Définition et Étymologie
Le terme Vitalisme provient du latin vita, qui signifie « la vie ». Il désigne un ensemble de doctrines philosophiques et de théories biologiques qui postulent que les phénomènes propres aux êtres vivants ne peuvent pas être entièrement expliqués par les seules lois physico-chimiques qui régissent la matière inanimée.
Au cœur de toute pensée vitaliste se trouve l’affirmation de l’existence d’un principe immatériel, d’une force ou d’une impulsion spécifique, souvent appelé « principe vital », « force vitale » ou « âme ». Ce principe est considéré comme distinct de la matière. Il serait la cause de l’organisation, du développement, de la croissance, de la reproduction et de l’auto-régulation qui caractérisent la vie.
Le vitalisme s’oppose ainsi fondamentalement au mécanisme, la doctrine qui, à la suite de René Descartes et sa théorie de l’animal-machine, considère l’organisme vivant comme une machine complexe, entièrement réductible à ses composants matériels et aux lois de la physique. Il s’oppose également au réductionnisme, qui cherche à expliquer la biologie par la chimie, et la chimie par la physique. Pour le vitaliste, le vivant est plus que la somme de ses parties ; il possède une spécificité irréductible.
Usage en Philosophie et en Biologie
Le vitalisme a une longue histoire, commençant comme une intuition philosophique avant de devenir une hypothèse scientifique, puis de redevenir un concept métaphysique majeur.
Les racines de la pensée vitaliste peuvent être retracées jusqu’à Aristote, pour qui l’âme (psychè) est le « principe de vie » et la « forme » du corps. C’est l’âme qui organise la matière et lui donne ses fonctions. L’âme végétative, par exemple, est ce qui régit la nutrition et la croissance des plantes et des animaux.
C’est cependant à l’époque moderne, en réaction directe au mécanisme cartésien, que le vitalisme s’est constitué en théorie biologique. Des médecins et biologistes, comme ceux de l’École de Montpellier au dix-huitième siècle, tels que Théophile de Bordeu ou Paul-Joseph Barthez, estimaient que les lois de la mécanique ne suffisaient pas à expliquer la sensibilité, l’irritabilité ou la cohésion d’un corps vivant. Ils ont donc postulé un « principe vital » unique, distinct de l’âme pensante, qui coordonne les organes et maintient l’intégrité de l’organisme. Xavier Bichat, un peu plus tard, définira la vie comme « l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort », la mort étant le triomphe des lois chimiques de décomposition sur cette force vitale.
Scientifiquement, le vitalisme a subi un coup fatal au dix-neuvième siècle, notamment lorsque Friedrich Wöhler réussit en 1828 la synthèse de l’urée. Cette expérience prouva qu’un composé « organique », que l’on croyait ne pouvoir être produit que par la « force vitale », pouvait être synthétisé en laboratoire à partir de composés « inorganiques ». La biologie moléculaire, la génétique et la biochimie ont ensuite progressivement expliqué les mécanismes de la vie (métabolisme, hérédité) sans avoir recours à un principe immatériel.
Pourtant, au moment même où le vitalisme scientifique déclinait, il connaissait sa plus grande postérité philosophique. Arthur Schopenhauer, dans Le Monde comme volonté et comme représentation, fait de la Volonté, ou « Vouloir-vivre », une force métaphysique aveugle et unique qui est l’essence de toute chose, une sorte de vitalisme cosmique.
Mais le penseur vitaliste le plus important est Henri Bergson. Dans L’Évolution créatrice (1907), Bergson critique à la fois le mécanisme darwinien et le finalisme traditionnel. Pour lui, l’évolution de la vie ne peut s’expliquer ni par un pur hasard de variations mécaniques ni par un plan préétabli. Elle est le fruit d’un Élan vital.
L’Élan vital, pour Bergson, est une impulsion créatrice originelle, un courant de conscience qui traverse la matière pour y introduire de l’indétermination et de la nouveauté. Ce n’est pas une « force » qui s’ajoute à la matière, mais un processus de création continue. La vie, portée par cet élan, cherche constamment à se dépasser, à inventer des formes nouvelles et imprévisibles, comme elle l’a fait en créant la conscience humaine. L’Élan vital de Bergson est une réponse métaphysique à l’insuffisance des explications purement matérialistes face à la créativité et à la complexité croissante du vivant.
Aujourd’hui, si le vitalisme est abandonné par la science, les questions qu’il soulevait demeurent pertinentes en philosophie de l’esprit et de la biologie. Le problème de l’émergence, c’est-à-dire comment des propriétés nouvelles comme la conscience ou la vie peuvent « émerger » de la matière non vivante, reste un défi central pour le réductionnisme.