Définition et étymologie
L’humanisme désigne, dans son acception la plus générale, toute doctrine ou attitude qui fait de l’homme et de sa dignité la valeur suprême, plaçant l’être humain au centre de ses préoccupations. Le terme provient du latin « humanitas », concept cicéronien qui désigne à la fois la nature humaine, la culture et la civilisation qui élèvent l’homme au-dessus de l’animalité.
Historiquement, l’humanisme qualifie d’abord le mouvement intellectuel de la Renaissance (XIVe-XVIe siècles) qui redécouvre et valorise les textes de l’Antiquité classique, développant une pédagogie fondée sur les « humanités » (studia humanitatis). Cette renaissance des lettres antiques s’accompagne d’une nouvelle conception de l’homme et de sa place dans l’univers.
Au sens philosophique moderne, l’humanisme englobe diverses doctrines qui affirment la dignité, l’autonomie et la perfectibilité de l’être humain, qu’elles soient théistes (humanisme chrétien) ou athées (humanisme laïque), individualistes ou collectivistes, optimistes ou pessimistes quant à la nature humaine.
Les racines antiques de l’humanisme
L’héritage grec : paideia et anthropocentrisme
La civilisation grecque développe une conception de la paideia (éducation-formation) qui vise l’épanouissement intégral de l’être humain. Protagoras (vers 490-420 av. J.-C.) formule le principe anthropocentrique : « L’homme est la mesure de toutes choses », qui deviendra un leitmotiv de la pensée humaniste.
L’idéal grec de la kalokagathia (beauté et bonté) exprime cette aspiration à l’excellence humaine totale, harmonisant développement physique, intellectuel et moral. Cette conception éducative influence durablement la pédagogie humaniste occidentale.
Rome et l’humanitas cicéronienne
Cicéron (106-43 av. J.-C.) forge le concept d’humanitas qui synthèse nature humaine universelle et culture raffinée. Cette humanitas s’acquiert par l’éducation libérale (studia liberalia) qui forme l’homme libre et citoyen. Elle implique également la philanthropia, bienveillance universelle envers l’humanité.
Cette conception romaine de l’humanisme culturel et civique influence profondément la Renaissance et l’humanisme moderne, établissant un lien indissoluble entre culture classique et formation humaine.
L’humanisme renaissant
Francesco Petrarca (Pétrarque) et les origines
Francesco Petrarca (1304-1374) est généralement considéré comme le « père de l’humanisme ». Son amour des textes antiques, sa critique de la « barbarie » scolastique et sa conception de l’individu marquent une rupture avec l’esprit médiéval. Il développe une nouvelle conscience historique qui oppose l’âge d’or antique aux « ténèbres » médiévales.
Pétrarque inaugure également une spiritualité intériorisée qui valorise l’expérience personnelle et la dignité de l’homme créé à l’image de Dieu. Cette anthropologie optimiste nourrit l’humanisme chrétien naissant.
Les humanistes italiens
L’humanisme italien s’épanouit aux XVe et XVIe siècles avec des figures comme Lorenzo Valla (critique philologique), Marsile Ficin (synthèse platonico-chrétienne), Pic de la Mirandole (dignité de l’homme), Baldassare Castiglione (idéal de l’honnête homme).
Pic de la Mirandole (1463-1494) formule dans son « Discours sur la dignité de l’homme » (1486) le credo humaniste : l’homme, placé au centre du monde, n’a pas de nature fixe mais peut se façonner lui-même, devenant « l’artisan de sa propre fortune ». Cette conception de l’homme comme être de liberté et de perfectibilité marque profondément l’humanisme occidental.
L’expansion européenne
L’humanisme se diffuse dans toute l’Europe : Érasme aux Pays-Bas développe un humanisme chrétien réformateur, Thomas More en Angleterre imagine l’Utopie, Guillaume Budé en France fonde l’hellénisme français, Johannes Reuchlin en Allemagne défend les études hébraïques.
Cette internationale humaniste, favorisée par l’imprimerie, crée un réseau intellectuel européen qui transcende les frontières politiques et confessionnelles.
L’humanisme moderne
L’humanisme des Lumières
Les philosophes des Lumières (XVIIIe siècle) développent un humanisme rationaliste et universaliste. Voltaire défend la tolérance et les droits de l’homme, Diderot et d’Alembert entreprennent l’Encyclopédie pour diffuser les connaissances, Condorcet proclame la perfectibilité indéfinie de l’humanité.
Cet humanisme moderne se caractérise par sa confiance en la raison, son optimisme progressiste et son aspiration à l’émancipation universelle. Il inspire les révolutions démocratiques et les déclarations des droits de l’homme.
Kant et la dignité de la personne
Emmanuel Kant (1724-1804) fonde philosophiquement l’humanisme moderne avec son impératif catégorique : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans celle d’autrui, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. »
Cette formulation établit la dignité absolue de la personne humaine comme être autonome et rationnel. L’humanisme kantien influence durablement l’éthique et le droit modernes, fondant l’idée des droits inaliénables de l’homme.
Variantes de l’humanisme
L’humanisme chrétien
L’humanisme chrétien tente de concilier foi religieuse et dignité humaine. Jacques Maritain (1882-1973) développe un « humanisme intégral » qui fonde la personne humaine sur sa relation à l’Absolu divin. Cette tradition influence la doctrine sociale de l’Église et les démocrates-chrétiens.
Emmanuel Mounier (1905-1950) développe le personnalisme qui affirme la primauté de la personne sur l’individu et sur les collectivités, inspirant l’humanisme social contemporain.
L’humanisme socialiste
Le socialisme développe un humanisme collectiviste qui privilégie l’épanouissement de l’homme dans et par la communauté sociale. Jean Jaurès et Léon Blum développent un « socialisme humaniste » qui réconcilie liberté individuelle et justice sociale.
L’humanisme existentialiste
Jean-Paul Sartre proclame dans « L’existentialisme est un humanisme » (1946) que « l’existentialisme est un humanisme » en ce qu’il place l’homme face à sa responsabilité absolue et sa liberté de se créer. Cet humanisme athée fait de l’homme « l’être par qui les valeurs arrivent au monde ».
Critiques de l’humanisme
La critique antihumaniste
Certains penseurs critiquent l’anthropocentrisme humaniste. Martin Heidegger dénonce l' »humanisme métaphysique » qui oublie la question de l’être, Michel Foucault annonce la « mort de l’homme » comme construction épistémologique moderne, Louis Althusser développe un « antihumanisme théorique » marxiste.
Ces critiques questionnent l’évidence de la centralité humaine et révèlent les présupposés métaphysiques de l’humanisme traditionnel.
L’écologisme et l’humanisme
L’écologie politique remet en question l’anthropocentrisme humaniste accusé de légitimer la domination destructrice de la nature. L’écologie profonde (Arne Naess) propose un biocentrisme qui relativise la position privilégiée de l’homme dans l’écosystème.
Le posthumanisme
Les développements technologiques contemporains (intelligence artificielle, biotechnologies, cybernétique) suscitent des courants « posthumanistes » qui envisagent le dépassement de l’humanité traditionnelle vers des formes d’existence augmentée ou artificielle.
L’humanisme contemporain
Les droits de l’homme
L’humanisme contemporain trouve son expression principale dans l’idéologie des droits de l’homme, universalisée après 1945. La Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) incarne cet humanisme juridique et politique.
Cependant, cette universalisation suscite des débats sur le relativisme culturel et l’occidentalocentrisme supposé des droits humains.
L’humanisme laïque
Des mouvements comme l’humanisme laïque ou l’humanisme séculier développent une éthique humaniste sans référence religieuse, fondée sur la raison, la science et la solidarité humaine. Ces courants influencent l’éducation et la bioéthique contemporaines.
Nouveaux défis
L’humanisme contemporain affronte de nouveaux défis : mondialisation, multiculturalisme, développement durable, révolution numérique, bioéthique. Ces évolutions appellent un renouvellement de la réflexion humaniste sur la condition humaine au XXIe siècle.
L’humanisme demeure ainsi une tradition intellectuelle vivante qui continue d’inspirer la réflexion sur la dignité humaine, les valeurs universelles et les conditions d’un monde plus humain, tout en évoluant face aux transformations contemporaines de la condition humaine.