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Structure
  1. En raccourci
  2. Origines aristocratiques et formation précoce
    1. Un héritage politique prestigieux
    2. L’éducation lockéenne
    3. Le Grand Tour et l’éveil esthétique
  3. Premières années d’engagement public
    1. Entrée au Parlement et convictions whigs
    2. Séjours hollandais et rencontres intellectuelles
    3. Accession au titre et retrait de la vie publique
  4. Maturation philosophique et œuvre majeure
    1. Première publication et influence platonicienne
    2. Les années créatrices
    3. Publication des Characteristics
  5. Théorie du sens moral et philosophie éthique
    1. Critique de l’égoïsme hobbesien
    2. Le sens moral
    3. Harmonie entre vertu et intérêt
  6. Esthétique et beauté morale
    1. Unité de l’éthique et de l’esthétique
    2. Théologie esthétique
  7. Dernières années et synthèses finales
    1. Mariage et paternité
    2. Exil volontaire à Naples
    3. Mort et héritage immédiat
  8. Réception et postérité intellectuelle
    1. Succès européen et débats théologiques
    2. Influence en Allemagne et romantisme
    3. Fondation de la théorie du sens moral
    4. Influence littéraire et culturelle
  9. Une philosophie de l’harmonie et de la totalité
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Image fictive d'Anthony Ashley-Cooper, 3ᵉ comte de Shaftesbury, qui ne représente pas réellement le philosophe anglais
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Anthony Ashley-Cooper, 3ᵉ comte de Shaftesbury (1671–1713) : philosophe du sens moral et de l’harmonie universelle

  • 14/11/2025
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OrigineAngleterre
Importance★★★★
CourantsPlatonisme, Déisme, Philosophie morale
ThèmesSens moral, Harmonie universelle, Vertu désintéressée, Beauté morale, Théologie naturelle

Philosophe anglais, moraliste et penseur politique, Shaftesbury incarne une transition majeure entre l’héritage platonicien et les Lumières naissantes. Fondateur de la théorie du sens moral, défenseur d’une éthique de l’harmonie et promoteur d’une esthétique intégrée à la réflexion morale, il exerce une influence décisive sur le développement de la philosophie britannique et européenne du XVIIIᵉ siècle.

En raccourci

Né dans une famille whig prestigieuse, Anthony Ashley-Cooper reçoit de John Locke une éducation novatrice qui fait de lui, dès onze ans, un helléniste accompli. Formé aux classiques grecs et latins, nourri de pensée stoïcienne et platonicienne, il développe une philosophie optimiste de la nature humaine qui s’oppose frontalement au pessimisme de Hobbes.

Contraint par une santé fragile d’abandonner une carrière politique prometteuse, il consacre sa vie à l’étude et à l’écriture. Entre 1705 et 1710, il compose l’essentiel de son œuvre philosophique, rassemblée en 1711 dans les Characteristicks of Men, Manners, Opinions, Times. Dans cet ouvrage majeur, il affirme l’existence d’un sens moral inné qui permet à l’homme de distinguer le bien du mal par une appréhension immédiate, analogue au jugement esthétique.

Pour Shaftesbury, l’univers forme un système harmonieux ordonné par une intelligence divine bienveillante. La vertu consiste à participer consciemment à cette harmonie en cultivant des affections naturelles tournées vers le bien commun. Beauté morale et beauté esthétique se rejoignent dans une vision où l’appréciation du beau et du bon procède d’une même faculté.

Mort à quarante-deux ans à Naples où il cherchait un climat plus favorable, il laisse une œuvre qui influence profondément Hutcheson, Hume, Adam Smith en Angleterre, ainsi que Leibniz, Lessing, Mendelssohn et Herder en Allemagne. Penseur du lien entre éthique et esthétique, défenseur de la tolérance religieuse et théoricien de la bienveillance universelle, Shaftesbury marque durablement l’histoire de la philosophie morale et de l’esthétique modernes.

Origines aristocratiques et formation précoce

Un héritage politique prestigieux

Anthony Ashley-Cooper naît le 26 février 1671 à Exeter House, à Londres. Fils aîné d’Anthony Ashley-Cooper, futur deuxième comte de Shaftesbury, et de Lady Dorothy Manners, fille du huitième comte de Rutland, il appartient à l’une des grandes familles aristocratiques d’Angleterre. Son grand-père paternel, le premier comte de Shaftesbury, figure parmi les hommes d’État les plus influents de son temps. Fondateur du parti whig, défenseur des libertés parlementaires et opposant résolu à l’absolutisme royal, le premier comte incarne les valeurs politiques qui marqueront profondément son petit-fils.

Le contexte familial de l’enfance d’Anthony s’avère néanmoins complexe. Son père souffre d’une santé précaire et d’une incapacité progressive qui l’éloigne des affaires familiales. Des tensions conjugales marquent également le foyer parental. À l’âge de trois ans, Anthony est confié à la garde de son grand-père, qui prend en charge son éducation avec une attention toute particulière. Dès lors, l’enfant grandit sous l’influence directe du premier comte, figure paternelle et mentor intellectuel dont l’empreinte demeurera indélébile.

L’éducation lockéenne

Pour superviser l’instruction du jeune Anthony, le premier comte fait appel à John Locke, médecin de la famille et philosophe en devenant. Locke, qui a assisté à l’accouchement de la mère d’Anthony, élabore pour lui un programme éducatif fondé sur les principes qu’il développera plus tard dans Quelques pensées sur l’éducation (1693). Confiant l’enseignement quotidien à Elizabeth Birch, préceptrice maîtrisant parfaitement le latin et le grec, Locke conçoit une méthode d’apprentissage conversationnel des langues anciennes.

Les résultats dépassent les espérances. À onze ans, Anthony lit couramment le latin et le grec, s’immergeant dans les textes de Platon, des stoïciens et de Marc Aurèle. Cette maîtrise précoce des classiques façonne durablement sa pensée, lui offrant un accès direct aux sources de la philosophie antique qui nourrira toute son œuvre. L’empreinte stoïcienne, en particulier, se révèle déterminante dans l’élaboration de sa conception de la vertu et de l’harmonie cosmique.

À la mort de son grand-père en 1683, Anthony, alors âgé de douze ans, entre au Winchester College. L’adolescent y subit les brimades liées à l’affiliation whig de sa famille dans une institution dominée par les sympathies tories. Après trois années difficiles, il obtient de son père l’autorisation d’entreprendre le Grand Tour traditionnel des jeunes aristocrates britanniques.

Le Grand Tour et l’éveil esthétique

Entre 1686 et 1689, accompagné de tuteurs, Anthony parcourt l’Europe continentale. En France, aux Pays-Bas, en Italie, en Allemagne, en Autriche et en Suisse, il perfectionne son français et développe une sensibilité esthétique raffinée. À Paris, puis surtout en Italie, il s’absorbe dans l’étude de l’art et de l’architecture. Les ruines romaines l’attirent particulièrement, nourrissant sa réflexion sur la beauté et l’ordre harmonieux qui sous-tend les productions artistiques.

Lors de son passage aux Pays-Bas, il rend visite à John Locke, alors en exil à Rotterdam. Ces retrouvailles permettent des échanges philosophiques qui, bien que cordiales, laissent déjà pressentir les divergences intellectuelles futures. Au retour de son Grand Tour en 1689, Anthony, tout juste dix-huit ans, assume la gestion des domaines familiaux tandis que son père, de plus en plus diminué, se retire des affaires. Locke demeure un conseiller précieux dans ces responsabilités nouvelles, guidant le jeune homme dans l’administration de ses biens et dans ses premières réflexions philosophiques.

Premières années d’engagement public

Entrée au Parlement et convictions whigs

Membre de la Chambre des communes dès 1695 en tant que Lord Ashley, il siège pour le bourg de Poole. Fervent défenseur des causes whigs, il milite inlassablement pour la protection des libertés individuelles et les garanties légales accordées aux accusés. Ses interventions reflètent l’héritage politique de son grand-père et témoignent d’une préoccupation constante pour les droits fondamentaux des citoyens.

Toutefois, sa santé fragile entrave ses ambitions politiques. Souffrant d’asthme chronique, aggravé par l’air pollué de Londres et les longues heures passées dans les salles de débat enfumées, il doit renoncer à se représenter aux élections de 1698. Après la mort de sa mère en juin de cette année-là, il part pour les Pays-Bas où il séjourne principalement à Rotterdam, chez son ami Benjamin Furly, riche marchand quaker chez qui Locke avait lui-même résidé pendant son exil.

Séjours hollandais et rencontres intellectuelles

À Rotterdam, entre 1698 et 1699, puis à nouveau entre 1703 et 1704, Ashley trouve un environnement intellectuel stimulant. Il fait la connaissance de Pierre Bayle, philosophe sceptique et défenseur de la tolérance, de Jean Le Clerc, érudit et théologien, et de Philipp van Limborch, figure du courant arminien. Dans ce milieu cosmopolite et libéral, les conversations philosophiques sur la morale, la politique, la religion et les sciences se déploient avec une liberté alors rare en Europe.

Au cours de cette période, John Toland, penseur déiste et libre penseur controversé, publie sans autorisation en 1699 une version préliminaire de l’Enquête sur la vertu. Shaftesbury désavoue publiquement cette édition non autorisée, jugée imparfaite et prématurée. L’incident refroidit leurs relations, même si Toland continue de se réclamer de Shaftesbury et publiera plus tard, en 1721, une correspondance entre Shaftesbury et Robert Molesworth, homme d’État irlandais proche des milieux whigs et libre penseur notoire.

Accession au titre et retrait de la vie publique

Le 2 novembre 1699, à la mort de son père, Anthony devient le troisième comte de Shaftesbury et siège à la Chambre des lords. Participant activement aux débats lors des élections de janvier et novembre 1701, il soutient les positions whigs avec constance. Le roi Guillaume III aurait même envisagé de lui offrir un poste de secrétaire d’État, mais Shaftesbury décline en raison de son état de santé défaillant. Le seul poste officiel qu’il occupe est celui de vice-amiral du Dorset, fonction honorifique dont il sera d’ailleurs privé en 1702, au début du règne de la reine Anne.

Dès lors, Shaftesbury se retire progressivement de la scène politique. Entre 1699 et 1709, il vit à Chelsea, dans le sud de Londres, puis s’installe à Reigate, dans le Surrey, en quête d’un air plus salubre. Libéré des contraintes parlementaires, il consacre l’essentiel de son temps à l’étude, à la correspondance avec les savants européens et à la rédaction de ses œuvres philosophiques. Locke reste un ami et un correspondant fidèle jusqu’à sa mort en 1704. Shaftesbury entretient également des relations suivies avec Pierre Des Maizeaux, érudit huguenot exilé à Londres, ainsi qu’avec d’autres figures intellectuelles de l’époque.

Maturation philosophique et œuvre majeure

Première publication et influence platonicienne

La première intervention publique de Shaftesbury en tant qu’auteur intervient en 1698. Il rédige une préface anonyme pour une édition des sermons de Benjamin Whichcote, figure de proue des platoniciens de Cambridge. Dans ce texte inaugural, il loue la bonté naturelle de l’homme défendue par Whichcote et propose son optimisme moral comme antidote à l’égoïsme hobbesien et au pessimisme théologique des supralapsaires.

Les platoniciens de Cambridge, groupe de penseurs anglais du milieu du XVIIᵉ siècle incluant, outre Whichcote, Ralph Cudworth, Henry More et John Smith, défendent une synthèse entre raison et foi, entre philosophie platonicienne et christianisme. Opposés au volontarisme de Hobbes et soucieux d’affirmer l’objectivité de la morale contre les théories du commandement divin, ils insistent sur la liberté de la volonté et sur l’existence de principes moraux inscrits dans la nature même de l’esprit humain. Shaftesbury s’inscrit dans leur sillage, reprenant à son compte leur confiance en la raison et leur vision d’un ordre moral naturel.

Les années créatrices

Entre 1705 et 1710, Shaftesbury compose l’essentiel de son corpus philosophique. Il produit alors une série de traités qui deviendront les pièces maîtresses de son œuvre : une version révisée de l’Enquête sur la vertu ou le mérite, Les Moralistes : une rhapsodie philosophique, Lettre sur l’enthousiasme, Sensus Communis : essai sur la liberté de l’esprit et de l’humour, et Soliloque ou conseils à un auteur. Chacun de ces textes explore sous des formes variées les questions morales, esthétiques, religieuses et culturelles qui occupent sa pensée.

Refusant la sécheresse des traités scolastiques et la lourdeur analytique qu’il reproche à Descartes et à Locke, Shaftesbury adopte des styles littéraires multiples. Lettres, dialogues, soliloque, essais, commentaires réflexifs se succèdent pour maintenir l’intérêt du lecteur cultivé auquel il s’adresse. Sa conception de la philosophie est éminemment pratique. Loin de se cantonner aux débats métaphysiques ou épistémologiques, elle vise à aider les individus à devenir meilleurs, plus vertueux, plus harmonieux. La philosophie, selon lui, doit être maîtrise de la vie et des mœurs, art de vivre en accord avec la raison et la nature.

Publication des Characteristics

En 1711, Shaftesbury rassemble ses écrits mûrs dans un ouvrage en trois volumes intitulé Characteristicks of Men, Manners, Opinions, Times. Publié anonymement, le recueil connaît un succès immédiat. Le premier volume s’ouvre sur la Lettre sur l’enthousiasme, plaidoyer pour la tolérance religieuse qui défend l’usage du ridicule et de l’esprit critique face aux exaltations sectaires. Suivent Sensus Communis, qui examine la liberté de l’esprit et le rôle de l’humour dans les débats publics, et Soliloque, manuel pour l’écrivain désireux de se connaître et de réguler ses passions par l’auto-examen.

Le deuxième volume présente l’Enquête sur la vertu ou le mérite, traité systématique où Shaftesbury expose sa théorie du sens moral, et Les Moralistes, dialogue philosophique ambitieux qui déploie une théologie naturelle. Dans ce dernier texte, Shaftesbury affirme que l’univers manifeste l’intelligence divine par son ordre harmonieux. Dieu, caractérisé par une bienveillance universelle, gouverne moralement le cosmos. L’homme, partie intégrante de ce système, trouve son accomplissement en identifiant ses affections au bien de l’ensemble.

Le troisième volume, intitulé Réflexions diverses, rassemble des commentaires et notes réflexives sur les traités précédents. Shaftesbury y clarifie ses intentions, répond aux objections anticipées et développe certains aspects de sa pensée. La structure même de l’ouvrage, avec ses multiples voix et perspectives, incarne son idéal de dialogue intersubjectif et de raisonnement communautaire. Chaque texte ne présente pas directement la voix de Shaftesbury ; c’est leur harmonie d’ensemble qui fait émerger sa philosophie.

Théorie du sens moral et philosophie éthique

Critique de l’égoïsme hobbesien

Au cœur de l’entreprise philosophique de Shaftesbury se trouve une opposition résolue à Thomas Hobbes. Pour Hobbes, l’homme naturel est mû exclusivement par l’intérêt personnel, et la vie sociale repose sur un calcul rationnel visant à éviter la guerre de tous contre tous. Shaftesbury juge cette vision unilatérale et fausse. Les êtres humains, affirme-t-il, ne sont pas réductibles à des agents égoïstes. Ils possèdent des sentiments naturels de bienveillance, de générosité, de sympathie et de gratitude qui les portent spontanément vers autrui.

Bien que Locke ait été son éducateur et demeure un ami, Shaftesbury prend également ses distances avec certains aspects de la philosophie lockéenne. Il reproche à Locke son rejet de l’innéisme et sa théorie du commandement divin en morale. Selon Locke, la distinction morale dépend de la volonté arbitraire de Dieu révélée par l’Écriture. Pour Shaftesbury, au contraire, la morale possède un fondement objectif inscrit dans la nature même des choses et accessible à la raison humaine. Les affections morales ne procèdent ni de calculs égoïstes ni de commandements divins externes, mais d’une disposition naturelle à apprécier l’ordre et l’harmonie.

Le sens moral

Shaftesbury introduit le concept de sens moral, faculté par laquelle l’homme perçoit immédiatement la valeur morale des actions et des affections. Tout comme nous éprouvons directement la beauté d’un paysage ou d’une œuvre d’art sans raisonnement discursif préalable, nous ressentons l’approbation ou la désapprobation face aux actions vertueuses ou vicieuses. Le sens moral désigne cette capacité réflexive de former des affections de second ordre à l’égard de nos affections de premier ordre. Lorsque nous éprouvons de la bienveillance, le sens moral nous fait apprécier cette bienveillance elle-même, générant un sentiment de plaisir et d’approbation.

Les affections se divisent en trois catégories. Les affections naturelles sont tournées vers le bien d’autrui et de la société. Elles incluent la bienveillance, la compassion, l’amitié et l’amour parental. Les affections égoïstes concernent le bien propre de l’individu. Elles ne sont pas mauvaises en soi, mais doivent rester subordonnées aux affections naturelles. Enfin, les affections contre-nature nuisent au bien général sans profiter véritablement à l’individu. Elles procèdent de passions destructrices comme la cruauté gratuite ou la malveillance. Un être vertueux possède des affections naturelles fortes, des affections égoïstes modérées et aucune affection contre-nature.

Harmonie entre vertu et intérêt

Shaftesbury défend l’idée d’une coïncidence entre la vertu et l’intérêt véritable de l’individu. L’homme vertueux, en cultivant ses affections naturelles et en participant consciemment à l’harmonie universelle, accède aux plaisirs mentaux les plus élevés et les plus durables. Les plaisirs sensibles, fugaces et souvent trompeurs, ne sauraient rivaliser avec la satisfaction intérieure qui accompagne la pratique de la vertu. Celui qui développe ses capacités morales et esthétiques jouit d’une vie heureuse et harmonieuse.

Cette thèse soulève une difficulté. Si la vertu coïncide avec l’intérêt, n’implique-t-elle pas une motivation égoïste, contredisant l’idée d’une bienveillance désintéressée ? Shaftesbury répond en distinguant le motif de l’action et ses conséquences. L’agent véritablement vertueux agit par affection naturelle pour le bien commun, non par calcul de son propre bonheur. Cependant, parce que la nature humaine est ainsi faite qu’exercer les affections naturelles procure du plaisir, il s’avère que la vertu mène au bonheur. La vertu est sa propre récompense, mais cette récompense survient naturellement, sans que l’agent ne la vise directement.

Esthétique et beauté morale

Unité de l’éthique et de l’esthétique

L’originalité majeure de Shaftesbury réside dans son rapprochement systématique de l’éthique et de l’esthétique. Beauté morale et beauté sensible relèvent d’une même faculté d’appréciation. Le jugement esthétique et le jugement moral procèdent tous deux de la reconnaissance d’un ordre harmonieux. Lorsque nous admirons la symétrie d’un édifice ou l’équilibre d’une composition musicale, nous percevons l’accord des parties avec le tout. De même, lorsque nous approuvons une action vertueuse, nous apprécions l’harmonie entre les affections de l’agent et le bien général de l’humanité.

Shaftesbury parle de goût moral et de beauté morale. Tout comme le goût esthétique se cultive par l’éducation et l’exposition à des œuvres excellentes, le goût moral se raffine par la réflexion et la fréquentation d’exemples vertueux. Former le jugement moral revient à éduquer la sensibilité, à affiner la capacité de discerner les proportions justes et les harmonies véritables. L’homme de goût, en art comme en morale, perçoit les nuances, distingue l’authentique du factice, préfère la simplicité noble à l’affectation.

Théologie esthétique

L’univers entier témoigne, selon Shaftesbury, de l’intelligence créatrice divine. L’ordre naturel, avec ses lois régulières et ses systèmes emboîtés, manifeste une beauté objective. Contempler la nature, c’est percevoir l’œuvre d’un artiste suprême dont la bienveillance s’exprime dans l’harmonie cosmique. La religion vraie ne repose ni sur la révélation scripturaire ni sur la crainte des châtiments, mais sur l’appréciation rationnelle et sensible de cette beauté universelle. Dieu n’est pas un législateur arbitraire imposant des commandements par sa seule volonté, mais la source de l’ordre rationnel et esthétique du monde.

Les exaltations religieuses sectaires, que Shaftesbury nomme enthousiasme, menacent cette religion raisonnable. Dans sa Lettre sur l’enthousiasme, il plaide pour la tolérance et recommande l’usage de l’humour et du ridicule contre les superstitions et les excès fanatiques. Le ridicule, loin d’être une méthode frivole, constitue un test de vérité. Ce qui ne résiste pas à l’examen critique et à l’ironie bienveillante révèle sa faiblesse. Cependant, Shaftesbury ne prône pas la moquerie cruelle, mais un esprit de libre examen qui distingue l’essentiel du superflu et préserve la dignité de la recherche religieuse sincère.

Dernières années et synthèses finales

Mariage et paternité

En août 1709, à près de trente-huit ans, Shaftesbury épouse Jane Ewer, fille de Thomas Ewer de Bushey Hall, dans le Hertfordshire. Le mariage semble avoir été contracté davantage par souci de perpétuer le titre familial que par inclination personnelle. Shaftesbury, dont les lettres laissent peu transparaître de sentiments romantiques, considère l’union conjugale avec une certaine réserve philosophique. Néanmoins, le couple mène une vie harmonieuse, et Jane se révèle une compagne dévouée face aux épreuves de santé croissantes de son époux.

Le 9 février 1711 naît leur unique enfant, un fils prénommé Anthony Ashley-Cooper, futur quatrième comte de Shaftesbury. Le père, bien que ravi de cette descendance, se trouve déjà diminué par la maladie. Ses forces déclinent rapidement, et il réalise que le temps lui est compté. Dès lors, il redouble d’efforts pour achever et polir son œuvre philosophique, afin de laisser un héritage intellectuel durable à son fils et à la postérité.

Exil volontaire à Naples

À l’automne 1711, accompagné de Lady Shaftesbury et de leurs serviteurs, le comte quitte l’Angleterre pour l’Italie. Il s’établit à Naples, dans le quartier de Chiaia, espérant que le climat méditerranéen atténuera son asthme et prolongera sa vie. Loin d’être un repos oisif, ce séjour napolitain demeure intensément créatif. Shaftesbury travaille à la révision de ses Characteristicks pour une deuxième édition et entame la rédaction des Second Characters, réflexions sur l’art et les formes visuelles qu’il ne parviendra pas à achever.

À Naples, il fréquente les érudits et les artistes locaux, s’immergeant dans les discussions sur les médailles antiques, les peintures et les antiquités. Il rédige notamment A Notion of the Historical Draught or Tablature of the Judgment of Hercules, traité esthétique consacré à la peinture d’histoire. Dans ce texte, il analyse la manière dont les artistes peuvent représenter les vertus et les vices en respectant les principes d’harmonie et de proportion. Shaftesbury y développe sa conviction que l’art doit édifier moralement le spectateur en donnant à voir des formes nobles et équilibrées.

Mort et héritage immédiat

Les derniers mois de sa vie sont assombris par l’évolution politique en Angleterre. Les préparatifs du traité d’Utrecht, perçu comme une trahison des alliés britanniques par un gouvernement tory, affligent profondément Shaftesbury. Affaibli par sa maladie respiratoire, il perd progressivement la force d’écrire et doit dicter ses lettres. Le 15 février 1713, Anthony Ashley-Cooper, troisième comte de Shaftesbury, s’éteint à Naples, à l’âge de quarante et un ans. Son corps est rapatrié en Angleterre et inhumé dans le caveau familial à Wimborne St Giles, dans le Dorset.

Son fils, le quatrième comte, ne connaîtra jamais véritablement son père, mais perpétuera sa mémoire en publiant en 1714 la deuxième édition corrigée des Characteristicks, puis une troisième édition enrichie en 1732. À travers ces rééditions successives, l’œuvre de Shaftesbury continue de circuler et d’exercer son influence croissante.

Réception et postérité intellectuelle

Succès européen et débats théologiques

Dès sa parution, les Characteristicks suscitent un engouement considérable. En Angleterre, l’ouvrage est salué par Jean Le Clerc et trouve rapidement un lectorat parmi les libres penseurs. Gottfried Wilhelm Leibniz accueille favorablement la philosophie de Shaftesbury, y voyant une alliance féconde entre raison et religion. Toutefois, les milieux ecclésiastiques conservateurs regardent Shaftesbury avec méfiance, le rangeant parmi les déistes, ces penseurs qui affirment l’existence de Dieu sur des bases rationnelles tout en rejetant la révélation surnaturelle et les dogmes chrétiens traditionnels.

En France, Voltaire et Diderot lisent attentivement Shaftesbury. Diderot adapte même l’Enquête sur la vertu en 1745 sous le titre Essai sur le mérite et la vertu. Rousseau puise dans les Characteristicks des arguments pour défendre la bonté naturelle de l’homme contre les théories du péché originel. Une traduction complète des œuvres de Shaftesbury paraît en français à Genève en 1769, assurant la diffusion de ses idées dans l’espace francophone.

Influence en Allemagne et romantisme

L’impact de Shaftesbury atteint son apogée en Allemagne. Des traductions partielles commencent dès 1738, et une traduction intégrale des Characteristicks voit le jour entre 1776 et 1779. Moses Mendelssohn, Gotthold Ephraim Lessing, Christoph Martin Wieland, Johann Gottfried Herder et Wilhelm von Humboldt s’inspirent tous de Shaftesbury. Lessing trouve chez lui une défense du sentiment religieux contre le rationalisme desséché. Herder reprend les arguments shaftesburiens en faveur du respect de l’individualité et contre l’imposition de systèmes philosophiques universels.

Le concept d’enthousiasme, tel que Shaftesbury le redéfinit positivement en tant que capacité intuitive de saisir l’harmonie et la beauté, préfigure l’idée romantique de l’imagination créatrice. Les philosophes et poètes allemands de la fin du XVIIIᵉ siècle et du début du XIXᵉ siècle voient en Shaftesbury un précurseur du mouvement romantique. Sa valorisation de l’intuition, de l’esthétique et de l’unité organique entre l’homme et la nature trouve un écho puissant dans la Naturphilosophie et les œuvres de Goethe, Schiller et Novalis.

Fondation de la théorie du sens moral

En Angleterre et en Écosse, Shaftesbury fonde une tradition philosophique durable. Francis Hutcheson reprend et systématise la théorie du sens moral, affirmant que la moralité repose sur un sentiment immédiat et désintéressé d’approbation envers les actions bienveillantes. David Hume, tout en critiquant certains aspects de Shaftesbury, s’inscrit dans cette lignée sentimentaliste en plaçant les émotions au fondement de la morale. Adam Smith, dans sa Théorie des sentiments moraux (1759), développe une analyse sophistiquée du jugement moral en s’appuyant sur la notion de sympathie, héritière directe des affections naturelles shaftesburiennes.

Joseph Butler, évêque et philosophe moral, intègre le sens moral dans une réflexion sur la conscience en tant que principe directeur de l’action. Thomas Reid et l’école écossaise du sens commun reconnaissent leur dette envers Shaftesbury pour avoir établi l’existence de principes moraux intuitifs. Même Immanuel Kant, bien qu’il critique le sentimentalisme moral au profit d’une éthique déontologique fondée sur la raison pure, reconnaît l’importance de Shaftesbury, Hutcheson et Hume pour avoir exploré les fondements affectifs de la moralité.

Influence littéraire et culturelle

Au-delà de la philosophie stricto sensu, Shaftesbury marque profondément la culture littéraire et artistique du XVIIIᵉ siècle. Alexander Pope s’inspire des Moralistes dans son Essai sur l’homme, poème philosophique qui célèbre l’ordre providentiel et l’harmonie universelle. Les idées de Shaftesbury imprègnent le roman sentimental anglais, où des personnages incarnent les vertus de bienveillance désintéressée et de sensibilité morale raffinée.

Joseph Addison et Richard Steele, fondateurs du Spectator, popularisent les notions de politesse, de goût et de conversation cultivée chères à Shaftesbury. La conception de la philosophie comme art de vivre, accessible aux honnêtes gens et non réservée aux spécialistes, s’enracine dans la culture britannique des Lumières. Le concept de politeness, mélange de raffinement moral, de courtoisie sociale et de jugement esthétique, doit beaucoup à Shaftesbury et à sa vision d’une élite éclairée capable de concilier vertu, beauté et esprit critique.

Une philosophie de l’harmonie et de la totalité

Shaftesbury élabore une philosophie systématique qui, malgré sa diversité formelle, repose sur une intuition fondamentale. L’univers forme un tout harmonieux ordonné par une intelligence divine bienveillante. Chaque partie trouve sa raison d’être dans sa contribution au bien de l’ensemble. L’homme participe à cette totalité, et sa perfection consiste à reconnaître cette appartenance et à aligner ses affections sur le bien universel. Morale, esthétique, religion et politique convergent vers une même fin : la réalisation d’une vie harmonieuse et vertueuse.

En défendant l’existence d’un sens moral naturel, Shaftesbury oppose à l’individualisme égoïste et au pessimisme anthropologique une vision optimiste de la nature humaine. Les hommes ne sont pas condamnés à la guerre perpétuelle ni soumis à des commandements divins arbitraires. Ils possèdent en eux-mêmes la capacité de discerner le bien et de s’y attacher spontanément. La vertu n’est ni contrainte externe ni calcul prudentiel, mais épanouissement naturel des affections généreuses inscrites dans la constitution humaine.

Penseur de la synthèse entre raison et sentiment, entre philosophie antique et modernité, Shaftesbury demeure une figure singulière. Aristocrate cultivé retiré des affaires publiques, il incarne une philosophie de l’harmonie qui traverse les frontières nationales et irrigue l’ensemble du siècle des Lumières. Son œuvre, malgré l’oubli relatif qu’elle connaît au XXᵉ siècle, fait l’objet d’un regain d’intérêt au XXIᵉ siècle. Les études contemporaines redécouvrent la richesse de sa pensée esthétique, la profondeur de sa réflexion morale et l’actualité de son plaidoyer pour une éthique désintéressée fondée sur l’appréciation de la beauté et de l’harmonie universelles.

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