Définition
L’assertion désigne l’acte par lequel on affirme ou nie quelque chose, en prétendant que cette affirmation correspond à la réalité. Du latin assertio (revendication, affirmation), elle constitue l’acte de langage fondamental qui engage celui qui l’énonce sur la vérité de ce qu’il avance.
L’assertion se distingue de la simple énonciation par sa dimension d’engagement : asserter, c’est tenir pour vrai et assumer la responsabilité épistémique de cette prise de position.
Aristote et la Proposition
Aristote analyse l’assertion dans le De l’interprétation comme proposition (apophansis) susceptible d’être vraie ou fausse. Toute assertion articule un sujet et un prédicat selon une modalité affirmative ou négative.
La Structure de l’Assertion
L’assertion aristotélicienne requiert :
- Un sujet (ce dont on parle)
- Un prédicat (ce qu’on en dit)
- Une copule (lien affirmatif ou négatif)
- Une modalité (nécessaire, possible, contingent)
L’Assertion et la Vérité
Seules les assertions peuvent être vraies ou fausses. Les questions, ordres, souhaits n’ont pas de valeur de vérité. Cette distinction fonde la logique propositionnelle.
La Scolastique et l’Acte d’Assertion
Thomas d’Aquin et le Jugement
Thomas d’Aquin distingue dans la Somme théologique trois actes de l’intellect : la simple appréhension, le jugement et le raisonnement. L’assertion correspond au jugement qui compose ou divise les concepts.
La Vérité comme Adéquation
L’assertion vraie réalise l’adaequatio rei et intellectus : conformité de l’intellect à la chose. Cette conception influence durablement la théorie de la vérité.
Descartes et l’Évidence
René Descartes fonde l’assertion légitime sur l’évidence dans les Méditations métaphysiques. L’assertion du cogito s’impose avec une certitude indubitables : « Je pense, donc je suis. »
Le Critère de Vérité
Descartes établit comme critère d’assertion vraie la clarté et la distinction de l’idée. Cette règle méthodologique guide l’édification du savoir certain.
Hume et le Problème de l’Induction
David Hume révèle dans l’Enquête sur l’entendement humain le caractère problématique des assertions causales. Nos assertions sur l’avenir ne peuvent être rationnellement justifiées.
Cette critique ébranle le fondement logique de nos assertions ordinaires sur le monde empirique.
Kant et les Modalités du Jugement
Emmanuel Kant analyse dans la Critique de la raison pure les modalités de l’assertion : problématique (possible), assertorique (réel), apodictique (nécessaire).
L’Assertion Synthétique A Priori
Kant découvre des assertions qui étendent notre connaissance (synthétiques) tout en étant indépendantes de l’expérience (a priori). Ces jugements fondent les mathématiques et la physique pure.
Frege et la Force Assertive
Gottlob Frege distingue dans les Écrits logiques le contenu propositionnel de la force assertive. Le symbole ⊢ marque l’assertion d’un contenu de pensée.
Sens et Dénotation
Frege montre que l’assertion engage sur la dénotation (référence) des expressions, pas seulement sur leur sens. « L’étoile du matin est l’étoile du soir » asserte une identité dénotationnelle.
Russell et les Descriptions Définies
Bertrand Russell analyse dans « De la dénotation » les assertions contenant des descriptions définies. « Le roi de France est chauve » pose le problème de la valeur de vérité d’assertions sur des entités inexistantes.
La Théorie des Descriptions
Russell décompose ces assertions en quantifications existentielles : asserter « Le F est G » équivaut à asserter « Il existe un et un seul F, et il est G. »
Austin et les Actes de Langage
John Langshaw Austin révèle dans Quand dire, c’est faire que certaines assertions sont des actes : « Je vous déclare mari et femme. » Ces speech acts transforment la réalité par leur énonciation.
Constatifs et Performatifs
Austin distingue les assertions constatives (qui décrivent) des énoncés performatifs (qui agissent). Cette distinction renouvelle la compréhension du langage.
Searle et les Conditions de Satisfaction
John Searle systématise la théorie des actes de langage dans Les Actes de langage. L’assertion possède une direction d’ajustement « mots vers monde » : elle prétend décrire une réalité préexistante.
L’Intentionnalité
L’assertion exprime un état mental intentionnel (croyance) avec des conditions de satisfaction spécifiques.
Strawson et la Présupposition
Peter Strawson révèle que les assertions présupposent l’existence de leurs référents. « Le roi de France est chauve » présuppose qu’il existe un roi de France.
Cette analyse renouvelle la logique en introduisant la dimension pragmatique.
Dummett et l’Antirealisme
Michael Dummett conteste la conception réaliste de l’assertion. Pour l’antirealiste, asserter une proposition, c’est prétendre posséder une preuve de sa vérité, non correspondre à une réalité indépendante.
Brandom et l’Inférentialism
Robert Brandom développe une conception inférentielle de l’assertion dans Making It Explicit. Asserter, c’est s’engager dans un « jeu de donner et demander des raisons. »
L’Engagement et l’Habilitation
Toute assertion crée des engagements (ce qu’on est tenu de défendre) et des habilitations (ce qu’on peut inférer).
La Logique Modale et l’Assertion
La logique modale distingue différents types d’assertions selon leur modalité :
Assertions de Possibilité
« Il est possible que p » (◊p) asserte la consistance de p avec les lois logiques.
Assertions de Nécessité
« Il est nécessaire que p » (□p) asserte que p est vrai dans tous les mondes possibles.
Assertions Contingentes
« Il se trouve que p » asserte la vérité factuelle de p sans nécessité logique.
Problèmes Contemporains
Le Paradoxe du Menteur
« Cette assertion est fausse » engendre une antinomie : si elle est vraie, elle est fausse ; si elle est fausse, elle est vraie.
L’Assertion et l’Opinion
Comment distinguer assertion légitime et simple opinion ? Cette question traverse l’épistémologie contemporaine.
L’Assertion Collective
Les groupes peuvent-ils asserter ? Cette question engage la métaphysique sociale et l’épistémologie du témoignage.
L’assertion demeure l’acte fondamental par lequel les humains prennent position sur la réalité et s’engagent dans l’espace public du vrai et du faux. Elle révèle la dimension à la fois cognitive et sociale de la connaissance humaine.