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Table of Contents
  1. En raccourci
  2. Origines et formation intellectuelle
    1. Une enfance privilégiée dans le New York de l’après-guerre
    2. Formation classique et découverte de la philosophie antique
    3. Harvard et l’apprentissage de la philosophie analytique
  3. Premiers travaux et engagement philosophique
    1. Enseignement à Harvard et premières publications
    2. La fragilité du bien : une éthique aristotélicienne renouvelée
    3. Transition vers la philosophie politique
  4. L’approche par les capabilités et la justice mondiale
    1. Collaboration avec Amartya Sen et élaboration théorique
    2. Liste des capabilités centrales et application normative
    3. Critique du contractualisme et inclusion des personnes en situation de handicap
  5. Émotions, raison et vie éthique
    1. Réhabilitation philosophique des émotions
    2. Amour, deuil et vulnérabilité
    3. Émotions politiques et démocratie
  6. Féminisme, diversité culturelle et droits humains
    1. Féminisme des capabilités et critique du relativisme culturel
    2. Multiculturalisme et limites de la tolérance
    3. Objectification et dignité humaine
  7. Engagement public et influence institutionnelle
    1. Consultations internationales et politiques publiques
    2. Enseignement à l’université de Chicago et formation des nouvelles générations
    3. Débats et controverses
  8. Derniers développements et synthèses
    1. Éthique animale et extension des capabilités
    2. Colère, pardon et réconciliation
    3. Justice cosmopolite et responsabilités globales
  9. Une philosophie pour le XXIᵉ siècle
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Image fictive et imaginaire de Martha Nussbaum, philosophe américaine contemporaine, ne représentant pas la personne réelle
  • Biographies
  • Philosophie contemporaine

Martha Nussbaum (1947–) : philosophie de la justice, « capabilités » et émotions

  • 14/10/2025
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OrigineÉtats-Unis
Importance★★★★
CourantsPhilosophie analytique, Néo-aristotélisme, Philosophie politique
ThèmesApproche par les capabilités, Émotions morales, Éthique des vertus, Justice sociale, Développement humain

Martha Nussbaum compte parmi les philosophes les plus influents de la fin du XXᵉ siècle et du début du XXIᵉ siècle, conjuguant érudition classique et engagement pour la justice sociale.

En raccourci

Née à New York en 1947, Martha Nussbaum reçoit une formation classique à l’université de New York puis à Harvard, où elle soutient une thèse sur Aristote. Cette immersion dans la philosophie antique marque durablement son œuvre.

Professeure à Brown puis à l’université de Chicago, elle développe l’approche par les capabilités avec l’économiste Amartya Sen, proposant une alternative aux théories contractualistes dominantes. Cette méthode évalue le bien-être non par les ressources disponibles, mais par les possibilités réelles offertes aux individus de mener une vie digne.

Parallèlement, Nussbaum réhabilite les émotions dans la réflexion morale, contestant leur mise à l’écart par le rationalisme moderne. Ouvrages comme La Connaissance de l’amour et Les Émotions démocratiques analysent comment sentiments et raison s’articulent dans le jugement éthique.

Son travail sur la justice mondiale, le féminisme et les droits des animaux élargit le champ de la philosophie morale. Auteure prolifique, elle influence tant la philosophie académique que les politiques publiques internationales, notamment à travers sa collaboration avec les Nations unies sur l’indicateur de développement humain.

Origines et formation intellectuelle

Une enfance privilégiée dans le New York de l’après-guerre

Martha Craven naît le 6 mai 1947 à New York, dans une famille aisée de la haute bourgeoisie protestante. Son père, George Craven, exerce comme avocat d’affaires, tandis que sa mère, Betty Warren, abandonne une carrière naissante de designer d’intérieur pour se consacrer à l’éducation de ses enfants. L’atmosphère familiale valorise la réussite intellectuelle et l’excellence académique, mais reste marquée par des tensions conjugales qui affectent la jeune Martha.

Dès l’enfance, elle manifeste une curiosité insatiable pour la littérature et le théâtre. Les discussions familiales, souvent animées, portent sur l’actualité politique et culturelle. Cette exposition précoce aux débats d’idées forge son goût pour l’argumentation rigoureuse. La bibliothèque paternelle, riche en classiques de la littérature occidentale, devient son terrain d’exploration privilégié.

L’éducation religieuse, bien que présente, demeure superficielle. Martha fréquente l’église épiscopalienne par convention sociale plus que par conviction. Cette distance vis-à-vis de la foi institutionnelle se creusera durant l’adolescence, laissant place à un agnosticisme assumé qui caractérisera son œuvre philosophique ultérieure.

Formation classique et découverte de la philosophie antique

En 1964, Martha intègre l’université de New York (NYU), où elle se spécialise en études classiques et en théâtre. Cette double orientation reflète ses passions : la rigueur philologique des textes anciens et l’expressivité dramatique des émotions humaines. Durant ces années, elle étudie le grec et le latin avec une intensité remarquable, acquérant une maîtrise qui lui permettra plus tard d’aborder les textes philosophiques dans leur langue originale.

La rencontre avec les tragédies grecques, particulièrement celles d’Eschyle et de Sophocle, marque un tournant. Elle découvre dans ces œuvres une exploration profonde de la condition humaine, de la vulnérabilité et du conflit moral. Les personnages tragiques, pris entre des obligations incompatibles, incarnent la complexité éthique que les théories morales modernes tendent à simplifier.

En 1969, elle obtient son diplôme avec les plus hautes distinctions. La même année, elle épouse Alan Nussbaum, étudiant en linguistique, dont elle conservera le nom après leur divorce en 1987. Le couple donne naissance à une fille, Rachel, dont l’éducation influencera les réflexions ultérieures de Martha sur la parentalité et les responsabilités morales.

Harvard et l’apprentissage de la philosophie analytique

Admise à Harvard pour poursuivre des études doctorales, Martha Nussbaum entre dans l’un des départements de philosophie les plus prestigieux au monde. L’atmosphère intellectuelle y diffère radicalement de NYU : la tradition analytique anglo-saxonne domine, privilégiant la clarté conceptuelle et l’argumentation logique. Cette immersion dans la philosophie analytique lui apprend la précision argumentative qui caractérisera ses travaux futurs.

Elle travaille sous la direction de G.E.L. Owen, spécialiste reconnu d’Aristote et de la philosophie ancienne. Owen incarne une approche rigoureuse des textes classiques, exigeant une lecture attentive des arguments et une contextualisation historique minutieuse. Sous sa supervision, Nussbaum entreprend une étude systématique du De Motu Animalium d’Aristote, explorant la théorie aristotélicienne du mouvement animal et de l’action humaine.

La thèse, soutenue en 1975, révèle déjà les orientations majeures de sa pensée. Elle y défend une interprétation d’Aristote qui souligne l’importance des émotions et des désirs dans l’explication de l’action rationnelle, contestant les lectures trop intellectualistes du Stagirite. Cette réhabilitation des dimensions affectives de la rationalité pratique préfigure ses développements ultérieurs.

Premiers travaux et engagement philosophique

Enseignement à Harvard et premières publications

Après l’obtention de son doctorat, Nussbaum devient professeure assistante à Harvard, position rare pour une femme dans un département dominé par les hommes. Les années 1975-1983 voient la publication de ses premiers articles, qui établissent sa réputation de spécialiste de la philosophie antique. Ses analyses d’Aristote et de Platon se distinguent par leur attention aux dimensions psychologiques et éthiques des textes, plutôt qu’aux seules questions métaphysiques ou logiques.

Durant cette période, elle collabore avec Bernard Williams, philosophe britannique alors en visite à Harvard. Williams partage son intérêt pour les limites du rationalisme moral et l’importance des émotions dans l’éthique. Leurs échanges, souvent critiques mais toujours stimulants, affinent sa compréhension des dilemmes moraux et de la fragilité du bien humain, thème qui deviendra central dans son œuvre.

Parallèlement, elle participe activement aux débats féministes qui traversent le monde académique américain. Sans adhérer aux versions les plus radicales du féminisme de l’époque, elle développe une critique des structures patriarcales qui limitent l’accès des femmes aux positions de pouvoir intellectuel. Cette conscience aiguë des inégalités de genre nourrit ses réflexions sur la justice sociale.

La fragilité du bien : une éthique aristotélicienne renouvelée

En 1986, Nussbaum publie La Fragilité du bien : fortune et éthique dans la tragédie et la philosophie grecques, ouvrage issu de ses années d’enseignement et de recherche. Le livre constitue une contribution majeure à la philosophie morale contemporaine, proposant une relecture d’Aristote à la lumière des tragédies grecques.

L’argument central conteste la vision stoïcienne selon laquelle la vertu suffit au bonheur. Contre cette idée, Nussbaum montre que le bien-être humain dépend de facteurs externes vulnérables : la santé, les relations affectives, les circonstances politiques. Les personnages tragiques illustrent cette fragilité : Œdipe, malgré ses intentions nobles, succombe aux coups du destin ; Antigone se sacrifie pour honorer les liens familiaux face aux lois de la cité.

Cette vulnérabilité n’est pas une faiblesse à surmonter, mais une dimension constitutive de l’existence humaine. Reconnaître notre dépendance aux circonstances extérieures permet de développer une éthique plus réaliste et plus compatissante. L’ouvrage rencontre un accueil enthousiaste dans les cercles philosophiques, établissant Nussbaum comme une voix originale capable de conjuguer érudition classique et pertinence contemporaine.

Transition vers la philosophie politique

Au milieu des années 1980, Nussbaum élargit ses intérêts vers la philosophie politique. La lecture des théories de la justice, notamment celle de John Rawls, suscite chez elle un malaise. Les approches contractualistes présupposent des agents rationnels, autonomes et productifs, excluant de fait les personnes en situation de handicap, les enfants et, dans une certaine mesure, les animaux non humains.

Cette critique la conduit à explorer des alternatives. La rencontre avec Amartya Sen, économiste et philosophe indien, se révèle décisive. Sen développe depuis les années 1980 une approche du développement centrée sur les capabilités, c’est-à-dire les possibilités réelles qu’ont les individus de mener la vie qu’ils valorisent. Cette perspective résonne avec les préoccupations de Nussbaum sur la vulnérabilité et la dépendance humaines.

En 1987, elle quitte Harvard pour l’université Brown, où elle occupe une chaire de philosophie et d’études classiques. Ce déménagement marque un tournant : désormais, elle s’engage davantage dans les questions de justice sociale, de développement international et de droits humains. Ses voyages en Inde, où elle participe à des projets de recherche sur le développement rural et l’éducation des femmes, ancrent sa réflexion théorique dans des réalités concrètes.

L’approche par les capabilités et la justice mondiale

Collaboration avec Amartya Sen et élaboration théorique

À partir de la fin des années 1980, Nussbaum et Sen entament une collaboration intellectuelle fructueuse, bien que marquée par des divergences méthodologiques. Sen privilégie une approche économique et empirique, tandis que Nussbaum insiste sur les fondements philosophiques et normatifs. Ensemble, ils organisent plusieurs conférences au sein du World Institute for Development Economics Research (WIDER), réunissant économistes, philosophes et praticiens du développement.

L’approche par les capabilités repose sur une distinction fondamentale. Les capabilités désignent les possibilités réelles qu’a une personne de réaliser diverses fonctionnements : être en bonne santé, participer à la vie politique, entretenir des relations sociales. À l’inverse, les fonctionnements sont les états effectivement atteints : être effectivement en bonne santé, voter lors d’élections, avoir des amis. Cette distinction permet d’évaluer le bien-être non pas en termes de ressources possédées, mais de libertés substantielles.

Prenons un exemple. Deux personnes possèdent la même quantité de nourriture, mais l’une souffre d’une maladie qui l’empêche d’absorber correctement les nutriments. Leurs ressources sont identiques, mais leurs capabilités nutritionnelles diffèrent. L’approche par les capabilités révèle cette inégalité que masquent les mesures traditionnelles fondées sur le revenu ou les biens.

Liste des capabilités centrales et application normative

Contrairement à Sen, qui préfère laisser ouverte la liste des capabilités pertinentes, Nussbaum propose une liste de dix capabilités centrales qu’elle considère comme essentielles à une vie véritablement humaine. Cette liste comprend : la vie ; la santé corporelle ; l’intégrité physique ; les sens, l’imagination et la pensée ; les émotions ; la raison pratique ; l’affiliation ; les autres espèces ; le jeu ; et le contrôle sur son environnement.

Chaque capabilité fait l’objet d’une justification détaillée. La raison pratique, par exemple, désigne la possibilité de former une conception du bien et d’organiser sa vie en conséquence. L’affiliation renvoie à la capacité de vivre avec et pour autrui, de développer des relations sociales et de participer à la vie collective. Ces capabilités ne sont pas de simples moyens en vue du bonheur, mais des composantes constitutives d’une vie digne.

L’application de cette liste à la justice internationale modifie radicalement les priorités du développement. Plutôt que de maximiser la croissance économique, les politiques publiques doivent viser l’expansion des capabilités de chacun, en particulier des plus vulnérables. Les Nations unies adoptent partiellement cette approche en révisant l’Indice de développement humain (IDH), intégrant des dimensions relatives à la santé et à l’éducation, au-delà du seul revenu par habitant.

Critique du contractualisme et inclusion des personnes en situation de handicap

Dans Frontiers of Justice (2006), Nussbaum radicalise sa critique des théories contractualistes. Ces dernières, héritées de Hobbes, Locke et Kant, présupposent que les contractants sont approximativement égaux en capacités et capables de coopération mutuellement avantageuse. Cette hypothèse exclut structurellement les personnes en situation de handicap sévère, qui ne peuvent offrir un bénéfice symétrique.

Contre cette vision, l’approche par les capabilités reconnaît la dignité intrinsèque de chaque personne, indépendamment de sa productivité économique ou sociale. La société juste ne repose pas sur un contrat entre égaux, mais sur la reconnaissance de notre vulnérabilité commune et de notre dépendance mutuelle. Les personnes en situation de handicap ont droit au soutien nécessaire pour développer leurs capabilités spécifiques, non par charité, mais par justice.

Cette réflexion s’étend à la justice intergénérationnelle et aux obligations envers les animaux non humains. Nussbaum défend une extension prudente des capabilités aux espèces animales, reconnaissant leurs formes propres de bien-être. Une société juste doit se préoccuper du flourishing de toutes les créatures sensibles, dans la mesure où leurs capabilités le permettent.

Émotions, raison et vie éthique

Réhabilitation philosophique des émotions

Parallèlement à ses travaux sur la justice, Nussbaum développe une théorie novatrice des émotions. Upheavals of Thought: The Intelligence of Emotions (2001) propose une approche cognitivo-évaluative des émotions, les concevant non comme de simples pulsions irrationnelles, mais comme des formes de jugement incorporant des croyances et des évaluations.

Prenons la colère. Elle n’est pas une simple décharge physiologique, mais implique le jugement qu’on a subi un tort, que ce tort est significatif, et que son auteur est en partie responsable. De même, le deuil suppose la reconnaissance de la valeur de la personne perdue et l’acceptation de notre impuissance face à la mort. Les émotions révèlent ce qui compte pour nous, nos engagements éthiques profonds.

Cette conception s’inspire de la philosophie stoïcienne, notamment de Chrysippe, mais s’en écarte sur un point crucial. Alors que les stoïciens conseillent l’éradication des émotions jugées fausses ou excessives, Nussbaum défend leur valeur cognitive et morale. Certaines émotions, loin d’être des obstacles à la raison, constituent des composantes essentielles du jugement éthique éclairé.

Amour, deuil et vulnérabilité

L’analyse de l’amour occupe une place centrale dans la théorie nussbaumienne des émotions. L’amour implique une reconnaissance de la valeur irremplaçable de l’être aimé et une acceptation de notre vulnérabilité à sa perte. Aimer, c’est s’exposer au risque du chagrin, car nous ne contrôlons ni la vie ni les choix de l’autre.

Cette vulnérabilité n’est pas une faiblesse, mais le prix de relations authentiques. Les tentatives stoïciennes de se prémunir contre le chagrin par le détachement affectif aboutissent à une impasse existentielle : une vie sans attachements profonds perd ce qui lui donne sens et richesse. Mieux vaut assumer notre fragilité que renoncer aux liens qui nous constituent.

Nussbaum illustre ces thèses par des analyses littéraires détaillées, puisant dans les romans de Proust, James ou Whitman. La littérature, mieux que les traités abstraits, saisit la texture complexe de la vie émotionnelle, ses ambiguïtés et ses contradictions. Cette méthode, influencée par les travaux de Stanley Cavell, enrichit la philosophie morale d’une sensibilité aux particularités concrètes de l’expérience humaine.

Émotions politiques et démocratie

Dans Political Emotions: Why Love Matters for Justice (2013), Nussbaum transpose sa théorie des émotions au domaine politique. Les sociétés démocratiques ne peuvent se maintenir par la seule rationalité instrumentale ou le calcul d’intérêt. Elles requièrent des émotions publiques qui motivent l’engagement civique et la solidarité mutuelle : l’amour de la patrie, la compassion envers les concitoyens vulnérables, l’indignation face à l’injustice.

Ces émotions ne naissent pas spontanément. Elles se cultivent par l’éducation, les rituels publics, les symboles nationaux et les récits collectifs. Nussbaum analyse comment diverses démocraties ont tenté de promouvoir ces émotions : les fêtes nationales américaines, les commémorations indiennes, les hymnes et monuments. Le défi consiste à favoriser l’amour de la nation sans basculer dans le chauvinisme xénophobe.

Elle propose un patriotisme critique, fondé non sur la supériorité présumée d’une nation, mais sur l’engagement envers des principes universels de justice et de dignité humaine. Cette forme de patriotisme reconnaît les erreurs passées de la nation tout en valorisant ses aspirations les plus nobles. Il s’agit d’aimer le pays pour ce qu’il pourrait devenir, non pour ce qu’il fut.

Féminisme, diversité culturelle et droits humains

Féminisme des capabilités et critique du relativisme culturel

L’engagement féministe de Nussbaum prend une forme particulière, distincte des courants dominants. Elle rejette tant le féminisme essentialiste, qui postule une nature féminine universelle, que le féminisme postmoderne, qui dissout toute référence normative dans le relativisme culturel. Son féminisme, ancré dans l’approche par les capabilités, défend des normes universelles tout en respectant la diversité culturelle.

Dans Sex and Social Justice (1999) et Women and Human Development (2000), elle dénonce les pratiques qui réduisent les capabilités des femmes : mariages forcés, mutilations génitales, absence d’accès à l’éducation, violences domestiques. Ces pratiques, souvent justifiées par des traditions culturelles ou religieuses, violent la dignité humaine fondamentale. Le respect des cultures ne peut justifier l’oppression systématique de la moitié de l’humanité.

Pour autant, Nussbaum évite l’impérialisme culturel. Elle insiste sur le dialogue interculturel et la participation des femmes concernées aux décisions qui les affectent. Les réformes imposées de l’extérieur, sans consultation des intéressées, risquent d’échouer ou de produire des effets pervers. L’autonomie des femmes requiert qu’elles soient actrices de leur émancipation, non des objets de politiques paternalistes.

Multiculturalisme et limites de la tolérance

Les sociétés contemporaines, marquées par la diversité religieuse et culturelle, posent des défis inédits. Dans Liberty of Conscience (2008), Nussbaum examine les tensions entre liberté de conscience et cohésion sociale. Elle défend un multiculturalisme libéral qui protège les pratiques religieuses minoritaires tout en imposant des limites lorsqu’elles menacent les droits fondamentaux.

Prenons l’exemple des accommodements religieux dans l’espace public. Nussbaum soutient que l’État doit autoriser le port du voile islamique, de la kippa ou du turban sikh, car ces pratiques relèvent de la liberté de conscience. En revanche, il peut interdire les mutilations génitales féminines ou les mariages de mineurs, qui violent l’intégrité corporelle et l’autonomie des personnes concernées. Le principe directeur est le respect des capabilités de chacun.

Cette position évite deux écueils. D’un côté, le laïcisme strict, qui traite toute expression religieuse publique comme une menace. De l’autre, le relativisme culturel, qui sacrifie les droits individuels sur l’autel du respect des traditions. Nussbaum trace une voie médiane, exigeant que les accommodements religieux soient compatibles avec l’égale dignité de tous.

Objectification et dignité humaine

Dans Sex and Social Justice, Nussbaum analyse le concept d’objectification, processus par lequel une personne est traitée comme un objet dénué de subjectivité. Elle distingue sept dimensions de l’objectification : instrumentalité (traiter comme un outil), déni d’autonomie, inertie (traiter comme passif), fongibilité (interchangeabilité), violabilité, propriété, et déni de subjectivité.

Toutes les formes d’objectification ne sont pas également condamnables. Dans certains contextes, notamment érotiques, une objectification partielle et consentie peut être acceptable, voire désirable. Ce qui pose problème, c’est l’objectification systématique et non réciproque, particulièrement lorsqu’elle s’accompagne d’une négation de l’autonomie et de la subjectivité de l’autre.

Cette analyse s’applique à diverses pratiques : pornographie, prostitution, publicité sexiste, harcèlement. Nussbaum évite les condamnations simplistes, préférant examiner les contextes spécifiques et le degré de consentement effectif des personnes concernées. L’enjeu est de protéger la dignité humaine sans verser dans le puritanisme moralisateur.

Engagement public et influence institutionnelle

Consultations internationales et politiques publiques

Dès les années 1990, Nussbaum participe activement à des projets de développement international. Elle collabore avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), contribuant à l’élaboration de rapports sur le développement humain. Son influence se mesure à l’adoption partielle de l’approche par les capabilités dans les indicateurs officiels, notamment l’IDH, qui complète le PIB par habitant par des mesures d’espérance de vie et de scolarisation.

En Inde, elle travaille avec des organisations non gouvernementales sur des projets d’alphabétisation des femmes rurales et de microcrédit. Ces expériences de terrain nourrissent sa réflexion théorique, lui permettant de tester la pertinence pratique de ses concepts. Elle constate que l’expansion des capabilités économiques des femmes se heurte souvent à des obstacles culturels et familiaux, nécessitant des interventions ciblées sur l’éducation et l’autonomisation.

Ses consultations s’étendent à d’autres domaines : réforme constitutionnelle en Afrique du Sud, politiques d’inclusion des personnes en situation de handicap aux États-Unis, débats sur l’éthique animale en Europe. Partout, elle plaide pour une approche de la justice centrée sur les capabilités, adaptable aux contextes locaux tout en maintenant des exigences normatives universelles.

Enseignement à l’université de Chicago et formation des nouvelles générations

En 1995, Nussbaum rejoint l’université de Chicago, où elle occupe actuellement la chaire Ernst Freund de droit et d’éthique. Cette position, partagée entre les départements de philosophie, de droit et de théologie, reflète l’étendue de ses intérêts. Elle forme des générations d’étudiants à une philosophie engagée, attentive aux enjeux concrets de justice sociale.

Ses séminaires, réputés exigeants, combinent lecture rigoureuse de textes classiques et discussion de problèmes contemporains. Les étudiants apprennent à argumenter avec précision tout en maintenant une ouverture aux perspectives diverses. Nussbaum insiste sur l’importance de l’empathie et de l’imagination morale, capacités à se représenter la situation d’autrui, nécessaires à toute réflexion éthique sérieuse.

Ses nombreux doctorants occupent désormais des postes dans le monde entier, diffusant l’approche par les capabilités et les théories néo-aristotéliciennes. Cette influence indirecte, via la formation académique, multiplie l’impact de ses idées au-delà de ses propres publications.

Débats et controverses

L’œuvre de Nussbaum suscite des débats intenses. Certains critiquent sa liste de capabilités centrales comme trop occidentale, reflétant des valeurs libérales non universelles. D’autres, notamment Sen, reprochent son approche trop prescriptive, préférant laisser aux sociétés le soin de déterminer démocratiquement les capabilités pertinentes. Nussbaum répond que certaines normes, fondées sur la dignité humaine, transcendent les particularismes culturels.

Les philosophes contractualistes, héritiers de Rawls, contestent sa critique du contrat social. Ils soutiennent que le contractualisme peut être étendu pour inclure les personnes en situation de handicap, sans abandonner l’idée de coopération sociale. Nussbaum maintient que cette extension demeure artificielle, ne reconnaissant pas pleinement la vulnérabilité et la dépendance comme dimensions constitutives de la condition humaine.

Enfin, certains féministes jugent son approche trop individualiste, négligeant les structures sociales d’oppression. Nussbaum rétorque que l’approche par les capabilités, en insistant sur les opportunités réelles plutôt que formelles, permet précisément d’identifier et de combattre les obstacles structurels à l’autonomie des femmes.

Derniers développements et synthèses

Éthique animale et extension des capabilités

Dans Frontiers of Justice et des travaux ultérieurs, Nussbaum étend l’approche par les capabilités aux animaux non humains. Elle critique le contractualisme pour son anthropocentrisme et l’utilitarisme pour son agrégativisme, qui permet de sacrifier des individus au nom du bien-être total. L’approche par les capabilités reconnaît la valeur intrinsèque de chaque créature sentiente, exigeant le respect de ses formes propres de flourishing.

Cette extension soulève des difficultés. Comment définir les capabilités d’un animal ? Doit-on protéger le lion des conditions qui limitent sa capacité de chasse, ou la gazelle de la prédation ? Nussbaum admet ces tensions. Elle propose de distinguer les capabilités centrales, communes aux mammifères et oiseaux, et les capabilités spécifiques à chaque espèce. Les politiques publiques doivent viser à assurer les premières tout en respectant les modes de vie caractéristiques.

Concrètement, cela implique l’abolition de l’élevage intensif, des expérimentations animales non nécessaires, et la protection des habitats naturels. Les animaux ne sont pas des ressources pour l’usage humain, mais des sujets de justice dont le bien-être importe moralement en lui-même.

Colère, pardon et réconciliation

Dans Anger and Forgiveness (2016), Nussbaum examine les émotions de colère et de pardon dans divers contextes : relations intimes, justice pénale, relations internationales. Elle développe une critique radicale de la colère, souvent valorisée comme réaction appropriée à l’injustice. La colère contient une dimension rétributive irrationnelle, le désir que le coupable souffre, qui n’apporte aucun bénéfice réel.

Mieux vaut la colère transitionnelle, qui se transforme rapidement en action constructive pour réparer le tort ou prévenir sa récurrence. Le pardon, quant à lui, doit être distingué de l’oubli ou de l’excuse. Pardonner, c’est renoncer à la rancune et à la vengeance tout en maintenant que le tort fut réel. Cette posture permet la réconciliation sans nier la gravité de l’offense.

Ces thèses controversées suscitent des objections. Beaucoup jugent la colère légitime face à l’injustice, voire nécessaire à la mobilisation politique. Nussbaum répond que l’indignation morale, distincte de la colère rétributive, suffit à motiver l’action sans verser dans la violence destructrice. Les mouvements sociaux efficaces, comme celui de Gandhi, ont privilégié la résistance non violente à la vengeance.

Justice cosmopolite et responsabilités globales

Les derniers travaux de Nussbaum approfondissent les implications de l’approche par les capabilités pour la justice mondiale. Dans un contexte de mondialisation économique et de crise climatique, les responsabilités morales transcendent les frontières nationales. Les citoyens des pays riches ne peuvent ignorer les conditions de vie dégradées des populations du Sud global.

Elle défend une version du cosmopolitisme moral, compatible avec l’attachement à des communautés particulières. Nous avons des obligations spéciales envers nos concitoyens, mais également des devoirs généraux envers tous les êtres humains. Ces obligations globales incluent l’aide au développement, l’ouverture des marchés, et la lutte contre le changement climatique, dont les effets frappent d’abord les plus vulnérables.

Nussbaum critique les institutions internationales actuelles, jugées insuffisamment démocratiques et trop influencées par les intérêts des États puissants. Elle appelle à une réforme profonde de l’ONU, du FMI et de la Banque mondiale, garantissant une représentation effective des pays en développement et une prise en compte sérieuse des capabilités humaines dans les décisions économiques.

Une philosophie pour le XXIᵉ siècle

L’œuvre de Martha Nussbaum constitue une des contributions les plus substantielles à la philosophie morale et politique contemporaine. En renouant avec la tradition aristotélicienne tout en l’enrichissant des apports de la philosophie analytique, elle propose une vision de la justice attentive à la complexité de la condition humaine.

Son influence dépasse largement le monde académique. Les politiques de développement, les réformes constitutionnelles, les débats sur l’inclusion et les droits des animaux portent la marque de ses idées. L’approche par les capabilités offre un cadre normatif robuste, applicable à des contextes variés sans imposer un modèle unique de vie bonne.

À une époque où les inégalités se creusent et où les crises écologiques menacent les conditions de vie sur terre, la pensée de Nussbaum conserve toute sa pertinence. Elle nous rappelle que la justice exige non seulement la redistribution des ressources, mais l’expansion des libertés réelles de chacun de mener une vie digne et épanouie. Cette vision exigeante, ancrée dans une compréhension fine de notre vulnérabilité commune, trace des voies d’espérance dans un monde incertain.

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