Définition et Étymologie
Le terme Un provient du latin unus, qui signifie « un seul », « unique ». Dans son sens le plus immédiat, il désigne le premier des nombres entiers, la base du comptage, ce qui s’oppose au multiple, au divers ou au zéro. Il exprime la singularité, l’individualité et l’absence de division.
Au-delà de son usage arithmétique, l’Un acquiert une signification métaphysique fondamentale. Il ne désigne plus seulement une quantité, mais une qualité ou un principe. L’Un est ce qui est indivisé en lui-même et distinct de tout autre. Il représente l’intégrité, la totalité, la cohésion ou l’identité d’une chose. Définir une chose, c’est définir ce qui fait son unité.
Usage en Philosophie
En philosophie, le concept de l’Un est central et traverse toute l’histoire de la métaphysique, de l’ontologie et de la théologie. Il ne s’agit pas de « un » objet parmi d’autres, mais du principe même de l’existence et de l’intelligibilité.
L’Un comme Être
L’école présocratique des Éléates, et plus particulièrement Parménide, est la première à poser l’Un comme principe absolu. Pour Parménide, l’Être est Un. Il ne peut y avoir de multiplicité réelle, car cela impliquerait le non-être, c’est-à-dire ce qui sépare les étants. Si l’Être est, il est nécessairement Un, indivisible, éternel, immobile et parfait. Le monde sensible, que nous percevons comme multiple et changeant, n’est qu’une illusion des sens. L’Un est la seule réalité accessible par la raison.
L’Un au-delà de l’Être
C’est avec Plotin, le penseur majeur du néoplatonisme, que l’Un atteint son apogée conceptuelle. S’inspirant de Platon qui, dans La République, plaçait l’Idée du Bien au-dessus de toutes les autres Idées et même au-delà de l’essence, Plotin situe l’Un absolument au-delà de tout.
Pour Plotin, l’Un n’est même pas l’Être, car l’Être implique déjà une détermination, une forme. L’Un est la source première, l’Absolu indicible et parfaitement simple, d’où tout procède par émanation, sans que l’Un lui-même ne soit altéré ou diminué. De cet Un premier découle l’Intellect, qui contient les Idées platoniciennes, puis l’Âme du Monde, et enfin la matière, qui est le niveau le plus bas de la réalité, le plus éloigné de l’Un. La démarche philosophique et spirituelle consiste alors en un « retour » de l’âme vers l’Un, une unification mystique avec ce principe originel.
Monisme et Substance
Le concept de l’Un est également au cœur des philosophies monistes, qui affirment qu’il n’existe qu’une seule réalité ou substance fondamentale.
L’exemple le plus célèbre est celui de Baruch Spinoza. Dans son Éthique, Spinoza démontre qu’il ne peut exister qu’une seule substance, qu’il nomme « Dieu ou la Nature » (Deus sive Natura). Cette substance est unique, infinie et éternelle. Tout ce qui existe, y compris les esprits humains et les corps matériels, ne sont pas des substances séparées mais des « modes », c’est-à-dire des affections ou des manières d’être de cette unique substance. L’univers entier est l’expression nécessaire de cet Un-Tout.
L’Un et le Multiple
La philosophie se confronte constamment à la relation entre l’Un et le Multiple. Comment le multiple peut-il exister si l’Un est le principe de tout ? Gottfried Wilhelm Leibniz propose une solution originale. Il critique le monisme radical de Spinoza et propose un univers composé d’une infinité d’unités réelles, les « monades ».
Chaque monade est une substance simple, indivisible, une sorte d’atome spirituel qui reflète l’univers entier de son propre point de vue. L’univers est donc un pluralisme fondé sur des unités. Cependant, l’unité suprême n’est pas perdue : c’est Dieu, la monade des monades, qui a créé toutes les autres et assure leur « harmonie préétablie ». L’harmonie de l’univers vient du fait que toutes ces unités multiples sont réglées par un principe unificateur divin.
L’Un comme Identité
Enfin, l’Un est une question cruciale pour définir l’identité, notamment l’identité personnelle. Qu’est-ce qui fait l’unité du « Moi » ? Malgré les changements constants de mon corps, de mes pensées et de mes sentiments, je persiste à me percevoir comme « un » et le même individu à travers le temps.
Des philosophes comme John Locke ont tenté de fonder cette unité sur la conscience et la mémoire, tandis que David Hume a critiqué cette idée, affirmant que le « Moi » n’est qu’un faisceau de perceptions changeantes, sans unité substantielle sous-jacente. La question de l’unité du sujet reste donc un problème philosophique majeur.





