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Table of Contents
  1. Définition et étymologie
  2. Les fondements philosophiques de la morale
    1. La morale antique : vertu et bonheur
    2. La révolution chrétienne
    3. La morale moderne : autonomie et universalité
    4. L’utilitarisme : le calcul du bonheur
    5. Critiques modernes de la morale traditionnelle
    6. Éthiques contemporaines
  3. Débats contemporains
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Morale

  • 02/10/2025
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Définition et étymologie

La morale désigne l’ensemble des principes, valeurs et règles qui orientent le jugement et la conduite humaine en distinguant le bien du mal, le juste de l’injuste. Elle constitue à la fois un système normatif régissant les comportements individuels et collectifs, et une réflexion philosophique sur les fondements de ces normes. La morale se manifeste par des obligations, des interdits et des idéaux qui structurent la vie en société et l’épanouissement personnel.

Le terme « morale » provient du latin « moralis », dérivé de « mos, moris » (mœurs, coutumes, usages). Cette étymologie révèle le lien originel entre morale et pratiques sociales établies. Le latin « moralis » fut créé par Cicéron pour traduire le grec « êthikos » (ἠθικός), relatif au caractère et aux mœurs. Cette double origine souligne la tension constitutive de la morale entre dimension universelle (éthique) et particularité culturelle (mœurs).

Les fondements philosophiques de la morale

La morale antique : vertu et bonheur

Chez Aristote (384-322 av. J.-C.), la morale s’enracine dans la recherche du bonheur (eudaimonia). Dans l' »Éthique à Nicomaque », il développe une éthique des vertus où l’excellence morale consiste en la juste mesure entre les extrêmes. La tempérance se situe entre l’intempérance et l’insensibilité, le courage entre la lâcheté et la témérité. Cette doctrine du juste milieu (mesotês) vise l’épanouissement de la nature humaine rationnelle et sociale.

Pour Aristote, les vertus s’acquièrent par l’habitude et l’éducation. La vertu n’est pas innée mais résulte d’un apprentissage progressif qui forme le caractère (êthos). Cette conception téléologique lie indissociablement morale et bonheur : agir moralement, c’est actualiser sa nature propre d’animal politique et rationnel.

Les stoïciens, notamment Épictète (50-130) et Marc Aurèle (121-180), radicalisent cette approche en identifiant vertu et bonheur. Pour eux, seule la vertu est véritablement un bien, les autres prétendus biens (richesse, santé, réputation) étant « indifférents ». Cette morale de l’acceptation (amor fati) prône la conformité à l’ordre cosmique rationnel.

La révolution chrétienne

Le christianisme transforme profondément la morale antique en y introduisant les notions d’amour universel, de péché et de salut. Saint Augustin (354-430) synthétise platonisme et christianisme, concevant la morale comme orientation vers Dieu, souverain bien. L’amour de soi et du prochain trouve sa source dans l’amour de Dieu (« ordo amoris »).

Thomas d’Aquin (1225-1274) harmonise aristotélisme et doctrine chrétienne dans sa « Somme théologique ». Il distingue les vertus naturelles (prudence, justice, force, tempérance) des vertus théologales (foi, espérance, charité) infusées par la grâce divine. Cette synthèse médiévale domine la pensée occidentale jusqu’à la modernité.

La morale moderne : autonomie et universalité

Emmanuel Kant (1724-1804) révolutionne la philosophie morale en fondant la moralité sur l’autonomie rationnelle plutôt que sur le bonheur ou la tradition. Dans la « Critique de la raison pratique » (1788), il développe une éthique déontologique centrée sur le devoir (Pflicht).

L’impératif catégorique kantien formule le principe suprême de la moralité : « Agis uniquement d’après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. » Cette formulation souligne l’universalisabilité comme critère de la moralité. Une action n’est morale que si sa maxime peut être érigée en loi universelle sans contradiction.

Kant propose également la formule de l’humanité : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans celle d’autrui, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. » Cette seconde formulation fonde la dignité humaine sur la rationalité pratique.

La morale kantienne se caractérise par son formalisme (indépendance à l’égard du contenu empirique), son rigorisme (absence d’exceptions) et son autonomie (la loi morale émane de la raison elle-même).

L’utilitarisme : le calcul du bonheur

Jeremy Bentham (1748-1832) et John Stuart Mill (1806-1873) développent une approche conséquentialiste opposée au formalisme kantien. L’utilitarisme juge la moralité des actions selon leurs conséquences en termes de bonheur ou de bien-être.

Bentham formule le principe d’utilité : « La nature a placé l’humanité sous l’empire de deux maîtres souverains : la douleur et le plaisir. » L’action juste maximise le bonheur du plus grand nombre. Cette approche quantitative propose un « calcul des plaisirs » mesurant intensité, durée, certitude et pureté des sensations.

Mill raffine cette doctrine en distinguant les plaisirs selon leur qualité : « Il vaut mieux être un homme insatisfait qu’un porc satisfait. » Cette hiérarchisation qualitative préserve la spécificité des plaisirs intellectuels et esthétiques contre le matérialisme benthamien.

L’utilitarisme contemporain, avec Peter Singer ou Derek Parfit, étend cette logique aux questions de justice internationale et d’éthique animale, appliquant le calcul utilitariste aux enjeux globaux.

Critiques modernes de la morale traditionnelle

Friedrich Nietzsche (1844-1900) porte une critique radicale contre la morale occidentale dans « Par-delà bien et mal » (1886) et la « Généalogie de la morale » (1887). Il dénonce la « morale des esclaves » chrétienne qui valorise humilité, compassion et abnégation contre les valeurs aristocratiques de force et d’excellence.

Pour Nietzsche, la morale traditionnelle procède du ressentiment des faibles contre les forts. Il appelle à un renversement des valeurs (Umwertung aller Werte) et à l’avènement du surhomme (Übermensch) créateur de ses propres valeurs.

Éthiques contemporaines

L’éthique de la responsabilité de Hans Jonas (1903-1993) répond aux défis technologiques modernes. Dans « Le Principe responsabilité » (1979), il formule un nouvel impératif : « Agis de façon qu’il y ait encore une humanité authentique sur terre. » Cette éthique prospective intègre les générations futures et l’environnement.

L’éthique du care, développée par Carol Gilligan et Nel Noddings, valorise les relations interpersonnelles et le souci d’autrui contre l’abstraction des principes universels. Cette approche féministe critique l’orientation masculine de l’éthique traditionnelle.

Alasdair MacIntyre (1929-) plaide pour un retour aux vertus aristotéliciennes dans « Après la vertu » (1981), dénonçant l’échec du projet moderne de fondation rationnelle de la morale.

Débats contemporains

Les questions bioéthiques (euthanasie, procréation assistée, manipulations génétiques) renouvellent les débats moraux traditionnels. Les comités d’éthique tentent de concilier autonomie individuelle, bienfaisance médicale et justice sociale.

L’éthique appliquée étend la réflexion morale aux domaines professionnel (déontologie), environnemental (écologie profonde) et technologique (intelligence artificielle), questionnant les frontières traditionnelles entre public et privé, humain et non-humain.

La morale demeure ainsi un champ philosophique vivant, confronté aux transformations contemporaines du vivre-ensemble et aux nouveaux pouvoirs technologiques.

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