Jean-Paul Sartre naît le 21 juin 1905 à Paris dans une famille bourgeoise. Orphelin de père à quinze mois, il est élevé par sa mère et son grand-père maternel, Charles Schweitzer, oncle d’Albert Schweitzer. Cette enfance particulière, qu’il relate dans « Les Mots » (1964), forge sa personnalité d’intellectuel précoce et son rapport complexe à l’autorité.
Brillant élève, il intègre l’École normale supérieure en 1924 où il rencontre Simone de Beauvoir, compagne de toute sa vie. Agrégé de philosophie en 1929, il enseigne au Havre puis à Laon, avant de partir étudier la phénoménologie en Allemagne en 1933-1934, découverte qui révolutionne sa pensée.
Mobilisé en 1939, fait prisonnier puis libéré en 1941, Sartre vit l’Occupation comme une révélation de l’engagement. Il participe à la Résistance intellectuelle et fonde avec Merleau-Ponty et Beauvoir le groupe « Socialisme et Liberté ». Cette expérience nourrit sa réflexion sur la responsabilité et la situation de l’homme dans l’Histoire.
« L’Être et le Néant » (1943), son œuvre philosophique majeure, établit les fondements de l’existentialisme français. Sartre y développe sa conception révolutionnaire de la liberté humaine : « l’existence précède l’essence », formule qui signifie que l’homme existe d’abord, puis se définit par ses actes. Condamné à être libre, il est entièrement responsable de ses choix et ne peut invoquer aucune excuse transcendante.
Après la guerre, Sartre devient une figure publique majeure. Sa conférence « L’existentialisme est un humanisme » (1946) popularise sa philosophie. Il fonde la revue « Les Temps modernes » qui devient tribune de l’intelligentsia de gauche. Théoricien de l’engagement, il proclame que l’écrivain doit prendre parti dans les combats de son temps.
Son théâtre (« Huis clos », « Les Mains sales », « Les Mouches ») et ses romans (« La Nausée », « Les Chemins de la liberté ») illustrent ses thèses philosophiques. « L’enfer, c’est les autres », réplique célèbre de « Huis clos », exprime la difficulté des relations humaines dans un monde sans Dieu.
Compagnon de route du Parti communiste sans jamais y adhérer, Sartre s’engage dans tous les combats de décolonisation. Il soutient l’indépendance algérienne, dénonce la guerre du Vietnam, défend les mouvements révolutionnaires du Tiers-Monde. Mai 68 le voit aux côtés des étudiants, incarnant la figure du maître à penser contestataire.
Sa « Critique de la raison dialectique » (1960) tente une synthèse entre existentialisme et marxisme, analysant les conditions de possibilité d’une anthropologie historique. Ses biographies existentielles de Baudelaire, Genet et Flaubert appliquent sa méthode à la compréhension des destins individuels.
En 1964, il refuse le prix Nobel de littérature pour préserver son indépendance intellectuelle. Ses dernières années sont marquées par la cécité progressive et l’activisme politique aux côtés des maoïstes. Il meurt le 15 avril 1980 ; ses obsèques rassemblent cinquante mille personnes, témoignage de son influence sur son époque.
Sartre demeure la figure emblématique de l’intellectuel engagé, ayant incarné comme nul autre la responsabilité de penser son temps.