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Table of Contents
  1. Définition et étymologie
  2. Les origines présocratiques
  3. Les synthèses platonicienne et aristotélicienne
  4. Les développements médiévaux
  5. Les révolutions modernes
  6. La critique kantienne et ses suites
  7. Les révolutions contemporaines
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Être

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Définition et étymologie

L’être constitue la notion la plus fondamentale et la plus universelle de la philosophie, désignant à la fois l’acte d’exister et ce qui existe. Le terme français dérive du latin « esse » (être, exister), lui-même apparenté au grec « einai » (être) et au sanskrit « as- » (être), révélant une racine indo-européenne commune qui témoigne de l’universalité de cette interrogation humaine fondamentale.

L’être peut se comprendre selon plusieurs acceptions qui se sont précisées au cours de l’histoire philosophique. Comme verbe (« être »), il désigne l’acte d’exister, le fait qu’il y ait quelque chose plutôt que rien. Comme substantif (« l’être »), il peut désigner soit l’existence en général, soit un existant particulier, soit encore l’ensemble de ce qui existe. Cette polysémie explique en partie la complexité des débats philosophiques autour de cette notion centrale.

L’interrogation sur l’être soulève des questions métaphysiques fondamentales : Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Qu’est-ce qui fait qu’une chose existe ? Tous les existants ont-ils le même mode d’être ? Peut-on connaître l’être en tant que tel ou seulement les êtres particuliers ? Ces questions constituent le cœur de ce qu’on appelle l’ontologie, branche de la métaphysique qui étudie l’être en tant qu’être.

Les origines présocratiques

La réflexion philosophique sur l’être naît avec les premiers philosophes grecs. Parménide d’Élée (vers 515-450 av. J.-C.) révolutionne la pensée en affirmant dans son poème « De la nature » que « l’être est, le non-être n’est pas ». Cette tautologie apparente fonde la métaphysique occidentale en établissant l’être comme principe premier indubitable. Pour Parménide, l’être véritable est un, éternel, immuable et indivisible, accessible seulement à la pensée rationnelle, tandis que le monde sensible du devenir relève de l’illusion.

Héraclite d’Éphèse propose une vision opposée en affirmant que « tout coule » (panta rheî). Pour lui, l’être se caractérise par le devenir perpétuel, l’harmonie naissant de la tension des contraires. Cette opposition entre l’être parménidien (statique, un, éternel) et l’être héraclitéen (dynamique, multiple, temporel) structure toute la philosophie ultérieure.

Les atomistes Démocrite et Leucippe tentent de concilier ces perspectives en postulant l’existence d’atomes éternels et indivisibles (héritiers de l’être parménidien) qui se combinent dans le vide pour former la multiplicité changeante du monde sensible.

Les synthèses platonicienne et aristotélicienne

Platon développe dans ses dialogues une théorie complexe de l’être qui distingue le monde sensible du devenir et le monde intelligible de l’Être véritable. Les Idées ou Formes éternelles constituent les véritables êtres, réalités parfaites et immuables dont les choses sensibles ne sont que des copies imparfaites. Cette hiérarchisation de l’être culmine avec l’Idée du Bien, « au-delà de l’être » (epekeina tês ousias), principe suprême qui donne l’être et la connaissance.

Dans le « Sophiste », Platon développe une dialectique de l’être et du non-être, montrant que le non-être relatif (l’autre, la différence) participe à l’être. Cette analyse subtile permet de résoudre les paradoxes éléatiques et fonde une ontologie de la participation.

Aristote critique la séparation platonicienne dans sa « Métaphysique » et développe une ontologie de l’immanence. Il distingue plusieurs sens de l’être : l’être par accident, l’être comme vrai, l’être selon les catégories, et l’être en puissance et en acte. Cette dernière distinction révolutionne la compréhension du changement : l’être n’est plus statique mais dynamique, actualisation progressive des potentialités.

Aristote développe également sa théorie de l’ousia (substance), être au sens premier dont tous les autres modes d’être dépendent. La substance première désigne l’individu concret (cet homme, ce cheval), tandis que la substance seconde correspond à l’espèce ou au genre. Cette analyse substantialiste influence durablement la métaphysique occidentale.

Les développements médiévaux

La philosophie médiévale christianise l’ontologie antique en identifiant l’Être suprême à Dieu. Saint Augustin, influencé par le néoplatonisme, conçoit Dieu comme l’Être par excellence, source de tout être fini. Les créatures reçoivent l’être par participation à l’Être divin, établissant une hiérarchie ontologique qui va de Dieu aux anges, puis aux hommes, et enfin à la nature inanimée.

Saint Thomas d’Aquin opère une synthèse remarquable entre aristotélisme et christianisme en développant la distinction réelle entre essence et existence. Dans tous les êtres créés, l’existence (esse) s’ajoute à l’essence comme un acte à une puissance. Seul Dieu constitue l’Être subsistant (Ipsum esse subsistens) où essence et existence coïncident parfaitement. Cette doctrine permet d’expliquer la contingence des créatures et la nécessité divine.

Thomas développe également les « cinq voies » pour démontrer l’existence de Dieu à partir de l’analyse de l’être fini. La quatrième voie, fondée sur les degrés d’être, postule un être maximalement parfait qui cause tous les degrés inférieurs d’être et de perfection.

Duns Scot introduit la notion d’être univoque : l’être se dit de la même manière de Dieu et des créatures, bien qu’avec des modalités différentes (infini/fini, nécessaire/contingent). Cette position s’oppose à l’analogie thomiste et prépare les développements modernes.

Les révolutions modernes

René Descartes transforme radicalement l’approche de l’être en partant du cogito. L’être de la conscience pensante devient le point de départ indubitable de la métaphysique. Descartes distingue trois substances : la res cogitans (substance pensante), la res extensa (substance étendue), et Dieu (substance infinie). Cette ontologie dualiste sépare radicalement l’être mental de l’être physique.

Baruch Spinoza développe dans l' »Éthique » une ontologie moniste révolutionnaire. Il n’y a qu’une seule substance, identifiée à Dieu ou à la Nature (Deus sive Natura), qui se manifeste sous une infinité d’attributs dont nous ne connaissons que la pensée et l’étendue. Cette conception immanentiste supprime la transcendance divine et fait de tous les êtres finis des modes de l’unique substance.

Gottfried Wilhelm Leibniz propose une ontologie pluraliste des monades, substances simples et indivisibles qui constituent les véritables atomes métaphysiques. Chaque monade est un être complet qui exprime l’univers entier selon sa perspective propre, établissant une harmonie préétablie sans interaction causale directe.

La critique kantienne et ses suites

Emmanuel Kant révolutionne l’ontologie dans la « Critique de la raison pure » en montrant que l’être n’est pas un prédicat réel mais seulement la position absolue d’une chose. Sa critique de l’argument ontologique établit qu’on ne peut déduire l’existence d’un concept. Kant distingue l’être phénoménal, accessible à la connaissance, de l’être nouménal des choses en soi, inconnaissable mais pensable.

Georg Wilhelm Friedrich Hegel développe une ontologie dialectique dans sa « Science de la logique ». L’être pur, absolument indéterminé, s’identifie au néant pur, et leur vérité commune est le devenir. Cette logique dialectique fait de l’être non plus une donnée statique mais un processus d’auto-développement de l’Absolu qui se pose, s’oppose et se réconcilie avec soi-même.

Les révolutions contemporaines

Martin Heidegger renouvelle radicalement la question de l’être dans « Être et Temps ». Il reproche à la tradition métaphysique d’avoir oublié la « différence ontologique » entre l’être (Sein) et l’étant (Seiend). L’être n’est pas un étant suprême mais ce qui donne sens à tous les étants. L’analyse du Dasein (être-là) humain révèle que l’être se comprend toujours temporellement et historiquement.

Jean-Paul Sartre développe une ontologie existentialiste dans « L’Être et le Néant ». Il distingue l’être-en-soi (massif, plein, sans conscience) de l’être-pour-soi (conscience néantisante). L’homme, comme être-pour-soi, est « condamné à être libre » et doit créer son essence par ses choix existentiels.

La philosophie analytique questionne la cohérence même de la notion d’être. Willard Van Orman Quine propose des critères d’engagement ontologique (« être, c’est être la valeur d’une variable liée »), tandis que d’autres philosophes développent des ontologies formelles utilisant la logique moderne.

L’être demeure ainsi la question philosophique par excellence, celle qui traverse toutes les époques et tous les systèmes, révélant notre condition d’êtres finis questionnant le mystère de l’existence elle-même.

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