Définition et Étymologie
Le terme Vérité provient du latin veritas, dérivé de verus qui signifie « vrai », « réel », « authentique ». Dans son acception la plus courante et la plus ancienne, la vérité désigne la conformité ou l’adéquation entre un discours, une pensée ou une proposition, et la réalité à laquelle ce discours se réfère. C’est le caractère de ce qui est en accord avec le fait réel.
Cette définition, dite « classique », oppose la vérité à ses contraires : le faux, l’erreur, l’illusion, le mensonge ou la simple opinion. Si je dis « Il pleut », cette affirmation est vraie si, et seulement si, le fait de la pluie a lieu actuellement à l’extérieur.
La vérité n’est donc pas la réalité elle-même. La pluie n’est pas « vraie », elle est. C’est la proposition « Il pleut » qui est vraie ou fausse. La vérité est une propriété du langage et de la pensée lorsqu’ils parviennent à saisir correctement le réel.
Usage en Philosophie
La question de la Vérité est sans doute la question centrale de la philosophie, en particulier de la métaphysique, de la logique et de la théorie de la connaissance. La philosophie n’est-elle pas, depuis Platon, un « amour de la sagesse » qui se définit comme une quête de la Vérité, par opposition à la doxa, l’opinion incertaine des sophistes ?
Cependant, la définition apparemment simple de la vérité comme adéquation soulève des problèmes complexes : comment savoir si notre pensée est « adéquate » à la réalité ? Comment pouvons-nous sortir de notre propre esprit pour comparer notre idée à la chose « en soi » ? Les philosophes ont proposé plusieurs théories concurrentes pour définir la vérité et son critère.
La Vérité-Correspondance
C’est la théorie la plus intuitive. Elle fut formulée par Aristote : « Dire de ce qui est qu’il est, ou de ce qui n’est pas qu’il n’est pas, c’est le vrai. » Au Moyen Âge, Thomas d’Aquin a systématisé cette idée dans sa célèbre formule latine : adaequatio rei et intellectus, l’adéquation de l’intellect à la chose. La vérité est un rapport de ressemblance ou de conformité.
Cette conception domine la pensée empiriste, pour qui nos idées ne sont vraies que si elles correspondent à des impressions sensibles. Le défi reste de savoir comment s’opère cette vérification.
La Vérité-Cohérence
Les philosophes rationalistes, comme René Descartes ou Baruch Spinoza, ont noté que cette définition ne fonctionne pas pour toutes les vérités. Comment la vérité « deux et deux font quatre » pourrait-elle correspondre à une « chose » dans le monde ?
Pour les rationalistes, le critère de la vérité n’est pas externe, mais interne à la pensée elle-même. Est vraie une idée qui s’accorde logiquement avec toutes les autres idées d’un système, sans se contredire. La vérité est la cohérence logique du discours.
Pour Descartes, le critère premier est l’évidence. Une idée est vraie lorsqu’elle se présente à l’esprit de manière si « claire et distincte » qu’il est impossible d’en douter. C’est le cas du Cogito, « Je pense, donc je suis ». Sa vérité ne vient pas d’une comparaison avec un fait extérieur, mais de sa nécessité interne immédiate. Spinoza ira jusqu’à dire que « la vérité est à elle-même son propre signe » (veritas est index sui), tout comme la lumière se fait voir elle-même en même temps qu’elle éclaire les ténèbres.
La Vérité-Pragmatique
Au dix-neuvième siècle, le courant pragmatiste américain, avec William James, a proposé une définition radicalement différente. La vérité n’est pas une propriété statique d’une idée, mais un processus dynamique. Une idée devient vraie si elle « réussit » dans la pratique, si elle est utile, si elle produit des effets bénéfiques et nous permet de mieux naviguer dans l’expérience.
Selon James, la vérité d’une croyance est sa « valeur en liquide » (cash-value). Si croire en la liberté ou en Dieu a des conséquences positives sur ma vie et mon action, cette croyance est « vraie » au sens pragmatique. La vérité n’est pas ce qui copie le réel, mais ce qui nous aide à agir sur lui.
La Vérité comme Dévoilement
Revenant aux origines grecques, Martin Heidegger a profondément critiqué la définition classique de la vérité comme adaequatio. Selon lui, les Latins ont trahi le sens originel du mot grec pour vérité, Aletheia.
Aletheia signifie littéralement « non-oubli » ou « dé-voilement » (le a- privatif et lèthè, l’oubli ou la dissimulation). Pour Heidegger, la vérité n’est pas un accord entre une proposition et un objet. Elle est l’événement fondamental par lequel l’Être lui-même sort de sa dissimulation et se manifeste à l’homme. La vérité est ce dévoilement originaire. Avant de pouvoir dire « Ceci est une pierre », il faut que la pierre se soit déjà manifestée, qu’elle soit sortie du néant pour se présenter à nous.
La Critique de la Vérité
Enfin, de nombreux philosophes ont opéré une critique radicale de la notion même de Vérité. Friedrich Nietzsche la considère comme une illusion métaphysique. Dans Sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral, il affirme que les vérités ne sont que des « métaphores dont on a oublié qu’elles le sont ». Ce que nous appelons « vérité » n’est qu’un ensemble d’interprétations qui se sont imposées parce qu’elles étaient utiles à la conservation de l’espèce. C’est un instrument de la « volonté de puissance ».
Dans cette lignée, Michel Foucault a analysé les « régimes de vérité ». Selon lui, la vérité n’est pas une entité pure et intemporelle à découvrir. Elle est un produit de l’histoire et du pouvoir. Chaque société produit ses propres « jeux de vérité », ses discours et ses institutions qui déterminent ce qui est tenu pour vrai ou faux. La vérité est donc indissociable des mécanismes de pouvoir qui la produisent et la maintiennent.