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Table of Contents
  1. Définition et étymologie
  2. Les origines antiques
    1. Socrate et la vertu comme connaissance
    2. Platon et la justice de l’âme
    3. Aristote et l’éthique des vertus
  3. Les éthiques hellénistiques
    1. L’épicurisme et la philosophie du plaisir
    2. Le stoïcisme et l’éthique du devoir
  4. L’éthique chrétienne médiévale
    1. Saint Augustin et l’éthique de l’amour
    2. Saint Thomas d’Aquin et la synthèse aristotélico-chrétienne
  5. L’éthique moderne
    1. Kant et l’éthique déontologique
    2. L’utilitarisme de Bentham et Mill
  6. Éthiques contemporaines
    1. L’existentialisme et l’éthique de la liberté
    2. L’éthique appliquée et la bioéthique
    3. Le renouveau de l’éthique des vertus
    4. L’éthique du care
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Éthique

  • 24/09/2025
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Définition et étymologie

Le terme « éthique » provient du grec ancien « êthos » (ἦθος), qui désigne originellement le séjour habituel, la demeure, puis par extension le caractère, les mœurs et les habitudes d’un individu ou d’un groupe. Ce mot grec a donné naissance au latin « ethicus », puis au français « éthique ». Il partage cette origine avec « éthos » (caractère moral) et se distingue de « ethos » (avec un epsilon court) qui signifie plutôt coutume ou usage.

L’éthique désigne la branche de la philosophie qui étudie les principes moraux qui gouvernent la conduite humaine. Elle s’interroge sur ce qui est bien ou mal, juste ou injuste, et cherche à établir des critères pour l’action droite. Plus largement, l’éthique examine les fondements de la moralité, la nature du devoir, les fins de l’action humaine et les conditions du bonheur ou de la vie bonne.

Il convient de distinguer l’éthique de la morale : si ces termes sont souvent employés de manière synonyme, l’éthique tend à désigner davantage la réflexion philosophique sur les principes moraux, tandis que la morale renvoie plus aux règles concrètes de conduite admises dans une société donnée.

Les origines antiques

Socrate et la vertu comme connaissance

Socrate (470-399 av. J.-C.) est généralement considéré comme le père de l’éthique occidentale. Sa révolution consiste à affirmer que « nul n’est méchant volontairement » : le mal résulte de l’ignorance, tandis que la connaissance du bien conduit nécessairement à l’action vertueuse. Cette doctrine, connue sous le nom d’intellectualisme moral socratique, identifie vertu et savoir.

Socrate introduit également le principe du « connais-toi toi-même » et affirme que « une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue ». Cette insistance sur l’examen de soi et la réflexion critique fonde l’éthique comme discipline autonome.

Platon et la justice de l’âme

Platon (428-348 av. J.-C.) développe une éthique fondée sur la tripartition de l’âme : la partie rationnelle (logistikon), la partie irascible (thymoeides) et la partie concupiscible (epithymetikon). Chaque partie possède sa vertu propre : sagesse, courage et tempérance. La justice consiste dans l’harmonie de ces trois parties sous la direction de la raison.

Cette conception psychologique de l’éthique établit un parallélisme entre l’âme individuelle et la cité juste, développé dans la « République ». Pour Platon, l’éthique et la politique sont indissociables : on ne peut être juste dans une cité injuste, ni injuste dans une cité juste.

Aristote et l’éthique des vertus

Aristote (384-322 av. J.-C.) élabore la première grande synthèse éthique de l’Occident dans l' »Éthique à Nicomaque ». Il définit l’éthique comme une science pratique visant le bonheur (eudaimonia) comme fin suprême de l’action humaine.

Aristote distingue les vertus intellectuelles (sophia, episteme, nous, phronesis, techne) et les vertus morales (courage, tempérance, justice, etc.). Les vertus morales s’acquièrent par l’habitude et consistent en des dispositions stables à choisir le juste milieu entre les extrêmes. La prudence (phronesis) joue un rôle central comme vertu qui permet de délibérer correctement sur l’action particulière.

Cette éthique eudémoniste et perfectionniste influence durablement la tradition occidentale et connaît un renouveau important dans la philosophie contemporaine.

Les éthiques hellénistiques

L’épicurisme et la philosophie du plaisir

Épicure (341-270 av. J.-C.) développe une éthique hédoniste sophistiquée dans sa « Lettre à Ménécée ». Contrairement aux idées reçues, l’épicurisme ne prône pas la recherche effrénée des plaisirs mais une sagesse du plaisir fondée sur la distinction entre plaisirs nécessaires et vains, stables et kinétiques.

L’ataraxie (absence de trouble) et l’aponie (absence de douleur) constituent les véritables fins de l’action humaine. Cette éthique s’accompagne d’une physique atomiste qui libère l’homme de la crainte des dieux et de la mort.

Le stoïcisme et l’éthique du devoir

Le stoïcisme, fondé par Zénon de Citium vers 300 av. J.-C. et développé par Épictète, Marc Aurèle et Sénèque, propose une éthique de l’acceptation rationnelle de l’ordre cosmique. Les stoïciens distinguent ce qui dépend de nous (nos jugements et nos désirs) de ce qui n’en dépend pas (les événements extérieurs).

La vertu consiste à vivre « selon la nature », c’est-à-dire selon la raison universelle (logos) qui gouverne le cosmos. Cette éthique du détachement et de la maîtrise de soi influence profondément la morale chrétienne et la philosophie moderne.

L’éthique chrétienne médiévale

Saint Augustin et l’éthique de l’amour

Saint Augustin (354-430) opère une synthèse entre éthique chrétienne et philosophie antique. Sa formule « Aime et fais ce que tu veux » (Dilige et quod vis fac) exprime une éthique de l’amour qui hiérarchise les objets d’amour : Dieu (frui), le prochain pour Dieu, et les choses temporelles comme moyens (uti).

Augustin introduit également une dimension temporelle dans l’éthique avec sa conception de l’histoire du salut et développe une réflexion sur le libre arbitre face au problème du mal.

Saint Thomas d’Aquin et la synthèse aristotélico-chrétienne

Thomas d’Aquin (1225-1274) réalise dans la « Somme théologique » une synthèse magistrale entre l’éthique aristotélicienne et la morale chrétienne. Il développe une théorie de la loi naturelle fondée sur les inclinations naturelles de l’homme vers le bien, la vérité et la vie en société.

Cette éthique téléologique fait du bonheur parfait (vision béatifique de Dieu) la fin ultime de l’homme, tout en reconnaissant un bonheur imparfait accessible en cette vie par la pratique des vertus cardinales et théologales.

L’éthique moderne

Kant et l’éthique déontologique

Emmanuel Kant (1724-1804) révolutionne l’éthique avec la « Critique de la raison pratique » (1788) et les « Fondements de la métaphysique des mœurs » (1785). Il développe une éthique déontologique fondée sur le concept de devoir et l’autonomie de la volonté.

L’impératif catégorique, formulé de plusieurs manières (« Agis uniquement d’après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle »), constitue le principe suprême de la moralité. Cette éthique formaliste et universaliste s’oppose aux éthiques matérielles fondées sur le bonheur ou les inclinations.

Kant introduit également les concepts d’autonomie morale, de dignité humaine et de règne des fins, qui influencent profondément l’éthique et le droit contemporains.

L’utilitarisme de Bentham et Mill

Jeremy Bentham (1748-1832) et John Stuart Mill (1806-1873) développent l’utilitarisme, doctrine selon laquelle une action est moralement bonne si elle maximise le bonheur du plus grand nombre. Cette éthique conséquentialiste juge les actions uniquement par leurs résultats.

Mill affine la doctrine benthamienne en distinguant les plaisirs qualitatativement et en développant une conception plus sophistiquée de la liberté individuelle dans « De la liberté » (1859).

Éthiques contemporaines

L’existentialisme et l’éthique de la liberté

Jean-Paul Sartre (1905-1980) développe une éthique existentialiste fondée sur la liberté absolue et la responsabilité. Sa formule « l’existence précède l’essence » signifie que l’homme n’a pas de nature prédéterminée et doit se créer par ses choix.

Cette éthique de l’authenticité s’accompagne d’une angoisse face à la liberté et d’une responsabilité universelle : « en choisissant pour moi, je choisis pour tous les hommes ».

L’éthique appliquée et la bioéthique

Le XXe siècle voit naître de nouveaux domaines éthiques spécialisés : bioéthique, éthique environnementale, éthique des affaires, éthique de l’information. Ces disciplines appliquées tentent de répondre aux défis moraux posés par les développements technologiques et scientifiques.

La bioéthique, en particulier, développe des principes comme l’autonomie, la bienfaisance, la non-malfaisance et la justice pour guider les décisions médicales et de recherche.

Le renouveau de l’éthique des vertus

Depuis les années 1950, on assiste à un renouveau de l’éthique aristotélicienne des vertus avec des philosophes comme Elizabeth Anscombe, Philippa Foot et Alasdair MacIntyre. Cette approche critique les éthiques déontologiques et conséquentialistes modernes et prône un retour aux concepts de caractère, de vertu et de bonheur.

L’éthique du care

Développée par Carol Gilligan et Nel Noddings, l’éthique du care (sollicitude) met l’accent sur les relations interpersonnelles, l’attention aux autres et la responsabilité contextuelle, souvent en opposition aux éthiques masculines traditionnelles fondées sur la justice abstraite.

L’éthique demeure aujourd’hui un domaine philosophique central, confrontée aux nouveaux défis de la mondialisation, de l’intelligence artificielle, de l’écologie et des biotechnologies. Elle continue d’évoluer en dialogue constant avec les sciences humaines, les sciences cognitives et les transformations sociétales contemporaines.

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