Définition et Étymologie
Le terme Yoga provient de la racine sanskrite Yuj (युज्), qui signifie « unir », « mettre sous le joug », « joindre » ou « harnacher ». Dans son acception la plus profonde, le yoga est une discipline spirituelle et ascétique dont le but est l’union et l’intégration de toutes les composantes de l’être humain : le corps, l’esprit et l’âme.
Le but ultime de cette union est la libération spirituelle, appelée Moksha ou Kaivalya, c’est-à-dire la libération du cycle des réincarnations (Samsara) et de la souffrance (Duhkha). Le yoga est la méthode pratique pour apaiser le mental et réaliser sa véritable nature, l’union du soi individuel (Atman) avec la conscience universelle ou l’Absolu (Brahman).
Bien qu’il soit aujourd’hui largement connu en Occident pour sa pratique posturale, l’Asana, celle-ci ne représente qu’une infime partie d’un système philosophique et métaphysique vaste et complexe. Le yoga n’est pas un simple exercice physique, mais un chemin de vie complet.
Usage en Philosophie
En philosophie indienne, le Yoga est l’un des six darśana, ou « points de vue », orthodoxes de l’hindouisme. Il s’agit d’une école philosophique à part entière, dont le système a été codifié dans un texte fondamental : les Yoga Sūtra.
Ce texte, composé d’aphorismes brefs et denses, est attribué au sage Patañjali, qui aurait vécu aux alentours du deuxième siècle avant notre ère. La philosophie du Yoga de Patañjali est indissociable de la métaphysique d’une autre école, le Samkhya. Le Samkhya fournit la théorie : il décrit l’univers comme une dualité entre Purusha, la conscience pure, l’observateur immuable, et Prakriti, la nature matérielle, changeante et manifestée, dont fait partie notre mental. Le Yoga, lui, fournit la méthode pratique pour que le Purusha se désidentifie de la Prakriti et réalise sa propre nature pure.
Le Sūtra le plus célèbre de Patañjali définit l’objectif de la pratique : yogaś-citta-vr̥tti-nirodhaḥ, ce qui se traduit par « le yoga est la cessation des fluctuations du mental ». Pour Patañjali, la souffrance provient de notre identification erronée aux pensées, aux émotions et aux perceptions, qui sont les vritti, les tourbillons incessants du mental. Le yoga est le processus méthodique pour calmer ce chaos intérieur et atteindre un état de clarté absolue.
Pour y parvenir, Patañjali décrit un chemin en huit étapes, connu sous le nom d’Ashtanga Yoga ou « Yoga Royal » (Rāja Yoga). Ce chemin est une progression de l’extérieur vers l’intérieur.
Les deux premières étapes sont des disciplines éthiques et morales qui régulent l’interaction avec le monde et avec soi-même. Les Yama sont les réfrènements universels, incluant la non-violence (ahimsa), la véracité (satya) ou la non-convoitise (aparigraha). Les Niyama sont les observances disciplinaires, comme la pureté (saucha), le contentement (santosha) ou l’étude des textes (svadhyaya).
La troisième étape est l’Asana, la pratique posturale. Dans le texte de Patañjali, l’asana n’est pas une gymnastique. Elle est définie comme une « assise stable et confortable », une posture tenue sans effort, dont le but unique est de préparer le corps à rester immobile pendant de longues périodes de méditation.
La quatrième étape est le Prāṇāyāma, la maîtrise du souffle. En contrôlant la respiration, le pratiquant apprend à contrôler le prana, l’énergie vitale, et à apaiser le système nerveux.
La cinquième étape, le Pratyāhāra, est le retrait des sens. L’esprit apprend à ne plus se laisser distraire par les stimuli extérieurs et à diriger sa conscience vers l’intérieur.
Les trois dernières étapes constituent la méditation profonde. Le Dhāraṇā est la concentration, la capacité à fixer son esprit sur un seul objet. Le Dhyāna est la méditation, un flux ininterrompu de concentration. Enfin, le Samādhi est l’aboutissement, l’état d’absorption totale où la distinction entre le méditant, l’objet de la méditation et l’acte de méditer disparaît. C’est l’état d’union et de libération.
Parallèlement à ce « Yoga Royal » de Patañjali, la philosophie indienne décrit d’autres voies majeures vers la libération, qui ne sont pas exclusives. Le Jñāna Yoga est le yoga de la connaissance intellectuelle et de la discrimination. Le Bhakti Yoga est le yoga de la dévotion et de l’amour d’une divinité personnelle. Le Karma Yoga, magnifiquement décrit dans la Bhagavad-Gītā, est le yoga de l’action désintéressée, où l’individu agit dans le monde sans être attaché aux fruits de ses actions.