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Table of Contents
  1. Définition et étymologie
  2. Les origines historiques du monothéisme
    1. Le monothéisme biblique
    2. Les tentatives monothéistes égyptiennes
  3. Le monothéisme dans la philosophie grecque
    1. Les présocratiques et l’Un
    2. Platon et l’Un-Bien
    3. Aristote et le Premier Moteur
  4. La philosophie médiévale et le monothéisme
    1. La synthèse augustinienne
    2. Thomas d’Aquin et la démonstration rationnelle
    3. La falsafa arabe et le monothéisme rationnel
  5. Critiques modernes du monothéisme
    1. Spinoza et l’immanence
    2. Hume et la critique empiriste
    3. Kant et les limites de la raison
  6. Le monothéisme dans la philosophie contemporaine
    1. Hegel et l’Esprit absolu
    2. Nietzsche et la « mort de Dieu »
    3. Levinas et le monothéisme éthique
  7. Débats contemporains
    1. Monothéisme et science moderne
    2. Monothéisme et dialogue interreligieux
    3. Monothéisme et postmodernité
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Monothéisme

  • 02/10/2025
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Définition et étymologie

Le monothéisme désigne la croyance religieuse en l’existence d’un dieu unique, créateur et gouverneur de l’univers, excluant l’existence d’autres divinités. Cette conception implique l’unité, l’unicité et l’universalité divines, s’opposant au polythéisme qui reconnaît une pluralité de dieux. En philosophie, le monothéisme soulève des questions fondamentales sur l’unité du réel, la transcendance, la causalité première et les rapports entre fini et infini, temporel et éternel.

Le terme « monothéisme » est une création moderne (vers 1660) formée du grec « monos » (μόνος, unique, seul) et « theos » (θεός, dieu). Cette composition étymologique souligne l’affirmation centrale du monothéisme : l’unicité absolue du divin par opposition à la multiplicité des divinités polythéistes. Le concept moderne permet de rassembler sous une même catégorie des traditions religieuses historiquement distinctes (judaïsme, christianisme, islam) tout en révélant leurs structures conceptuelles communes.

Les origines historiques du monothéisme

Le monothéisme biblique

Le judaïsme constitue la première expression historique claire du monothéisme avec l’affirmation du « Shema Israël » : « Écoute Israël, l’Éternel notre Dieu, l’Éternel est un » (Deutéronome 6,4). Cette confession de foi établit l’unicité absolue de YHVH comme principe fondamental.

L’évolution du monothéisme biblique passe par plusieurs étapes : de l’hénothéisme primitif (reconnaissance d’un dieu national parmi d’autres) au monothéisme strict qui nie l’existence même des autres divinités. Le prophète Ésaïe formule cette exclusivité divine : « Je suis l’Éternel, et il n’y en a point d’autre ; hors moi il n’y a point de Dieu » (Ésaïe 45,5).

Cette révolution monothéiste transforme radicalement la conception du cosmos : d’un univers peuplé de forces divines multiples et souvent antagonistes, on passe à un ordre unifié sous l’autorité d’un créateur unique et transcendant.

Les tentatives monothéistes égyptiennes

L’expérience d’Akhénaton (vers 1350 av. J.-C.) constitue une tentative précoce de monothéisme avec le culte exclusif d’Aton, le disque solaire. Cette réforme religieuse radicale, bien qu’éphémère, révèle l’émergence d’une pensée unificatrice qui tend vers la transcendance absolue.

Cependant, le monothéisme d’Akhénaton demeure cosmique et naturaliste, loin de la transcendance personnelle du monothéisme biblique. Cette différence éclaire la spécificité du monothéisme éthique judéo-chrétien.

Le monothéisme dans la philosophie grecque

Les présocratiques et l’Un

Bien avant le monothéisme religieux, la philosophie grecque développe des intuitions monistes qui préparent la réflexion monothéiste. Xénophane de Colophon (vers 570-475 av. J.-C.) critique l’anthropomorphisme mythologique et affirme : « Un seul dieu, le plus grand parmi les dieux et les hommes, qui ne ressemble aux mortels ni par le corps ni par la pensée. »

Cette critique rationnelle du polythéisme mythologique ouvre la voie à une conception épurée du divin, fondée sur la raison plutôt que sur la tradition culturelle.

Platon et l’Un-Bien

Platon (428-348 av. J.-C.) développe dans la « République » une conception du Bien comme principe suprême qui transcende l’être même. Cette « Idée des Idées » fonde l’unité intelligible du cosmos et préfigure les développements monothéistes ultérieurs.

Le « Timée » présente le Démiurge comme artisan unique du cosmos, organisant la matière selon les modèles éternels. Cette figure divine unique influence profondément la théologie chrétienne naissante.

Aristote et le Premier Moteur

Aristote (384-322 av. J.-C.) développe dans la « Métaphysique » la doctrine du Premier Moteur immobile, « pensée de la pensée » qui meut l’univers par attraction finale. Cette conception d’un principe divin unique, éternel et transcendant, nourrit la théologie scolastique médiévale.

Cependant, le dieu aristotélicien demeure impersonnel et indifférent au monde, contrairement au Dieu personnel des monothéismes révélés.

La philosophie médiévale et le monothéisme

La synthèse augustinienne

Saint Augustin (354-430) opère la première grande synthèse entre philosophie platonicienne et monothéisme chrétien. Dans les « Confessions » et « La Cité de Dieu », il développe une théologie de l’Un trinitaire qui concilie unité divine et distinction des Personnes.

Cette synthèse augustinienne influence durablement la pensée occidentale en christianisant la métaphysique de l’Un et en personnalisant la transcendance platonicienne.

Thomas d’Aquin et la démonstration rationnelle

Thomas d’Aquin (1225-1274) développe dans sa « Somme théologique » des preuves rationnelles de l’existence de Dieu qui présupposent le monothéisme. Ses « cinq voies » convergent vers l’affirmation d’un Premier Principe unique : Premier Moteur, Cause Première, Être nécessaire, Être parfait, Intelligence ordonnatrice.

Cette démonstration rationnelle du monothéisme révèle sa structure logique : l’exigence d’unité causale conduit nécessairement à un principe unique pour éviter la régression à l’infini.

La falsafa arabe et le monothéisme rationnel

Les philosophes arabes médiévaux, d’Al-Kindi (801-873) à Averroès (1126-1198), développent une métaphysique monothéiste rigoureuse en synthétisant aristotélisme et révélation coranique. Leur rationalisme monothéiste influence profondément la scolastique latine.

Avicenne (980-1037) développe une ontologie de l’Être nécessaire qui fonde rationnellement l’unicité divine : seul l’Être nécessaire par soi peut exister sans cause, tout être possible présupposant une cause extérieure.

Critiques modernes du monothéisme

Spinoza et l’immanence

Baruch Spinoza (1632-1677) radicalise le monothéisme en identifiant Dieu et Nature dans son « Éthique ». Cette position panthéiste préserve l’unicité divine tout en supprimant la transcendance : « Deus sive Natura » (Dieu ou la Nature).

Cette critique spinoziste révèle les tensions internes du monothéisme traditionnel entre transcendance et omniprésence divine.

Hume et la critique empiriste

David Hume (1711-1776) développe dans les « Dialogues sur la religion naturelle » une critique sceptique des preuves rationnelles du monothéisme. Il montre que l’argument cosmologique ne conduit pas nécessairement à l’unicité divine : pourquoi un seul créateur plutôt que plusieurs ?

Cette critique empiriste révèle que le monothéisme ne s’impose pas avec l’évidence rationnelle que lui prêtaient les scolastiques.

Kant et les limites de la raison

Emmanuel Kant (1724-1804) développe dans la « Critique de la raison pure » une critique systématique des preuves traditionnelles de l’existence de Dieu. Il montre que la raison théorique ne peut démontrer ni l’existence ni l’unicité divines.

Cependant, Kant préserve un espace pour le monothéisme pratique : la loi morale postule l’existence d’un Dieu unique comme garant de l’harmonie entre vertu et bonheur.

Le monothéisme dans la philosophie contemporaine

Hegel et l’Esprit absolu

Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831) développe une philosophie de l’Esprit absolu qui réinterprète le monothéisme chrétien en termes dialectiques. Dans la « Phénoménologie de l’esprit », la religion révélée représente l’avant-dernière figure de l’Esprit avant son auto-saisie philosophique complète.

Cette dialectisation du monothéisme influence profondément la théologie moderne, notamment chez les théologiens protestants du XIXe siècle.

Nietzsche et la « mort de Dieu »

Friedrich Nietzsche (1844-1900) proclame la « mort de Dieu » comme événement culturel majeur de la modernité. Dans « Le Gai Savoir » et « Ainsi parlait Zarathoustra », il diagnostique l’effondrement du monothéisme traditionnel sous les coups de la science moderne et de la critique historique.

Cette critique nietzschéenne révèle les enjeux existentiels du monothéisme : il ne s’agit pas seulement de métaphysique mais de sens et de valeurs.

Levinas et le monothéisme éthique

Emmanuel Levinas (1906-1995) développe dans « Totalité et Infini » une approche éthique du monothéisme. L’unicité divine se révèle dans l’expérience éthique du face-à-face avec autrui, qui ouvre vers l’infini.

Cette approche phénoménologique renouvelle la compréhension du monothéisme en l’enracinant dans l’expérience éthique fondamentale.

Débats contemporains

Monothéisme et science moderne

La cosmologie contemporaine pose de nouveaux défis au monothéisme traditionnel : multivers, émergence, complexité questionnent l’idée d’un créateur unique et transcendant. Certains théologiens développent des théologies évolutionnistes qui intègrent ces découvertes.

Monothéisme et dialogue interreligieux

Le dialogue entre les trois monothéismes abrahamiques révèle leurs convergences et divergences : unicité divine partagée mais conceptions différentes de la révélation, de l’incarnation, de la prophétie. Cette confrontation stimule une réflexion renouvelée sur l’essence du monothéisme.

Monothéisme et postmodernité

La critique postmoderne de l’onto-théologie (Heidegger, Derrida) questionne les présupposés métaphysiques du monothéisme traditionnel. Ces critiques stimulent l’émergence de théologies négatives ou mystiques qui tentent de penser Dieu au-delà de l’être et de l’étant.

Le monothéisme demeure ainsi un enjeu philosophique majeur qui traverse les questions de l’unité du réel, de la transcendance et du sens, révélant sa persistante actualité dans le débat contemporain entre foi et raison.

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