INFOS-CLÉS | |
|---|---|
| Origine | États-Unis (New York) |
| Importance | ★★★★★ |
| Courants | Philosophie analytique, Sciences cognitives |
| Thèmes | Langage de la pensée, Modularité de l’esprit, Computationnalisme, Représentations mentales, Fonctionnalisme |
Jerry Fodor figure parmi les philosophes de l’esprit les plus influents du dernier demi-siècle. Son œuvre a façonné les sciences cognitives contemporaines en proposant une architecture précise de la cognition humaine.
En raccourci
Né à New York en 1935 dans une famille juive, Jerry Fodor étudie la philosophie à Columbia puis à Princeton, où il soutient en 1960 un doctorat sous la direction d’Hilary Putnam. Recruté au MIT dès 1959, il côtoie Noam Chomsky et participe à l’émergence des sciences cognitives.
Son livre majeur, Le Langage de la pensée (1975), défend l’idée que nos représentations mentales forment un système symbolique inné, une langue universelle de la cognition. Cette hypothèse du « mentalais » propose que penser revient à manipuler des symboles mentaux selon des règles computationnelles.
En 1983, La Modularité de l’esprit distingue les systèmes perceptifs — rapides, automatiques et isolés informationnellement — des processus centraux de la pensée. Cette architecture cognitive inspire des décennies de recherches en psychologie et neurosciences.
Après des passages à la City University de New York et à Rutgers, Fodor poursuit une œuvre polémique, critiquant le holisme sémantique, défendant un nativisme radical des concepts, et contestant même la sélection naturelle darwinienne dans ses derniers travaux. Premier lauréat du prix Jean-Nicod en 1993, il meurt à New York en 2017, laissant une empreinte durable sur la philosophie analytique et les sciences de l’esprit.
Origines new-yorkaises et formation philosophique
Jerry Alan Fodor naît le 22 avril 1935 à New York, au sein d’une famille juive de la classe moyenne. L’atmosphère intellectuelle de la métropole américaine marque ses premières années. Rien ne prédestine ce jeune homme timide à devenir l’une des figures les plus redoutées des débats philosophiques contemporains.
Inscrit à l’université Columbia au milieu des années 1950, Fodor découvre la philosophie analytique dans un contexte académique bouillonnant. Il étudie avec Sidney Morgenbesser et Arthur Danto, deux figures majeures de la philosophie américaine. Son mémoire de fin d’études, consacré à Søren Kierkegaard, témoigne d’un intérêt initial pour l’existentialisme. Ce détour par la subjectivité existentielle contraste avec son parcours ultérieur, entièrement consacré à l’objectivation scientifique de l’esprit.
Diplômé summa cum laude en 1956, Fodor poursuit à Princeton, l’une des citadelles de la philosophie analytique. Sous la direction d’Hilary Putnam — philosophe polymorphe explorant les liens entre logique, mathématiques et sciences — il soutient sa thèse de doctorat en 1960. Cette formation rigoureuse le dote d’outils conceptuels aiguisés pour analyser les processus mentaux.
Années MIT et naissance des sciences cognitives
Dès 1959, alors qu’il achève sa thèse, Fodor rejoint le Massachusetts Institute of Technology en tant qu’instructeur. L’embauche précède le diplôme, signe de l’estime que lui portent déjà ses pairs. Le MIT des années 1960 constitue le terrain idéal pour un philosophe intéressé par la cognition : le département de philosophie entretient des liens étroits avec celui de linguistique, où officie Noam Chomsky.
La rencontre avec Chomsky s’avère décisive. Le linguiste défend alors sa théorie de la grammaire générative et de la grammaire universelle innée, contestant radicalement le béhaviorisme dominant en psychologie. Fodor, Putnam et Chomsky forment un front commun contre l’associationnisme et le behaviorisme de Skinner. Pour eux, l’esprit ne saurait se réduire à des enchaînements stimulus-réponse. Les structures mentales préexistent à l’apprentissage et organisent notre rapport au monde.
Durant cette décennie, Fodor multiplie les collaborations interdisciplinaires. Il travaille avec les psychologues et linguistes Jerrold Katz, Thomas Bever, Merrill Garrett et Zenon Pylyshyn. Ces échanges fertiles donnent naissance à plusieurs ouvrages collectifs, dont The Structure of Language (1964) avec Katz. L’approche se veut résolument scientifique : les hypothèses philosophiques doivent pouvoir se traduire en prédictions testables empiriquement.
En 1968, Fodor publie Psychological Explanation, qui expose sa conception du fonctionnalisme. Contre le dualisme cartésien et contre le béhaviorisme, il défend que les états mentaux se définissent par leur rôle fonctionnel — ce qu’ils font, non par leur substrat physique. Un désir ou une croyance sont caractérisés par leurs relations causales avec les perceptions, d’autres états mentaux et les actions. Cette position deviendra centrale en philosophie de l’esprit.
Le langage de la pensée : une hypothèse fondatrice
L’année 1974 voit paraître The Psychology of Language, coécrit avec Bever et Garrett. Cet ouvrage de psycholinguistique prépare le terrain pour ce qui sera le coup de maître de Fodor : The Language of Thought, publié en 1975. Ce livre place définitivement son auteur sur la carte philosophique internationale.
L’hypothèse centrale tient en une formule saisissante : penser, c’est manipuler des symboles dans un langage mental. Fodor postule l’existence d’un « mentalais » — un système de représentations internes structuré comme un langage, avec syntaxe et sémantique compositionnelle. Lorsqu’on croit que le chat est sur le paillasson, on entretient une relation avec une représentation mentale qui possède la structure « CHAT SUR PAILLASSON ».
Ce mentalais présente plusieurs caractéristiques remarquables. D’abord, il est inné : nous naissons équipés de ce système symbolique fondamental, avant même d’apprendre une langue naturelle. Ensuite, il est compositionnel : le sens des représentations complexes dérive systématiquement du sens de leurs constituants. Enfin, il est productif : à partir d’un nombre fini de symboles de base, le mentalais génère une infinité de pensées possibles.
Fodor défend que seule cette hypothèse permet d’expliquer la nature intentionnelle de la pensée — sa capacité à porter sur des objets du monde. Les attitudes propositionnelles comme les croyances et les désirs sont des relations computationnelles entre un sujet et une phrase du langage de la pensée. Penser devient ainsi un processus algorithmique défini sur des représentations physiquement réalisées dans le cerveau.
Cette approche computationnelle de l’esprit s’inscrit dans le paradigme fonctionnaliste. Pour Fodor, expliquer la cognition revient à décrire l’architecture fonctionnelle qui transforme les inputs perceptifs en outputs comportementaux, via des opérations sur des représentations mentales. Le cerveau fonctionne comme un ordinateur biologique, manipulant des symboles selon des règles formelles.
Architecture modulaire et systèmes périphériques
En 1983 paraît The Modularity of Mind, un ouvrage bref mais magistral qui redéfinit les contours de la psychologie cognitive. Fodor y propose une théorie de l’architecture mentale en rupture avec les modèles dominants. Contre l’hypothèse d’un esprit homogène où toutes les informations circuleraient librement, il défend une organisation verticale et modulaire des fonctions cognitives.
Les modules, selon Fodor, sont des systèmes de traitement de l’information présentant neuf caractéristiques distinctives. Ils opèrent de manière obligatoire et automatique : on ne peut s’empêcher de voir ou d’entendre. Leur vitesse d’exécution est remarquable : les processus perceptifs s’achèvent en quelques centaines de millisecondes. Ils sont encapsulés informationnellement, c’est-à-dire isolés du reste de la cognition : la connaissance qu’une illusion optique est illusoire ne la fait pas disparaître.
Les modules traitent des domaines spécifiques : vision, audition, langage. Leurs sorties sont superficielles, fournissant des représentations élémentaires aux systèmes centraux. Ils possèdent une architecture neuronale fixe et manifestent des patterns de déficits caractéristiques en cas de lésion. Enfin, leur développement suit un rythme déterminé endogènement, suggérant une base innée.
Fodor limite explicitement la modularité aux systèmes périphériques — perception et analyse linguistique. Les processus centraux de la pensée, en revanche, résistent à toute modularisation. Ils sont isotopes (toute information peut en principe affecter n’importe quelle croyance) et quiniens (ils opèrent de manière holistique sur l’ensemble du système de croyances). Cette centralité non-modulaire pose un problème redoutable : comment étudier scientifiquement un système où tout interagit avec tout ?
L’ouvrage connaît un succès immédiat. Psychologues et neuroscientifiques y puisent des hypothèses empiriquement testables. Les recherches sur la perception visuelle, l’acquisition du langage ou les troubles développementaux s’emparent du cadre modulaire. Même ceux qui contestent les conclusions de Fodor reconnaissent l’importance de ses questions.
Années Rutgers et défense du représentationnalisme
En 1986, Fodor quitte le MIT pour la City University de New York, avant de rejoindre en 1988 l’université Rutgers dans le New Jersey, où il demeurera jusqu’à sa retraite en 2012. Durant ces décennies, il affine et défend sa théorie représentationnaliste contre une prolifération de critiques.
Psychosemantics (1987) aborde de front le problème du contenu mental : comment les symboles du mentalais acquièrent-ils leur signification ? Fodor élabore une théorie causale asymétrique de la référence. Un concept mental CHEVAL réfère aux chevaux parce que les chevaux causent son activation de manière fiable, tandis que d’autres causes (comme les vaches aperçues de loin) ne produisent cette activation que parce que les chevaux le font. Cette asymétrie causale fonde la sémantique naturalisée.
En 1992, avec Ernest Lepore, il publie Holism: A Shopper’s Guide, attaquant le holisme sémantique défendu notamment par Willard Quine et Donald Davidson. Pour les holistes, la signification d’un concept dépend de son réseau de relations avec tous les autres concepts : on ne peut comprendre « chien » sans comprendre « animal », « mammifère », « aboyer », etc. Fodor objecte que cette position rend la communication et la science impossible : deux personnes ne partageraient jamais exactement les mêmes concepts.
Contre le holisme, Fodor défend un atomisme conceptuel radical. Les concepts lexicaux — ceux exprimés par les mots simples des langues naturelles — sont des primitives non structurées. CHIEN n’est pas décomposable en traits plus simples. Cette thèse culmine dans Concepts: Where Cognitive Science Went Wrong (1998), version publiée de ses conférences John Locke à Oxford en 1996-1997. Fodor y argumente pour un nativisme conceptuel extrême : tous les concepts lexicaux sont innés.
Cette position provoque l’incrédulité de nombreux philosophes. Comment le concept ORDINATEUR pourrait-il être inné ? Fodor maintient sa ligne : ce que nous apprenons, ce sont les mots d’une langue naturelle, non les concepts eux-mêmes. Le concept ORDINATEUR préexistait dans nos esprits, attendant simplement d’être activé par l’expérience appropriée. Pour ses critiques, cette thèse frôle l’absurdité. Pour Fodor, elle découle logiquement de l’architecture computationnelle de l’esprit.
Prix Jean-Nicod et rayonnement international
En 1993, Fodor reçoit le premier prix Jean-Nicod, distinction inaugurale créée pour honorer les contributions majeures en philosophie cognitive. Les quatre conférences qu’il prononce au printemps à Paris constituent la version primitive de The Elm and the Expert (1994). Dans ces textes, il revient sur la psychosémantique et la théorie de la référence, défendant que les représentations mentales tirent leur contenu de relations informationnelles avec l’environnement.
Ce prix consacre Fodor comme figure centrale des sciences cognitives. Son influence traverse les frontières disciplinaires : linguistes, psychologues, neuroscientifiques et informaticiens discutent ses thèses. Les revues spécialisées multiplient les numéros thématiques consacrés à son œuvre. En 2005, il obtient le Mind & Brain Prize, confirmant son statut d’autorité intellectuelle.
Au-delà des honneurs académiques, Fodor cultive une présence publique singulière. Chroniqueur régulier pour la London Review of Books, il y traite d’opéra, de littérature et de politique avec le même style incisif que dans ses travaux philosophiques. Passionné de Wagner — il écoutait le Ring en pleurant lorsque son épouse Janet s’absentait — et lecteur assidu d’Henry James, dont il baptisa même l’un de ses chats « Mr. James », Fodor incarne une figure intellectuelle complète, loin du spécialiste confiné.
Marié à la linguiste Janet Dean Fodor, ancienne doctorante de Chomsky au MIT et professeure émérite à la City University de New York, il partage avec elle une vie intellectuelle intense. Le couple réside à Manhattan et a une fille, Kate, devenue dramaturge et scénariste. D’un premier mariage avec la psychologue Iris Goldstein, Fodor a un fils, Anthony, professeur de bio-informatique.
Polémiques tardives et critique du darwinisme
Les dernières années de Fodor sont marquées par une controverse majeure. En octobre 2007, il publie dans la London Review of Books un article intitulé « Why Pigs Don’t Have Wings », attaquant la théorie de la sélection naturelle. Pour Fodor, le concept de « sélection pour » un trait implique une distinction intensionnelle que la nature ne peut opérer sans intentionnalité. Comment l’évolution pourrait-elle sélectionner pour la couleur blanche des ours polaires plutôt que pour leur camouflage, alors que ces propriétés sont coextensives dans leur écologie ?
Cette critique prend forme de livre en 2010 : What Darwin Got Wrong, coécrit avec le biologiste cognitif Massimo Piattelli-Palmarini. Les auteurs affirment que la sélection naturelle, bien que réelle, ne peut jouer le rôle explicatif central que lui attribue le néo-darwinisme. Les contraintes développementales et les facteurs endogènes déterminent l’évolution bien davantage que la pression sélective externe.
La réaction de la communauté scientifique est virulente. Le biologiste Jerry Coyne qualifie l’ouvrage de « critique profondément erronée de la sélection naturelle » et le juge « aussi biologiquement mal informé que strident ». Le philosophe des sciences Massimo Pigliucci écrit que le livre « donne mauvaise réputation à la philosophie des sciences ». D’autres, comme le biologiste évolutionniste Gabriel Dover ou la philosophe Mary Midgley, saluent au contraire un « assaut bienvenu contre les simplifications néo-darwiniennes ».
Fodor n’est pas homme à reculer devant la polémique. Toute sa carrière témoigne d’un tempérament combatif, d’une disposition à défendre ses positions envers et contre tous. Ses collègues évoquent un débatteur redoutable, capable de pulvériser un contradicteur avec une rapidité et un esprit dévastateurs. Le philosophe Colin McGinn le décrit comme « un chat doux dans un corps robuste », ajoutant qu’il « aime réfuter ses opposants dans la tombe l’après-midi, puis frissonner à l’opéra le soir ».
Pessimisme épistémologique et limites de la science cognitive
Un aspect méconnu du travail de Fodor mérite attention : son pessimisme croissant quant aux possibilités de la science cognitive. Dès La Modularité de l’esprit, il formule ce qu’on appellera la « première loi de Fodor sur la non-existence de la science cognitive » : les processus centraux sont de mauvais candidats pour l’étude scientifique.
Pourquoi ce pessimisme ? Parce que les systèmes centraux, non-modulaires, présentent des propriétés qui résistent à la modélisation formelle. Leur caractère isotope (toute information peut affecter toute croyance) et quinien (le système de croyances est évalué globalement) empêche la décomposition fonctionnelle nécessaire à l’explication scientifique. On ne peut isoler un processus de pensée comme on isole un module perceptif.
The Mind Doesn’t Work That Way (2000), réponse à Steven Pinker et aux défenseurs d’une psychologie évolutionniste massivement modulaire, développe cette critique. Fodor y argumente que les processus de haut niveau — fixation des croyances, raisonnement abductif, résolution de problèmes — échappent par nature à l’analyse computationnelle. L’esprit central n’est pas un ordinateur.
Cette position paradoxale — défendre le computationnalisme tout en niant sa portée explicative pour les fonctions cognitives supérieures — a déconcerté nombre de commentateurs. Comment Fodor peut-il simultanément fonder les sciences cognitives et proclamer leur limite intrinsèque ? La cohérence réside dans sa conviction que la science requiert des systèmes relativement isolés, manipulables expérimentalement. Les modules satisfont ce critère, pas la pensée centrale.
Héritage et postérité intellectuelle
Retraité en 2012, Fodor continue de publier et d’intervenir dans les débats jusqu’à ses dernières années. Frappé par une longue maladie, il meurt à son domicile new-yorkais le 29 novembre 2017, à l’âge de 82 ans. Sa disparition suscite une vague d’hommages dans le monde philosophique et scientifique.
Noam Chomsky salue « l’un des fondateurs de la science cognitive contemporaine et un leader dans son développement, ainsi qu’une figure majeure de la philosophie du langage et de l’esprit contemporaine ». Barry Loewer, directeur du département de philosophie à Rutgers, le décrit comme « le penseur le plus spirituel et vivant » qu’il ait connu. Ernest Lepore, son coauteur de longue date, affirme qu’« il est difficile de surestimer l’impact de ces idées sur les débats subséquents en philosophie de l’esprit et du langage ».
L’influence de Fodor traverse plusieurs générations de chercheurs. Ses hypothèses sur le langage de la pensée structurent les recherches en psychologie cognitive et en intelligence artificielle. Sa théorie de la modularité inspire des travaux en neuropsychologie, en sciences du développement et en psychopathologie. Même ses positions les plus controversées — comme le nativisme conceptuel ou la critique du darwinisme — stimulent des débats féconds.
Au-delà des thèses spécifiques, Fodor lègue une méthodologie. Sa pratique philosophique illustre l’importance de l’argumentation rigoureuse, de la cohérence systématique et du dialogue constant avec les sciences empiriques. Philosophe de l’esprit, il n’a jamais confondu spéculation métaphysique et investigation scientifique. Chaque hypothèse philosophique devait pouvoir s’articuler avec les données expérimentales et générer des prédictions testables.
Son style d’écriture, mêlant précision conceptuelle et humour caustique, a renouvelé la prose philosophique anglo-saxonne. Ses textes, truffés d’exemples concrets et de formules mémorables, restent accessibles aux non-spécialistes sans sacrifier la rigueur. Cette clarté expressive, conjuguée à sa productivité — une vingtaine d’ouvrages et des dizaines d’articles majeurs — fait de lui un modèle pour les philosophes analytiques.
Fodor aura incarné un moment particulier de l’histoire intellectuelle : celui où philosophie analytique, linguistique chomskyenne, psychologie cognitive et informatique naissante ont convergé pour fonder les sciences cognitives. Figure tutélaire de ce mouvement, il en aura aussi été le critique le plus lucide, pointant les limites intrinsèques d’une science de l’esprit basée sur le paradigme computationnel. Cette tension productive entre foi scientifique et scepticisme épistémologique caractérise son œuvre et garantit sa pérennité dans les débats contemporains sur la nature de l’esprit.










