Lucius Annaeus Seneca naît vers 4 avant J.-C. à Cordoue, en Hispanie, dans une famille équestre aisée. Son père, Sénèque le Rhéteur, est un célèbre maître d’éloquence. Envoyé jeune à Rome, il y reçoit une formation philosophique auprès de maîtres stoïciens comme Attalos, qui marque durablement sa pensée. Dès sa jeunesse, il souffre d’une santé fragile qui influence sa réflexion sur la mort et la condition humaine.
Sa carrière politique débute sous Tibère. Orateur brillant, il gravit le cursus honorum jusqu’à devenir questeur. Mais en 41, l’empereur Claude l’exile en Corse pour adultère présumé avec Julia Livilla, sœur de Caligula. Cet exil de huit années, loin d’être une catastrophe, devient un laboratoire philosophique où il approfondit sa pensée stoïcienne et compose ses premières œuvres majeures.
Rappelé en 49 grâce à Agrippine, il devient précepteur du jeune Néron, âgé de douze ans. Cette fonction lui offre une position unique : appliquer les principes philosophiques à l’éducation d’un futur empereur. Quand Néron accède au pouvoir en 54, Sénèque devient son principal conseiller avec Burrus, préfet du prétoire. Les cinq premières années du règne, surnommées le « quinquennium Neronis », sont marquées par un gouvernement modéré et efficace.
Parallèlement à ses responsabilités politiques, Sénèque développe une œuvre philosophique considérable. Ses « Lettres à Lucilius », testament spirituel en 124 lettres, exposent avec clarté et profondeur la doctrine stoïcienne. Il y prône l’ataraxie, l’acceptation du destin et la préparation constante à la mort. Ses traités moraux (« De la colère », « De la vie heureuse », « De la brièveté de la vie ») vulgarisent brillamment la sagesse antique.
Dramaturge également, il compose des tragédies inspirées du théâtre grec mais imprégnées de pessimisme et de violence, reflets peut-être de son époque troublée. Ces pièces influencent durablement le théâtre européen, notamment Shakespeare et Corneille.
Sa fortune immense, accumulée durant ses années de pouvoir, suscite les critiques. Tacite souligne cette contradiction entre ses préceptes de détachement et sa richesse ostentatoire. Sénèque tente de justifier cette apparente incohérence en distinguant usage et possession des biens matériels.
Progressivement écarté du pouvoir par un Néron devenu tyrannique, il se retire de la vie publique en 62. En 65, impliqué malgré lui dans la conjuration de Pison contre l’empereur, il reçoit l’ordre de se suicider. Fidèle à ses principes stoïciens, il s’ouvre les veines avec sérénité, entouré de ses proches, dictant ses dernières pensées. Sa mort exemplaire, relatée par Tacite, illustre parfaitement sa philosophie : mourir dignement pour avoir vécu selon la raison.
Sénèque incarne le paradoxe du sage antique confronté aux compromissions du pouvoir, léguant une œuvre qui nourrit encore aujourd’hui la réflexion sur l’art de vivre.