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David Hume (1711-1776) : Le philosophe du scepticisme et de la nature humaine

  • 03/09/2025
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Naissance et origine écossaise

David Hume naît le 26 avril 1711 (selon l’ancien calendrier) à Édimbourg, dans une famille de petite noblesse écossaise des Borders qui incarne les valeurs presbytériennes et l’austérité calviniste de l’Écosse traditionnelle. Son père, Joseph Home, juriste et propriétaire terrien de Ninewells dans le Berwickshire, meurt prématurément en 1713, laissant le jeune David sous la tutelle de sa mère, Katherine Falconer, femme énergique et pieuse qui veille scrupuleusement à son éducation. Cette origine provinciale et cette formation calviniste marquent paradoxalement un penseur qui révolutionne la philosophie par son scepticisme radical et son naturalisme anti-métaphysique.

Formation universitaire à Édimbourg

Ses études à l’université d’Édimbourg (1723-1725), entamées précocement à douze ans selon l’usage écossais, l’initient à la philosophie morale écossaise et au système newtonien qui dominent alors l’enseignement calédonien. Cette formation, marquée par l’influence de Francis Hutcheson et du sens moral, développe sa sensibilité aux questions éthiques et esthétiques qui traversent toute son œuvre. L’atmosphère intellectuelle d’Édimbourg, ouverte aux influences européennes et nourrie de cartésianisme et de newtonianisme, forge un esprit synthétique capable d’articuluer empirisme anglais et rationalisme continental.

Crise de vocation et orientation philosophique

Sa renonciation à la carrière juridique familiale pour se consacrer entièrement à la philosophie révèle une vocation irrésistible qui sacrifie la sécurité bourgeoise à l’amour de la vérité. Cette décision courageuse, qui inquiète sa famille et compromet son avenir matériel, témoigne d’une passion intellectuelle exceptionnelle pour les « sciences de la nature humaine ». Sa correspondance juvénile révèle un jeune homme dévoré par l’ambition de révolutionner la philosophie en appliquant la méthode expérimentale de Newton aux phénomènes moraux et sociaux.

Première crise intellectuelle et dépression

Vers 1729, une crise psychologique profonde, qu’il décrit dans une lettre célèbre au médecin George Cheyne, le confronte à l’angoisse existentielle et au sentiment d’irréalité qui accompagnent ses découvertes sceptiques. Cette « maladie savante », mélange de spleen mélancolique et d’hyper-lucidité philosophique, révèle les dangers psychologiques d’une analyse trop poussée des fondements de la connaissance et de la morale. Cette épreuve personnelle, surmontée par l’exercice physique et la sociabilité, nourrit sa philosophie de la nature humaine et son éloge des passions contre la raison pure.

Séjour en France et rédaction du Traité

Son séjour en France (1734-1737), notamment à La Flèche où Descartes fit ses études, lui permet de rédiger dans la solitude studieuse son œuvre maîtresse, le Traité de la nature humaine. Cette retraite philosophique, financée par l’économie domestique la plus stricte, révèle un ascète de la pensée qui sacrifie tout au perfectionnement de son système. L’atmosphère cartésienne de La Flèche inspire paradoxalement une œuvre qui détruit méthodiquement les fondements du rationalisme moderne par l’analyse empiriste de la connaissance et de la passion.

Révolution épistémologique du Traité

Sa critique révolutionnaire de la causalité révèle que notre croyance en la connexion nécessaire entre cause et effet ne repose sur aucune impression sensible mais résulte de l’habitude qui associe des événements constamment conjoints. Cette découverte, qui détruit le fondement de la physique newtonienne et de la métaphysique rationnelle, révèle que nos inférences causales procèdent de l’imagination plutôt que de la raison. Cette révolution sceptique, qui anticipe la critique kantienne, transforme la nécessité objective en croyance subjective fondée sur l’expérience répétée.

Critique de l’identité personnelle

Sa psychologie empiriste révèle que le moi n’est qu’un « faisceau de perceptions » sans substance permanente qui les unifierait dans une identité stable. Cette dissolution sceptique de l’ego cartésien, qui ne trouve dans l’introspection aucune impression correspondant au moi substantiel, révèle l’illusion de l’identité personnelle. Cette découverte troublante, que Hume avoue lui-même ne pouvoir soutenir dans la vie ordinaire, anticipe les analyses contemporaines de la conscience et influence la philosophie de l’esprit jusqu’à Derek Parfit.

Théorie des passions et critique de la raison

Sa philosophie morale révolutionnaire proclame que « la raison est et ne doit être que l’esclave des passions » dans la motivation de l’action humaine. Cette inversion de la hiérarchie traditionnelle, qui fait des émotions les véritables moteurs de la conduite, fonde la psychologie moderne sur l’affectivité plutôt que sur la rationalité. Sa théorie des passions, qui distingue impressions directes et indirectes, révèle la complexité de la vie émotionnelle et prépare l’analyse contemporaine des affects et de la motivation.

Échec commercial et déception

La publication du Traité (1739-1740), accueillie par l’indifférence générale, constitue une déception cruelle pour un auteur qui espérait révolutionner la philosophie européenne. Cet échec, qu’il attribue rétrospectivement aux défauts de forme plutôt qu’aux vices de fond, l’amène à retravailler ses idées dans un style plus accessible et séduisant. Cette épreuve de l’incompréhension publique développe sa réflexion sur les conditions sociales de la réception philosophique et l’importance de la rhétorique dans la persuasion.

Carrière d’essayiste et succès littéraire

Sa reconversion vers l’essai moral et politique, inaugurée par les Essays Moral and Political (1741-1742), révèle un styliste de génie capable d’habiller ses analyses profondes des grâces de la conversation mondaine. Ce nouveau genre, inspiré des moralistes français et adapté au goût britannique, lui vaut enfin la reconnaissance publique et le succès de librairie. Cette réussite littéraire révèle un philosophe soucieux de communication qui adapte sa méthode aux exigences de son époque.

Candidatures universitaires et exclusion académique

Ses échecs répétés pour obtenir les chaires d’Édimbourg (1744) et de Glasgow (1751), dus à l’opposition du clergé presbytérien qui dénonce son scepticisme religieux, révèlent les limites de la tolérance académique écossaise. Cette exclusion, qui le prive de la tribune universitaire mais lui évite les contraintes de l’orthodoxie, oriente sa carrière vers les lettres et la diplomatie. Cette marginalisation intellectuelle développe son indépendance d’esprit et sa critique des institutions établies.

Enquêtes et reformulation de sa philosophie

Ses Enquêtes sur l’entendement humain (1748) et sur les principes de la morale (1751), versions remaniées et allégées du Traité, révèlent un pédagogue soucieux de faire comprendre ses découvertes au public cultivé. Cette reformulation, qui privilégie la clarté sur l’exhaustivité, développe particulièrement sa critique du miracle et sa philosophie naturelle de la religion. L’Enquête sur l’entendement, qui contient l’argument célèbre contre les miracles, influence durablement la critique biblique et l’historiographie moderne.

Scepticisme religieux et philosophie naturelle

Sa critique de la religion révélée, développée dans les Dialogues sur la religion naturelle (publiés posthumes en 1779), démonte méthodiquement les arguments traditionnels pour l’existence de Dieu. Cette déconstruction, menée avec une ironie socratique qui masque sa radicalité, révèle un athéisme pratique dissimulé sous les précautions rhétoriques. Sa philosophie naturelle de la religion, qui explique les croyances religieuses par les passions humaines plutôt que par la révélation divine, anticipe l’anthropologie religieuse moderne.

Carrière d’historien et succès européen

Sa monumentale Histoire d’Angleterre (1754-1762), qui couvre la période des Tudors aux Stuarts, révèle un historien philosophe qui applique sa méthode empiriste à l’analyse du passé national. Cette œuvre, qui privilégie l’histoire des mœurs sur l’histoire événementielle, influence la naissance de l’histoire sociale et culturelle. Son succès européen, qui fait de lui le premier best-seller écossais, consacre sa réputation d’homme de lettres et lui assure l’indépendance financière.

Secrétaire d’ambassade à Paris

Son séjour parisien (1763-1766) comme secrétaire de l’ambassadeur britannique le met en contact avec l’élite intellectuelle française qui le reçoit comme un oracle de la philosophie moderne. Sa correspondance avec les encyclopédistes révèle un homme de goût et d’esprit qui charme les salons par sa bonhomie et sa conversation. Cette reconnaissance française, qui contraste avec l’hostilité britannique, révèle l’universalité européenne de sa pensée.

Relation avec Rousseau et rupture

Sa protection de Jean-Jacques Rousseau, qu’il accueille en Angleterre en 1766, tourne au drame personnel quand le Genevois, en proie à ses obsessions paranoïaques, l’accuse publiquement de complot. Cette rupture, qui affecte profondément Hume et révèle les limites de sa bienveillance, illustre l’opposition entre deux tempéraments philosophiques : le sceptique sociable et le dogmatique solitaire. Cette affaire, qui passionne l’Europe intellectuelle, révèle les tensions personnelles derrière les divergences doctrinales.

Dernières années et sérénité philosophique

Ses dernières années édimbourgoises, consacrées à la révision de ses œuvres et à l’approfondissement de sa philosophie morale, révèlent un sage apaisé qui a trouvé dans l’acceptation sceptique une forme de sagesse pratique. Sa correspondance tardive témoigne d’un homme réconcilié avec les limites de la condition humaine et capable de jouir des plaisirs simples de l’amitié et de la société. Cette sérénité finale, qui contraste avec les angoisses de sa jeunesse, illustre la thérapeutique du scepticisme humien.

Mort et testament philosophique

Il meurt le 25 août 1776 à Édimbourg, affrontant la mort avec la sérénité du sage antique qui refuse les consolations religieuses au profit de l’acceptation philosophique. Son testament intellectuel, la brève autobiographie My Own Life, révèle un homme satisfait de son œuvre et de sa réputation. Ses obsèques, célébrées malgré l’opposition presbytérienne, consacrent le triomphe posthume du philosophe sur ses détracteurs religieux.

Influence sur Kant et l’idéalisme allemand

Son scepticisme révolutionnaire « réveille Kant de son sommeil dogmatique » et provoque la révolution copernicienne de la philosophie critique qui domine la fin du XVIIIe siècle. Cette influence, qui transforme la métaphysique européenne, révèle la fécondité d’une critique négative capable de susciter des synthèses créatrices. L’idéalisme allemand, de Kant à Hegel, se développe largement en réaction aux défis posés par l’empirisme humien.

Postérité et philosophie contemporaine

Son influence irrigue toute la philosophie contemporaine par sa critique de la causalité, sa théorie des passions et son scepticisme méthodique. L’épistémologie moderne, de Mill à Popper, se nourrit de ses analyses de l’induction et de la probabilité. Sa psychologie morale influence l’éthique contemporaine par sa critique de la motivation rationnelle et sa valorisation des sentiments moraux.

Hume demeure le grand sceptique de la tradition philosophique occidentale, penseur qui révèle les limites de la raison humaine sans sombrer dans le nihilisme mais en fondant une sagesse pratique sur l’acceptation de nos limites cognitives. Son génie réside dans cette capacité exceptionnelle à mener la critique jusqu’à ses dernières conséquences tout en préservant la possibilité de vivre et d’agir dans l’incertitude. Il incarne l’idéal du philosophe moderne qui unit rigueur analytique et sagesse existentielle dans une vision équilibrée de la condition humaine.

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