Définition et Étymologie
Le terme Volonté provient du latin voluntas, un substantif formé à partir du verbe velle, qui signifie « vouloir ». Dans son sens le plus courant, la volonté désigne la faculté de l’esprit humain qui lui permet de se déterminer, de se décider à agir ou à s’abstenir, en vue d’une fin consciemment représentée.
Elle est ce qui opère le passage de la délibération à l’action. La volonté n’est donc pas le désir. Le désir peut être passif, involontaire, une simple appétence ou un élan subi ; je peux désirer une chose tout en refusant de la vouloir. La volonté, au contraire, implique une décision, un acte de la conscience qui s’engage et dit « oui » ou « non », que ce soit à un désir, à une pensée ou à une obligation.
Elle est la capacité d’auto-détermination. Elle est traditionnellement associée à la notion de liberté, voire de libre arbitre, c’est-à-dire la capacité de choisir entre plusieurs options, y compris celle de choisir contre ses propres penchants ou intérêts immédiats. La volonté est ce qui permet à l’individu de s’affirmer comme cause de ses propres actions.
Usage en Philosophie
La volonté est un concept cardinal en philosophie, au carrefour de la morale, de la métaphysique et de la psychologie.
La Volonté comme Choix Rationnel
Chez les philosophes grecs, la volonté n’est pas une faculté totalement autonome comme nous la concevons. Pour Aristote, la volonté (boulêsis) est un « désir rationnel ». Nous désirons naturellement le bien, ou ce qui nous apparaît comme tel. C’est l’intellect qui délibère sur les moyens d’atteindre ce bien, et le choix (prohairesis) est l’acte qui en résulte. La volonté est donc intimement liée à la raison.
Les stoïciens placent la volonté au centre de la morale. Pour Épictète, la seule chose qui dépende véritablement de nous, c’est notre volonté : nos jugements, nos désirs, nos aversions. La liberté et la vertu consistent à exercer cette volonté en accord avec la Raison universelle, en acceptant ce qui ne dépend pas de nous.
Le Libre Arbitre et la Théologie
C’est avec la pensée chrétienne, notamment saint Augustin, que la volonté prend une importance capitale sous la forme du libre arbitre (liberum arbitrium). Pour expliquer l’origine du mal, Augustin doit montrer que Dieu n’en est pas la cause. Le mal provient d’un mauvais usage que l’homme fait de sa volonté, une faculté bonne en soi, mais qui peut se détourner du Bien suprême (Dieu) pour se tourner vers des biens inférieurs.
La Volonté Moderne : de la Liberté Infinie à l’Illusion
À l’âge classique, la volonté est au cœur de la définition du sujet. René Descartes la décrit comme une faculté infinie en nous, à l’image de Dieu. Notre entendement est fini, mais notre volonté est sans limite, ce qui explique la possibilité de l’erreur : l’erreur survient lorsque notre volonté (affirmer ou nier) se précipite et accorde son assentiment à des idées qui ne sont pas claires et distinctes pour l’entendement.
Baruch Spinoza prend le contre-pied absolu de Descartes. Pour lui, la « volonté libre » est une illusion totale. L’esprit humain fait partie de la Nature et est déterminé par les mêmes lois nécessaires. « Il n’y a dans l’âme aucune volonté absolue ou libre ». Une « volition » n’est que l’idée d’un désir, qui est lui-même déterminé par une cause, qui en détermine une autre, à l’infini. Les hommes se croient libres par volonté simplement parce qu’ils sont conscients de leurs actions, mais ignorants des causes qui les déterminent à agir, semblables à une pierre qui, si elle était consciente, se croirait libre de tomber.
Volonté, Devoir et Politique
Jean-Jacques Rousseau déplace le concept vers la politique avec la Volonté Générale. Dans Du Contrat Social, la Volonté Générale n’est pas la somme des volontés particulières (la volonté de tous), mais la volonté du corps politique lorsqu’il vise l’intérêt commun. En obéissant à la loi qui émane de la Volonté Générale, le citoyen n’obéit qu’à lui-même et est donc libre.
Pour Emmanuel Kant, la volonté est le fondement même de la morale. Ce qui est moralement bon, ce n’est pas l’action ou ses conséquences, mais la bonne volonté. Une volonté est bonne lorsqu’elle n’agit pas par intérêt ou par penchant, mais « par devoir », c’est-à-dire par pur respect pour la loi morale que la raison se donne à elle-même (l’impératif catégorique). La volonté, c’est la raison pratique elle-même.
La Volonté comme Essence du Monde
Au dix-neuvième siècle, la volonté devient un principe métaphysique. Arthur Schopenhauer, dans Le Monde comme volonté et comme représentation, fait de la Volonté (Wille) l’essence intime et unique de toute chose. Ce n’est pas une faculté rationnelle, mais une force aveugle, un « vouloir-vivre » insatiable et absurde qui anime l’univers entier, du minéral à l’homme. C’est la source de toute la souffrance du monde. Le salut ne réside que dans la négation de cette volonté, par l’art ou l’ascèse.
Friedrich Nietzsche reprend cette idée mais la transforme radicalement. L’essence du monde n’est pas un simple « vouloir-vivre », mais la Volonté de Puissance (Wille zur Macht). Ce n’est pas le désir de domination politique, mais la pulsion fondamentale de tout ce qui vit : une force créatrice qui cherche à s’accroître, à se dépasser et à affirmer sa propre perspective sur le monde. La morale traditionnelle (la vertu, le bien) est une manifestation d’une volonté de puissance faible et réactive ; Nietzsche appelle à une morale nouvelle fondée sur l’affirmation de cette volonté créatrice.