Définition et Étymologie
Le terme Yuga ({युग}$}$) est un mot sanskrit qui désigne un « âge », une « époque » ou un « cycle temporel ». Il provient de la même racine yuj que le mot Yoga, qui signifie « joindre » ou « mettre sous le joug ». Alors que le Yoga se réfère à l’acte d’unir l’esprit, le Yuga se réfère à un segment défini de temps, comme s’il s’agissait d’une période « attelée » ou « jointe » à une autre dans une succession continue.
Dans la cosmologie hindoue, le Yuga n’est pas une mesure de temps vague, mais une unité spécifique au sein d’un cycle récurrent de quatre âges. Ce cycle complet de quatre Yugas forme un Mahayuga, ou « Grand Âge ». La conception du temps dans cette tradition n’est pas linéaire, comme dans une grande partie de la pensée occidentale, mais profondément cyclique.
Usage dans la Cosmologie Hindoue
Le concept de Yuga est essentiel pour comprendre la vision hindoue de l’histoire, de la morale et du cosmos. Il décrit un processus de déclin inéluctable de la vertu et de la justice dans le monde, une entropie spirituelle qui s’aggrave à chaque âge, avant une dissolution finale suivie d’une renaissance.
Le pilier central de ce système est le Dharma, un terme qui englobe la loi cosmique, la justice, la vertu et le devoir. L’histoire du monde est vue comme la dégradation progressive du Dharma. Ce déclin est symbolisé par un taureau qui, à l’origine, se tient fermement sur quatre pattes, mais perd un appui à chaque Yuga.
Le cycle du Mahayuga se compose de quatre âges distincts, dont la durée et les caractéristiques morales sont décroissantes.
Le premier âge est le Satya Yuga, ou Krita Yuga. C’est l’Âge de la Vérité, l’âge d’or de l’humanité. Le Dharma y règne de manière absolue, se tenant sur ses quatre pattes. L’humanité est naturellement vertueuse, honnête et spirituellement élevée. Il n’y a ni maladie, ni peur, ni travail pénible. La vie humaine y est extrêmement longue, et la connexion avec le divin est directe, ne nécessitant aucun rituel.
Le deuxième âge est le Treta Yuga. Le Dharma commence à décliner et ne se tient plus que sur trois pattes. La vertu n’est plus innée ; elle doit être cultivée. Les hommes commencent à développer des désirs et agissent dans le but d’obtenir des résultats. C’est l’âge où les grands sacrifices rituels deviennent nécessaires pour apaiser les dieux et maintenir l’ordre. La vie humaine est plus courte, et les conflits apparaissent.
Le troisième âge est le Dvapara Yuga. Le Dharma est réduit de moitié, ne tenant plus que sur deux pattes. Le vice et la vertu sont en équilibre précaire. L’humanité est assaillie par le doute, la maladie et le mensonge. Les désirs matériels s’intensifient. C’est l’âge des grandes épopées, notamment le Mahabharata, qui décrit un conflit cataclysmique entre des familles royales, illustrant la confusion morale de l’époque. C’est à la fin de cet âge que Krishna transmet la Bhagavad-Gītā.
Le quatrième et dernier âge est le Kali Yuga. C’est l’âge actuel, l’Âge du Conflit ou l’Âge de Fer. Le Dharma chancelle sur sa dernière patte. C’est une ère de ténèbres spirituelles, dominée par l’hypocrisie, la cupidité, la colère et l’ignorance. L’autorité des écritures est bafouée, les dirigeants deviennent corrompus et les êtres humains sont esclaves de leurs passions les plus viles. La durée de vie est considérablement réduite.
Cette vision cosmologique est fondamentalement pessimiste quant au devenir du monde matériel, mais elle offre une perspective philosophique sur la libération, le Moksha. Le Kali Yuga est l’âge le plus difficile à vivre, mais c’est aussi celui où la libération spirituelle est considérée comme la plus rapide à atteindre. Alors qu’il fallait des millénaires de méditation dans le Satya Yuga, la dévotion sincère ou la simple répétition du nom divin suffiraient dans le Kali Yuga pour briser le cycle des réincarnations.
Selon les écritures puraniques, le Kali Yuga s’achève par une dissolution, le pralaya. L’avatar Kalki, le dernier avatar de Vishnu, apparaît sur un cheval blanc pour détruire le mal, purifier le monde et inaugurer un nouveau Satya Yuga, relançant ainsi le cycle éternel du temps.