Définition et Étymologie
Le terme universel provient du latin universalis, lui-même dérivé de universum (l’ensemble des choses, l’univers), qui est une contraction de unus (un) et versus (tourné, participe passé de vertere, tourner). Étymologiquement, l’universel est « ce qui est tourné vers l’un », ce qui est rassemblé en une totalité.
En son sens le plus strict, est universel ce qui s’applique à tous les cas, sans exception, en tout temps et en tout lieu.
Il s’oppose radicalement à plusieurs autres termes :
- Le particulier : Ce qui ne s’applique qu’à une partie d’un ensemble (ex: « les mammifères », qui est une partie de l’ensemble « les animaux »).
- Le singulier : Ce qui ne s’applique qu’à un seul individu ou cas (ex: « Socrate »).
- Le relatif : Ce qui dépend du point de vue, de la culture ou de l’époque (ex: « les règles de politesse »).
L’universalisme est la doctrine ou la position philosophique qui affirme l’existence et la primauté de l’universel. C’est la croyance qu’il existe des vérités, des valeurs, des principes ou des droits qui transcendent les cultures, les époques et les individus.
Usage en Philosophie
Le concept d’universel est l’un des piliers de la pensée philosophique occidentale. Il traverse la métaphysique (la nature de la réalité), l’épistémologie (la connaissance) et la morale (l’action).
La Querelle des Universaux (Métaphysique)
Le premier grand débat philosophique sur ce sujet remonte au Moyen Âge (mais s’enracine chez Platon et Aristote) : c’est la Querelle des Universaux.
La question est simple : les concepts généraux (les « universaux ») existent-ils réellement, ou ne sont-ils que des mots ?
Par exemple, nous voyons des chevaux singuliers (ce cheval-ci, ce cheval-là). Mais le concept de « Cheval » (l’essence du cheval, ce qui fait qu’un cheval est un cheval) existe-t-il quelque part ?
- Le Réalisme (ex: Platon) : Pour Platon, l’universel (l’Idée ou la Forme) est plus réel que les choses singulières. Les chevaux que nous voyons ne sont que des copies imparfaites de « l’Idée de Cheval », qui existe éternellement dans un monde intelligible. L’universel existe en soi.
- Le Nominalisme (ex: Guillaume d’Ockham) : À l’extrême opposé, les nominalistes affirment que seuls les individus existent. Les universaux ne sont que des « noms » (nomina en latin), des étiquettes pratiques que nous utilisons pour regrouper des choses qui se ressemblent. « Cheval » n’est qu’un son de voix (flatus vocis) ou un concept mental, il n’a aucune existence hors de notre esprit.
- Le Conceptualisme (ex: Pierre Abélard) : Une position intermédiaire, affirmant que l’universel n’existe pas en soi (contre Platon) mais qu’il n’est pas non plus qu’un simple mot (contre Ockham). C’est un concept de l’esprit, fondé sur les ressemblances réelles observées dans les choses.
Ce débat est fondamental : si seuls les individus existent (nominalisme), alors comment fonder une science, qui par définition recherche des lois générales (donc universelles) ?
L’Universel dans la Connaissance (Kant)
Pour Emmanuel Kant, l’universel ne se trouve ni dans un « monde des Idées » (Platon) ni dans les choses elles-mêmes (Aristote). Il se trouve dans les structures de notre propre esprit.
Selon Kant, pour connaître le monde, notre esprit applique des « catégories » universelles à l’expérience sensible. Par exemple, la causalité (l’idée que tout effet a une cause) n’est pas quelque chose que nous voyons dans le monde ; c’est un concept universel que notre entendement impose a priori au monde pour le rendre compréhensible. L’universalité de la science (ex: « la loi de la gravitation universelle ») est donc possible parce que tous les esprits humains sont structurés de la même façon.
L’Universalisme Moral et Politique ⚖️
C’est dans le domaine de la morale et du droit que l’universalisme a eu le plus d’impact.
Kant et l’Impératif Catégorique
Kant est le penseur de l’universalisme moral par excellence. Il cherche une loi morale qui ne dépende ni des circonstances (relativisme) ni des désirs individuels (subjectivisme). Il la trouve dans l’Impératif Catégorique.
Sa formulation la plus célèbre est : « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. »
- Exemple : Puis-je mentir pour me sortir d’une situation embarrassante ?
- Test d’universalisation : Puis-je vouloir que tout le monde, tout le temps, mente dès que c’est dans son intérêt ? Non. Car si tout le monde mentait, le concept même de « parole » et de « confiance » s’effondrerait. L’acte de mentir se contredit lui-même s’il est universalisé.
- Conclusion : Le mensonge est donc moralement interdit, de manière universelle.
Les Droits de l’Homme
L’universalisme est le fondement philosophique de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948). 💡 L’idée, héritée des Lumières, est que tous les êtres humains, du simple fait qu’ils partagent une raison commune (universelle), possèdent des droits inaliénables (la liberté, la dignité, l’égalité) et ce, quelles que soient leur culture, leur religion ou leur nationalité.
Les Critiques de l’Universalisme
L’universalisme fait l’objet de vives critiques, en particulier depuis la fin du XXe siècle.
L’accusation d’ethnocentrisme : Des penseurs issus de l’anthropologie (comme Claude Lévi-Strauss) ou du relativisme culturel soutiennent que ce qui est présenté comme « universel » (la Raison, les Droits de l’Homme) n’est souvent que la projection des valeurs particulières de l’Occident (européennes, blanches, masculines) sur le reste du monde. L’universalisme serait alors un masque pour l’impérialisme culturel ou le colonialisme.
La critique de la « différence » : Les philosophies de la différence (postmodernisme, certains courants féministes) critiquent « L’Homme » universel des Lumières. Elles affirment que cet « Homme » abstrait a été construit en niant les différences concrètes (la différence des sexes, des cultures, etc.). L’universel serait une fiction qui opprime le singulier et le particulier.




