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Table of Contents
  1. Définition et étymologie
  2. La déontologie dans la philosophie morale
    1. Fondements kantiens
    2. Développements post-kantiens
    3. Critiques de l’approche déontologique
  3. La déontologie professionnelle
    1. Origines et développement
    2. Principes fondamentaux
    3. Enjeux contemporains
    4. Limites et critiques
  4. Conclusion
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Déontologie

  • 22/09/2025
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Définition et étymologie

La déontologie désigne la théorie des devoirs et des obligations morales, ainsi que l’ensemble des règles et principes qui gouvernent l’exercice d’une profession ou d’une fonction particulière. Le terme fut forgé par le philosophe anglais Jeremy Bentham en 1834, à partir des racines grecques déon (ce qu’il faut, le devoir) et logos (discours, étude), pour désigner littéralement la « science du devoir ».

La déontologie se distingue de l’éthique conséquentialiste en ce qu’elle juge la moralité d’une action non par ses résultats, mais par sa conformité à des règles, des principes ou des devoirs considérés comme intrinsèquement valables. Une action est moralement bonne si elle respecte ces obligations, indépendamment de ses conséquences pratiques.

Dans son acception contemporaine, la déontologie englobe deux dimensions principales : d’une part, la déontologie philosophique qui étudie la nature du devoir moral en général ; d’autre part, la déontologie professionnelle qui établit les codes de conduite spécifiques à chaque métier ou fonction sociale.

La déontologie dans la philosophie morale

Fondements kantiens

Immanuel Kant (1724-1804) constitue la figure tutélaire de la déontologie philosophique, bien qu’il n’emploie jamais ce terme. Dans la Fondation de la métaphysique des mœurs (1785) et la Critique de la raison pratique (1788), il développe une éthique du devoir qui influence durablement la pensée déontologique.

L’impératif catégorique kantien énonce le principe suprême de la moralité : « Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. » Cette formulation établit que la valeur morale d’une action réside dans l’intention de l’agent et la possibilité d’universaliser la maxime qui guide son action, non dans les conséquences produites.

Kant distingue les impératifs hypothétiques (« si tu veux X, alors fais Y ») des impératifs catégoriques qui commandent inconditionnellement. Seuls ces derniers possèdent une valeur morale authentique car ils expriment le respect de la loi morale pour elle-même, manifestation de l’autonomie rationnelle de la volonté.

La seconde formulation de l’impératif catégorique – « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen » – fonde la dignité absolue de la personne humaine sur sa capacité rationnelle et morale.

Développements post-kantiens

William David Ross (1877-1971) élabore une déontologie pluraliste dans The Right and the Good (1930). Il distingue les devoirs prima facie (fidélité, reconnaissance, réparation, justice, bienfaisance, amélioration de soi, non-malfaisance) des devoirs réels qui émergent de la délibération face aux conflits entre obligations concurrentes.

Joel Feinberg et Tom Beauchamp développent une approche déontologique des droits qui influence profondément la bioéthique contemporaine. Ils articulent les principes d’autonomie, de bienfaisance, de non-malfaisance et de justice dans une framework déontologique cohérente.

Critiques de l’approche déontologique

Les utilitaristes, héritiers de Bentham, reprochent à la déontologie son rigorisme et son indifférence aux conséquences. John Stuart Mill souligne les contradictions potentielles entre devoirs concurrents et l’impossibilité de résoudre rationnellement de tels conflits sans considération des résultats.

Bernard Williams critique la notion kantienne d’obligation morale comme « un concept de trop », artificiel et coupé de nos motivations psychologiques réelles. Il préfère une éthique des vertus centrée sur l’intégrité personnelle et l’épanouissement humain.

Les éthiques du care, développées par Carol Gilligan et Nel Noddings, opposent à l’universalisme déontologique une morale contextuelle fondée sur les relations, l’empathie et la responsabilité particulière envers autrui.

La déontologie professionnelle

Origines et développement

La déontologie professionnelle moderne émerge avec la spécialisation croissante du travail et la reconnaissance sociale des professions libérales. Le serment d’Hippocrate (Ve siècle av. J.-C.) constitue l’archétype historique de ces codes déontologiques, établissant les devoirs du médecin envers ses patients et ses confrères.

L’institutionnalisation de la déontologie professionnelle s’accélère aux XIXe et XXe siècles avec la création d’ordres professionnels dotés de pouvoirs disciplinaires. Ces codes visent à garantir la compétence technique, l’intégrité morale et la responsabilité sociale des praticiens.

Principes fondamentaux

La déontologie professionnelle s’articule généralement autour de plusieurs principes cardinaux : la compétence (maintien et développement des connaissances), l’intégrité (honnêteté, loyauté, absence de corruption), la responsabilité (assumée envers les clients, la société et la profession), et la confidentialité (respect du secret professionnel).

Ces principes se déclinent différemment selon les métiers. La déontologie médicale privilégie l’autonomie du patient et la bienfaisance, celle des avocats insiste sur la défense des droits, celle des journalistes met l’accent sur la vérité et l’indépendance, celle des ingénieurs sur la sécurité publique.

Enjeux contemporains

La mondialisation et les nouvelles technologies soulèvent des défis inédits pour la déontologie professionnelle. L’intelligence artificielle questionne la responsabilité humaine dans les processus automatisés, les réseaux sociaux redéfinissent les frontières entre vie privée et publique, la recherche biomédicale confronte les principes traditionnels à des possibilités techniques révolutionnaires.

La déontologie numérique émerge comme nouveau champ d’application, établissant les règles de conduite dans l’environnement digital : protection des données personnelles, transparence algorithmique, lutte contre la désinformation, éthique de l’intelligence artificielle.

Limites et critiques

La multiplication des codes déontologiques suscite des interrogations sur leur efficacité réelle. Certains y voient des instruments de légitimation corporatiste plutôt que de véritables garde-fous éthiques. L’autorégulation professionnelle peut entrer en conflit avec l’intérêt général lorsque les professions protègent leurs privilèges.

La juridicisation croissante de la déontologie, avec la multiplication des sanctions et des contentieux, tend parfois à transformer l’éthique professionnelle en simple conformité réglementaire, appauvrissant la réflexion morale authentique.

Conclusion

La déontologie, qu’elle soit philosophique ou professionnelle, occupe une place centrale dans la réflexion éthique contemporaine. En privilégiant le respect des principes sur l’efficacité des résultats, elle préserve certaines valeurs fondamentales de la dignité humaine et de la justice. Toutefois, son application concrète nécessite une articulation subtile avec d’autres approches éthiques pour répondre aux défis complexes de nos sociétés modernes.

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