai sur le don s’étend ainsi bien au-delà de l’anthropologie pour irriguer la philosophie contemporaine, la sociologie, et même la pensée politique. Des auteurs comme Amartya Sen ou Martha Nussbaum, avec leur approche des capabilités, développent des visions de la justice sociale qui peuvent être lues comme des formes sécularisées et institutionnalisées de la logique du don, impliquant une responsabilité collective pour assurer à chacun les conditions d’une vie digne.
L’actualité du don maori
L’analyse du don maori n’est pas inutile pour comprendre nos propres pratiques sociales contemporaines. Les cadeaux que nous échangeons à Noël ou lors des anniversaires, loin d’être purement gratuits, créent des obligations subtiles de réciprocité. Nous gardons la mémoire de qui nous a offert quoi, nous veillons à rendre des cadeaux de valeur équivalente, nous ressentons une gêne si nous recevons sans pouvoir rendre. Un équivalent du hau maori, sous sa forme sécularisée, est donc présent dans nos relations sociales.
A l’époque de la logique marchande et de l’utilitarisme, où les relations humaines tendent parfois à se réduire à des transactions calculées, l’Essai sur le don nous rappelle qu’une autre économie est possible, fondée non sur l’accumulation individuelle mais sur la circulation généreuse des richesses, non sur la concurrence mais sur la réciprocité.
Les réseaux sociaux numériques, avec leurs logiques de partage, de like et de commentaire, pourraient d’ailleurs être analysés à travers le prisme du don maussien : chaque publication crée une attente implicite de retour (sous forme de réaction, de commentaire, de partage), chaque interaction génère des obligations perçues de réciprocité. Ce hau numérique circule dans les fils d’actualité, créant des liens sociaux ambivalents, mêlant générosité et calcul, spontanéité et stratégie.
Les tensions irrésolues du don
L’analyse que Marcel Mauss consacre au don chez les Maoris représente bien plus qu’une contribution érudite à l’ethnographie océanienne. Elle constitue une révolution théorique qui a transformé notre compréhension de l’échange, de l’économie et du lien social, tout en s’inscrivant dans un dialogue millénaire avec la philosophie.
En prenant au sérieux le concept maori de hau, Mauss nous invite à reconnaître que nos catégories économiques modernes ne sont pas universelles, que d’autres logiques de l’échange sont possibles et ont effectivement existé. La triple obligation de donner, recevoir et rendre, que Mauss dégage de l’exemple maori, révèle les fondements mêmes de la socialité humaine. Avant d’être des individus calculateurs échangeant des marchandises sur un marché, nous sommes des êtres sociaux liés par des obligations mutuelles, engagés dans des cycles perpétuels de dons et de contre-dons qui tissent le lien social.
Des questions s’ouvrent alors.
Gratuité versus réciprocité : Le don peut-il être vraiment gratuit ou implique-t-il toujours une forme d’attente de retour ? Entre l’idéal derridien du don impossible et la réciprocité maussienne, où se situe l’expérience concrète du don ?
Liberté versus obligation : Donne-t-on librement ou sommes-nous toujours déjà pris dans des réseaux d’obligations ? Le hau maori illustre cette ambivalence : le don est simultanément volontaire et contraint, expression de soi et soumission à une loi sociale.
Générosité versus domination : Le don exprime-t-il une générosité authentique ou cache-t-il une volonté de pouvoir ? Le potlatch et les échanges compétitifs de taonga montrent que ces deux dimensions peuvent coexister sans se contredire.
Possibilité versus impossibilité : Le don pur est-il une réalité accessible ou un idéal régulateur impossible ? La réponse maussienne est claire : le don pur n’existe pas dans les sociétés humaines observables, mais cela ne disqualifie pas le don pour autant. C’est précisément parce qu’il est toujours mêlé d’intérêt, de calcul et d’obligation qu’il constitue le ciment du lien social.
Le hau maori, cet esprit des choses données qui exige leur retour, nous montre que les objets peuvent porter la mémoire des relations humaines et que nous restons liés les uns aux autres par les choses que nous échangeons. Comprendre le don chez les Maoris, c’est comprendre que nous sommes des êtres relationnels, tissés de dettes et de créances symboliques qui font partie de la trame même de notre vie sociale, bien au-delà de tout calcul économique rationnel.