Kong Qiu, connu en Occident sous le nom latinisé de Confucius (du chinois Kong Fuzi, « Maître Kong »), naît vers 551 avant J.-C. à Qufu, dans le royaume de Lu (actuelle province du Shandong). Il appartient à une famille de petite noblesse déchue : son ancêtre Kong Fujia était ministre dans le royaume de Song, mais sa lignée a perdu rang et fortune. Son père, Kong He, meurt quand Confucius n’a que trois ans, laissant sa mère élever seule cet enfant dans des conditions modestes.
Cette origine sociale intermédiaire – ni paysan ni grand aristocrate – influence profondément sa vision du monde. Conscient de la décadence de son époque, marquée par l’effondrement de l’ordre féodal traditionnel et les guerres incessantes entre royaumes, Confucius développe une nostalgie idéalisée pour l’âge d’or des premiers souverains Zhou, période mythique d’harmonie sociale et de vertu politique.
Autodidacte passionné, il acquiert une vaste érudition dans les domaines rituels, musicaux et littéraires qui constituent l’héritage culturel chinois. Vers trente ans, il ouvre une école privée, innovation remarquable dans une société où l’enseignement était traditionnellement réservé à l’aristocratie. Il accueille tout disciple sincère, quelle que soit son origine sociale, pourvu qu’il apporte « un paquet de viande séchée » en guise de rétribution symbolique.
Sa pédagogie révolutionne l’éducation chinoise. Rejetant l’apprentissage mécanique, Confucius privilégie la réflexion personnelle et l’échange maïeutique avec ses disciples. « Je n’ouvre la voie qu’à celui qui brûle de connaître, je n’aide à s’exprimer que celui qui s’efforce de formuler sa pensée », déclare-t-il. Cette méthode forme une génération d’hommes cultivés qui propagent son enseignement à travers la Chine.
Vers cinquante ans, Confucius obtient des responsabilités politiques dans son royaume natal de Lu, gravissant les échelons jusqu’au poste de ministre de la Justice. Ses réformes moralisatrices et sa lutte contre la corruption lui valent l’hostilité des grands feudataires. Contraint à l’exil vers 497, il entame un périple de quatorze années à travers les royaumes chinois, cherchant vainement un souverain disposé à appliquer ses principes de gouvernement vertueux.
Sa doctrine politique repose sur la notion de ren (bienveillance, humanité), vertu cardinale qui doit animer le gouvernant. Le junzi (homme de bien, gentleman) gouverne par l’exemple moral plutôt que par la force. Cette conception idéaliste du pouvoir, qui fait primer l’éthique sur l’efficacité, explique ses échecs politiques dans un monde dominé par la realpolitik.
Le système confucéen s’articule autour de concepts-clés qui structurent l’ordre social idéal. Le li (rituel, bienséance) règle les relations humaines selon un protocole minutieux qui exprime l’harmonie cosmique. La piété filiale (xiao) fonde la morale familiale et, par extension, la loyauté politique. La rectification des noms (zhengming) exige que chaque être corresponde à son essence : « Que le prince soit prince, le ministre ministre, le père père, le fils fils. »
Sa philosophie de l’éducation fait de l’homme un être perfectible par l’étude et la culture de soi. « Par nature, les hommes sont proches ; par l’éducation, ils s’éloignent », observe-t-il, soulignant l’importance cruciale de la formation morale. L’idéal du junzi conjugue savoir livresque et cultivation intérieure, compétence technique et élégance éthique.
Rentré à Lu vers 484, Confucius consacre ses dernières années à l’enseignement et à l’édition des classiques anciens. Il meurt en 479, convaincu d’avoir échoué dans sa mission réformatrice. Ses disciples recueillent ses paroles dans les Entretiens (Lunyu), texte fondateur qui transmet sa sagesse aux générations futures.
Son influence posthume dépasse infiniment son impact de son vivant. Sous les Han (206 av. J.-C. – 220 ap. J.-C.), le confucianisme devient doctrine officielle de l’Empire chinois. Les examens mandarinaux, basés sur l’étude des classiques confucéens, forment pendant deux millénaires l’élite administrative chinoise. Confucius façonne ainsi profondément la civilisation chinoise, coréenne, japonaise et vietnamienne.
Philosophe de la mesure et de l’harmonie sociale, Confucius incarne un humanisme pragmatique qui privilégie l’éthique quotidienne sur la spéculation métaphysique. Sa sagesse, nourrie d’une profonde connaissance de la nature humaine, continue d’inspirer la quête d’un ordre social juste et harmonieux.