Définition et Étymologie
Zarathoustra, dont le nom a été hellénisé en Zoroastre, est un prophète et un réformateur religieux de l’Iran antique. Il est considéré comme le fondateur du zoroastrisme, ou mazdéisme, une religion qui fut l’une des premières formes de monothéisme éthique et qui a profondément influencé l’histoire religieuse et philosophique de l’humanité.
L’étymologie exacte de son nom en langue avestique, Zaraϑuštra, est débattue, mais il est souvent interprété en lien avec l’élevage des chameaux, ce qui le situerait dans une société pastorale. La datation de son existence est également l’un des plus grands sujets de controverse de l’histoire des religions. Les estimations varient considérablement, allant d’une période reculée contemporaine de l’âge du bronze, vers 1500 avant notre ère, jusqu’à une date plus récente, le situant comme un contemporain des premiers rois achéménides, vers le sixième siècle avant notre ère. Quelle que soit la date exacte, son enseignement marque une rupture radicale avec les polythéismes indo-iraniens de son temps.
L’enseignement de Zarathoustra est préservé dans les Gāthās, une collection d’hymnes poétiques qui constituent la partie la plus ancienne de l’Avesta, le livre sacré du zoroastrisme.
L’Enseignement Originel de Zarathoustra
La philosophie de Zarathoustra est avant tout une réforme morale. Il révèle l’existence d’un dieu unique, suprême, créateur et non créé : Ahura Mazda, le « Seigneur Sage ». Ahura Mazda est la source de tout bien, l’incarnation de la vérité, de la lumière et de l’ordre.
Face à ce dieu bon se dresse un adversaire, Angra Mainyu (plus tard Ahriman), l’Esprit Destructeur. Angra Mainyu n’est pas un dieu égal à Ahura Mazda, mais un principe spirituel négatif, la source de l’obscurité, du chaos, du mensonge et de la mort. Le cosmos et l’histoire humaine sont le théâtre d’une lutte cosmique entre ces deux principes.
Le cœur de la philosophie de Zarathoustra est le dualisme éthique. Il divise l’univers en deux principes radicalement opposés : l’Asha (la Vérité, l’Ordre, la Justice) et la Druj (le Mensonge, le Chaos, l’Injustice). L’innovation la plus profonde de Zarathoustra est de placer l’être humain au centre de ce conflit en lui conférant un libre arbitre absolu.
Chaque individu, par ses pensées, ses paroles et ses actions, est contraint de choisir son camp. Il n’est pas un spectateur passif, mais un soldat dans cette guerre cosmique. En choisissant l’Asha, en pratiquant l’honnêteté, la charité et le travail, l’homme aide Ahura Mazda et hâte la victoire finale du bien. En choisissant la Druj, il devient un agent d’Angra Mainyu.
Cette doctrine fait de Zarathoustra l’un des premiers philosophes de la responsabilité morale. Il a également introduit des concepts eschatologiques qui auront une influence considérable sur le judaïsme tardif, le christianisme et l’islam : l’idée d’un sauveur à venir (Saoshyant), une résurrection des corps, un jugement dernier individuel, et la rétribution des âmes au paradis ou en enfer.
Zarathoustra dans la Philosophie de Nietzsche
Des millénaires plus tard, la figure de Zarathoustra a été ressuscitée de manière spectaculaire, non pas comme prophète religieux, mais comme le personnage central de l’œuvre poétique et philosophique majeure de Friedrich Nietzsche : Ainsi parlait Zarathoustra.
Le choix de Nietzsche est délibéré et paradoxal. Nietzsche voyait dans le Zarathoustra historique le tout premier penseur à avoir introduit la morale dans le monde sous la forme d’un conflit métaphysique entre le Bien et le Mal. Cette morale dualiste est, pour Nietzsche, le point de départ de la « catastrophe » de la métaphysique platonicienne et de la morale judéo-chrétienne, qu’il accuse d’être une morale d’esclaves, un ressentiment contre la vie.
Pour Nietzsche, si Zarathoustra fut le premier à commettre cette « erreur » fondamentale, il doit aussi être le premier à la reconnaître et à la surmonter. Le Zarathoustra de Nietzsche n’est donc pas le prophète d’Ahura Mazda, mais un anti-prophète, un philosophe solitaire qui descend de sa montagne pour annoncer aux hommes une nouvelle doctrine radicale, un évangile de l’immanence.
Ce nouveau Zarathoustra prêche le renversement de l’ancien dualisme. Ses enseignements sont l’antithèse de la religion :
Dieu est mort : C’est le constat que les fondements de l’ancienne morale, la croyance en un arrière-monde transcendant, se sont effondrés. L’humanité est désormais libre, mais aussi perdue, face au nihilisme.
Le Surhomme (ou Surhumain, Übermensch) : C’est la réponse au nihilisme. Le Surhomme n’est pas un être supérieur racialement, mais l’individu qui surmonte l’humanité actuelle. Il est celui qui, libéré de la morale du Bien et du Mal, crée ses propres valeurs, reste fidèle à la Terre et affirme la vie.
La Volonté de Puissance (Wille zur Macht) : C’est l’essence même de la vie, la pulsion fondamentale de tout être à s’accroître, à se dépasser et à affirmer sa force créatrice.
L’Éternel Retour : C’est l’épreuve de pensée la plus élevée. Le Zarathoustra de Nietzsche enseigne à aimer son destin (amor fati) au point de vouloir revivre sa vie, avec chaque joie et chaque souffrance, une infinité de fois. Seul le Surhomme peut dire « oui » à cette perspective.
Ainsi, Nietzsche utilise la figure de Zarathoustra pour opérer une « transvaluation de toutes les valeurs », transformant le premier prophète de la morale en l’annonciateur de son dépassement.