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Structure
  1. En raccourci
  2. Origines alpines et vocation contrariée
    1. Naissance dans l’aristocratie piémontaise
    2. Formation intellectuelle précoce
    3. Rupture et exil volontaire
  3. Normandie : la révélation intellectuelle du Bec
    1. Découverte de Lanfranc et conversion monastique
    2. Entrée au monastère et progression fulgurante
  4. Prieur et abbé : l’éclosion philosophique
    1. Innovation pédagogique et pastorale
    2. Premières œuvres philosophiques majeures
    3. Le Proslogion et l’argument ontologique
  5. Archevêque de Canterbury : philosophe au pouvoir
    1. Nomination difficile et résistances
    2. Premier exil et production théologique
    3. Second exil et derniers combats
  6. Système philosophique et innovations conceptuelles
    1. Métaphysique de la participation
    2. Théorie de la vérité et de la rectitude
    3. Liberté et nécessité
  7. Méthode philosophique et style de pensée
    1. La raison au service de la foi
    2. Dialectique et contemplation
  8. Influence immédiate et réception médiévale
    1. École anselmienne et diffusion
    2. Débats et controverses
  9. Redécouverte moderne et actualité philosophique
    1. Renaissance et Réforme
    2. Philosophie analytique contemporaine
    3. Pertinence actuelle
  10. Le philosophe de la nécessité rationnelle
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Image fictive représentant un moine bénédictin médiévale en méditation philosophique – cette illustration imaginaire ne représente pas le véritable Anselme de Cantorbéry
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Anselme de Cantorbéry (1033–1109) : L’inventeur de l’argument ontologique et père de la scolastique

  • 27/10/2025
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Nom d’origineAnselmus Cantuariensis
Nom anglaisAnselm of Canterbury
OrigineAoste (Piémont) / Normandie / Angleterre
Importance★★★★★
CourantsPhilosophie chrétienne, préscolastique, augustinisme
ThèmesArgument ontologique, foi cherchant l’intelligence, théologie rationnelle, réalisme des universaux, satisfaction vicaire

Théologien-philosophe d’exception et archevêque de Canterbury, Anselme incarne la première grande synthèse entre raison philosophique et foi chrétienne, ouvrant la voie à la scolastique médiévale.

En raccourci

Né en 1033 à Aoste dans une famille noble du Piémont, Anselme traverse les Alpes à vingt-trois ans pour rejoindre l’abbaye du Bec en Normandie, attirée par la renommée de Lanfranc. Devenu moine, puis prieur et abbé, il développe une méthode philosophique révolutionnaire : démontrer les vérités de la foi par la seule raison. Son Monologion explore l’essence divine par argumentation rationnelle, tandis que le Proslogion présente la célèbre preuve ontologique de l’existence de Dieu – Dieu comme « ce dont on ne peut rien concevoir de plus grand ». Nommé archevêque de Canterbury en 1093, il défend l’indépendance de l’Église face aux rois Guillaume le Roux et Henri Ier, subissant deux exils pour ses principes. Ses traités sur l’Incarnation et la Rédemption fondent la théologie scolastique, notamment sa théorie de la satisfaction qui influencera des siècles de doctrine chrétienne. Philosophe de la nécessité rationnelle autant que mystique de la contemplation divine, il réconcilie dialectique et spiritualité dans une œuvre d’une rigueur conceptuelle inégalée. Mort en 1109, canonisé en 1163 et proclamé Docteur de l’Église en 1720, il demeure le « père de la scolastique », celui qui le premier osa soumettre le mystère divin à l’examen de la raison pure.

Origines alpines et vocation contrariée

Naissance dans l’aristocratie piémontaise

En 1033, Aoste voit naître celui qui deviendra l’un des plus grands penseurs du Moyen Âge. Cette cité alpine, stratégiquement située sur la route du Grand-Saint-Bernard, appartient alors au royaume de Bourgogne. La famille d’Anselme, propriétaire terrienne de rang noble, entretient des liens avec les grandes maisons lombardes et bourguignonnes.

Son père Gondulf, lombard de caractère autoritaire et mondain, incarne les valeurs aristocratiques traditionnelles. Sa mère Ermenberge, issue d’une noble famille bourguignonne, manifeste une piété profonde qui marque durablement le jeune Anselme. Cette tension entre mondanité paternelle et spiritualité maternelle structure les premières années du futur philosophe.

Formation intellectuelle précoce

L’éducation d’Anselme suit le modèle aristocratique de l’époque, enrichi par le contexte particulier d’Aoste. La proximité des monastères alpins, notamment celui du Grand-Saint-Bernard, expose le jeune homme aux études sacrées. Il manifeste très tôt des dispositions intellectuelles exceptionnelles et une attirance pour la vie contemplative.

Vers quinze ans, Anselme demande l’admission dans un monastère local. Le refus de son père déclenche une crise spirituelle et physique : l’adolescent tombe gravement malade, traverse une période de désespoir, puis semble renoncer temporairement à sa vocation. Les années suivantes voient une alternance entre dissipation mondaine et retours à l’étude, témoignant d’un conflit intérieur profond.

Rupture et exil volontaire

La mort d’Ermenberge vers 1056 précipite la rupture avec Gondulf. Les tensions père-fils atteignent un point de non-retour, poussant Anselme à quitter définitivement Aoste. Accompagné d’un seul serviteur, il traverse les Alpes, abandonnant patrimoine et position sociale pour un avenir incertain.

Ce départ, plus qu’un simple conflit familial, manifeste un choix existentiel radical. Anselme renonce délibérément au destin aristocratique qui l’attendait – mariage avantageux, carrière militaire ou administrative – pour poursuivre sa quête intellectuelle et spirituelle. Cette rupture inaugurale préfigure les futures intransigeances du philosophe-archevêque.

Normandie : la révélation intellectuelle du Bec

Découverte de Lanfranc et conversion monastique

Après trois ans d’errance studieuse à travers la Bourgogne et la France, Anselme arrive en Normandie vers 1059. L’abbaye du Bec, fondée récemment par Herluin, attire par la réputation de Lanfranc, son prieur et maître des études. Ce juriste lombard devenu moine enseigne les arts libéraux avec une méthode révolutionnaire alliant rigueur dialectique et exégèse biblique.

Anselme trouve en Lanfranc le maître qu’il cherchait. L’enseignement du Bec dépasse la simple transmission du trivium et quadrivium : il initie à une approche rationnelle des mystères divins. Cette découverte décisive oriente définitivement Anselme vers la synthèse philosophico-théologique qui caractérisera son œuvre.

Entrée au monastère et progression fulgurante

En 1060, à vingt-sept ans, Anselme prononce ses vœux monastiques au Bec. Cette décision mûrement réfléchie – il consulte Lanfranc et Maurille, archevêque de Rouen – marque l’aboutissement de sa quête spirituelle. La vie bénédictine, avec son équilibre entre prière, étude et travail, offre le cadre idéal à son épanouissement intellectuel.

La progression d’Anselme stupéfie ses contemporains. Trois ans seulement après son entrée, il succède à Lanfranc comme prieur quand celui-ci devient abbé de Saint-Étienne de Caen (1063). Cette promotion rapide témoigne non seulement de ses qualités intellectuelles mais aussi de ses dons pédagogiques et spirituels exceptionnels.

Prieur et abbé : l’éclosion philosophique

Innovation pédagogique et pastorale

Comme prieur (1063-1078), Anselme révolutionne l’enseignement monastique. Sa méthode privilégie le dialogue sur l’autorité, la compréhension sur la mémorisation. Les Lettres de cette période révèlent un pédagogue attentif aux capacités individuelles, adaptant son enseignement à chaque disciple.

L’influence d’Anselme dépasse rapidement le Bec. Des moines affluent de toute la Normandie et d’Angleterre pour suivre son enseignement. Parmi ses disciples : Eadmer, futur biographe ; Gilbert Crispin, futur abbé de Westminster ; plusieurs futurs évêques. Cette génération formée au Bec diffusera la méthode anselmienne dans toute l’Europe occidentale.

Premières œuvres philosophiques majeures

Les années 1070 voient la rédaction des premiers traités philosophiques d’Anselme. Les dialogues De Grammatico et De Veritate explorent les fondements logiques et métaphysiques du langage et de la connaissance. Ces œuvres techniques, souvent négligées, révèlent une maîtrise exceptionnelle de la dialectique aristotélicienne.

Plus ambitieux, le Monologion (1076) entreprend de démontrer l’existence et les attributs divins par la seule raison. Cette entreprise inédite – prouver rationnellement ce que la foi enseigne – scandalise certains, enthousiasme d’autres. Anselme inaugure une méthode qui définira la scolastique : fides quaerens intellectum, la foi cherchant l’intelligence.

Le Proslogion et l’argument ontologique

Insatisfait de la multiplicité des preuves du Monologion, Anselme cherche un argument unique et décisif. Après une longue méditation, l’illumination survient : Dieu est « ce dont on ne peut concevoir rien de plus grand » (id quo maius cogitari non potest). De cette définition découle nécessairement l’existence divine : un être parfait qui n’existerait que dans l’intelligence serait moins parfait qu’un être existant réellement.

Le Proslogion (1078) développe cet argument révolutionnaire. Cette preuve a priori, partant du seul concept de Dieu pour démontrer son existence nécessaire, suscite immédiatement controverses et fascination. Gaunilon du Marmoutier objecte, Anselme répond. Le débat inauguré traverse les siècles : Descartes, Leibniz, Kant, jusqu’aux logiciens contemporains, tous se confrontent à l’argument anselmien.

Archevêque de Canterbury : philosophe au pouvoir

Nomination difficile et résistances

En 1093, après quatre ans de vacance du siège, Guillaume le Roux nomme Anselme archevêque de Canterbury. Cette désignation forcée – Anselme refuse obstinément, on doit littéralement lui imposer la crosse – révèle les tensions entre pouvoir temporel et autorité spirituelle qui marqueront son épiscopat.

L’abbé du Bec devient primat d’Angleterre à soixante ans, au sommet de sa maturité intellectuelle. Mais le contexte politique – la querelle des Investitures, l’avidité royale sur les biens ecclésiastiques – transforme le philosophe contemplatif en combattant de la liberté de l’Église. Cette mutation douloureuse témoigne de la complexité du personnage.

Premier exil et production théologique

Les conflits avec Guillaume le Roux aboutissent au premier exil d’Anselme (1097-1100). Réfugié auprès du pape Urbain II, il participe aux conciles de Bari et de Rome, défendant la procession du Saint-Esprit contre les objections grecques. Cette période d’épreuve s’avère paradoxalement féconde philosophiquement.

Durant l’exil, Anselme rédige le Cur Deus Homo (Pourquoi Dieu s’est fait homme), son œuvre théologique majeure. Cette synthèse magistrale expose la théorie de la satisfaction : l’Incarnation et la Passion répondent à une nécessité rationnelle de réparer l’offense infinie du péché. La rigueur démonstrative appliquée au mystère central du christianisme représente l’apogée de la méthode anselmienne.

Second exil et derniers combats

Le retour d’Anselme après la mort de Guillaume (1100) s’avère bref. Henri Ier, malgré ses promesses initiales, reprend les prétentions royales sur l’investiture des évêques. Le second exil (1103-1107) confirme l’intransigeance anselmienne : aucun compromis sur les principes, même au prix de l’exil.

Ces années difficiles voient la rédaction d’œuvres philosophiques importantes. *Le De Concordia explore la compatibilité entre prescience divine, prédestination et libre arbitre. Les traités sur la volonté analysent avec une finesse psychologique remarquable les mécanismes du choix moral. L’adversité politique stimule paradoxalement la créativité philosophique.

Système philosophique et innovations conceptuelles

Métaphysique de la participation

La métaphysique anselmienne développe une théorie sophistiquée de la participation. Tout être créé participe à l’Être divin selon des degrés variables de perfection. Cette hiérarchie ontologique, héritée du néoplatonisme augustinien, reçoit chez Anselme une formulation d’une rigueur conceptuelle inégalée.

L’originalité réside dans l’articulation entre transcendance divine absolue et immanence participative. Dieu reste totalement autre tout en étant intimement présent à chaque créature comme source de son être. Cette dialectique subtile évite panthéisme et déisme, maintenant la distinction créateur-créature sans séparer Dieu du monde.

Théorie de la vérité et de la rectitude

L’analyse anselmienne de la vérité dépasse la simple adéquation entre intellect et chose. La vérité devient rectitude (rectitudo*), conformité à ce qu’une chose doit être selon sa nature et sa finalité. Cette conception téléologique unifie vérité logique, ontologique et morale dans une vision cohérente.

Particulièrement novatrice, l’application au domaine éthique. La justice est rectitude de la volonté maintenue pour elle-même. Le péché devient déviation, perte de rectitude originelle. Cette géométrisation de la morale, anticipant Spinoza, offre un cadre rigoureux pour penser l’action humaine.

Liberté et nécessité

La conception anselmienne de la liberté réconcilie libre arbitre et nécessité rationnelle. La vraie liberté ne consiste pas dans l’indétermination mais dans la capacité de maintenir la rectitude. Paradoxalement, Dieu et les bienheureux, incapables de pécher, sont plus libres que les hommes terrestres.

Cette théorie influence profondément la philosophie médiévale. Thomas d’Aquin, Duns Scot, Guillaume d’Occam débattront ces questions dans le cadre conceptuel anselmien. La problématique liberté-nécessité, reformulée par Anselme, structure les débats éthiques jusqu’à l’époque moderne.

Méthode philosophique et style de pensée

La raison au service de la foi

La méthode anselmienne révolutionne l’approche des mystères chrétiens. « Fides quaerens intellectum » ne signifie pas démontrer la foi mais comprendre rationnellement ce qu’elle enseigne. La raison n’engendre pas la foi mais l’éclaire, transformant l’adhésion aveugle en intelligence lumineuse.

Cette confiance dans la raison scandalise certains contemporains. Pierre Damien dénonce ces spéculations dangereuses. Mais Anselme persiste : la raison, don divin, doit servir à contempler les vérités divines. Cette audace intellectuelle prépare l’explosion scolastique du XIIᵉ siècle.

Dialectique et contemplation

L’originalité anselmienne réside dans l’union de rigueur dialectique et élan mystique. Les démonstrations les plus techniques s’achèvent en prière, les méditations spirituelles mobilisent les ressources de la logique. Cette synthèse, rare dans l’histoire de la philosophie, produit une œuvre d’une densité exceptionnelle.

Le style reflète cette dualité. Précision terminologique extrême, enchaînements argumentatifs serrés coexistent avec envolées lyriques et invocations ferventes. Cette écriture philosophico-mystique, unique en son genre, influence durablement la tradition philosophique chrétienne.

Influence immédiate et réception médiévale

École anselmienne et diffusion

Les disciples d’Anselme diffusent sa méthode dans toute l’Europe. Eadmer transmet ses enseignements, Gilbert Crispin développe ses thèses, Honorius Augustodunensis vulgarise sa pensée. Cette première génération assure la conservation et transmission de l’héritage anselmien.

L’influence institutionnelle s’étend rapidement. Les écoles cathédrales adoptent la méthode rationnelle, préparant l’émergence des universités. Laon, Chartres, Paris deviennent centres de spéculation théologico-philosophique dans la lignée anselmienne. Le XIIᵉ siècle scolastique naît de cette impulsion initiale.

Débats et controverses

L’argument ontologique suscite débats passionnés. Abélard le critique, Thomas d’Aquin le rejette, Bonaventure le défend avec modifications. Cette controverse permanente témoigne de la vitalité de la pensée anselmienne, forçant chaque génération à se positionner.

La théorie de la satisfaction génère également discussions. Les théologiens débattent sa nécessité, sa justice, ses implications. Bernard de Clairvaux, Pierre Lombard, Alexandre de Halès reprennent et modifient le schéma anselmien. La doctrine devient centrale dans la théologie occidentale, structurant sotériologie et christologie.

Redécouverte moderne et actualité philosophique

Renaissance et Réforme

La Renaissance redécouvre Anselme au-delà des débats scolastiques. Érasme admire sa piété rationnelle, les réformateurs apprécient son indépendance face au pouvoir temporel. Paradoxalement, catholiques et protestants revendiquent son héritage, y trouvant des arguments pour leurs positions respectives.

Descartes reformule l’argument ontologique, ravivant l’intérêt pour Anselme. Les cartésiens voient en lui un précurseur du rationalisme moderne. Cette lecture anachronique, discutable historiquement, témoigne de la modernité paradoxale de la pensée anselmienne.

Philosophie analytique contemporaine

Le XXᵉ siècle voit un renouveau spectaculaire des études anselmiennes. La philosophie analytique, avec Norman Malcolm, Charles Hartshorne, Alvin Plantinga, réexamine l’argument ontologique avec les outils de la logique moderne. Les formalisations contemporaines révèlent la sophistication de l’argumentation anselmienne.

La philosophie de la religion trouve en Anselme un interlocuteur privilégié. Les débats sur rationalité de la croyance religieuse, théologie naturelle, problème du mal mobilisent concepts et arguments anselmiens. Le « théisme classique » contemporain s’enracine largement dans la tradition inaugurée par le prieur du Bec.

Pertinence actuelle

Au-delà des débats techniques, Anselme offre un modèle de pensée pertinent. Sa synthèse de rigueur rationnelle et ouverture spirituelle répond aux dissociations contemporaines. Face aux fondamentalismes religieux et aux réductionnismes scientistes, il propose une voie médiane : penser sa foi, croire intelligemment.

La méthode anselmienne inspire aussi l’éthique contemporaine. Son analyse de la liberté, de la responsabilité, de la rectitude morale offre des ressources pour penser l’action humaine. Les théories contemporaines de l’autonomie et de l’authenticité prolongent, consciemment ou non, les intuitions du philosophe médiéval.

Le philosophe de la nécessité rationnelle

Anselme de Cantorbéry incarne un moment unique dans l’histoire de la philosophie occidentale : l’audace première de soumettre le mystère divin à l’examen rationnel. Cette entreprise, téméraire pour l’époque, fonde la tradition scolastique et, au-delà, la confiance occidentale dans les pouvoirs de la raison.

Son génie réside moins dans les solutions particulières que dans la méthode inaugurée. Démontrer rationnellement les vérités de foi, chercher la nécessité logique derrière les dogmes révélés, unir spéculation et contemplation – ce programme révolutionnaire transforme définitivement le paysage intellectuel médiéval.

L’argument ontologique, création la plus célèbre d’Anselme, cristallise cette ambition. Déduire l’existence de l’essence, prouver Dieu par le seul concept – cette prétention inouïe fascine et scandalise depuis neuf siècles. Que l’argument convainque ou non, il témoigne d’une confiance absolue dans la rationalité du réel et la capacité humaine de la saisir.

Mais Anselme n’est pas seulement logicien. Sa pensée unit rigueur conceptuelle et ferveur mystique, précision dialectique et élan spirituel. Cette synthèse rare fait de lui plus qu’un philosophe ou qu’un théologien : un sage chrétien au sens plein, réconciliant dans sa personne et son œuvre les exigences apparemment contraires de la raison et de la foi.

L’héritage anselmien traverse les siècles avec une vitalité surprenante. De Thomas d’Aquin à Descartes, de Hegel aux philosophes analytiques contemporains, chaque époque redécouvre et réinterprète ses intuitions. L’argument ontologique, la théorie de la vérité-rectitude, l’analyse de la liberté continuent de nourrir la réflexion philosophique.

Au final, Anselme témoigne de la possibilité d’une pensée à la fois rigoureuse et habitée. Son exemple démontre que l’excellence philosophique n’exige pas la neutralité existentielle, que l’engagement spirituel peut stimuler plutôt qu’entraver la recherche rationnelle. Dans notre époque de spécialisations et de cloisonnements, cette leçon d’unité garde une actualité saisissante. Le moine philosophe d’Aoste nous rappelle que les plus hautes spéculations peuvent jaillir de la plus profonde intériorité, et que la raison, loin d’éteindre le mystère, peut l’illuminer de l’intérieur.

Pour aller plus loin

  • Honoré Jean-Baptiste Denain, Méditations de saint Anselme, par Honoré Jean-Baptiste Denain, la caverne du pèlerin
  • Saint Anselme de Cantorbéry, L'Oeuvre d'Anselme de Cantorbéry, tome 1: Monologion - Proslogion, cerf
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