Définition et étymologie
L’homilétique désigne l’art et la théorie de la prédication religieuse, c’est-à-dire l’ensemble des règles et des techniques relatives à la composition et à la prononciation des sermons. Le terme provient du grec ancien homilia (ὁμιλία), qui signifie « conversation », « entretien familier » ou « réunion », lui-même dérivé du verbe homilein signifiant « être en compagnie de », « converser avec ». Dans le contexte chrétien primitif, l’homilia désignait une explication familière et accessible des Écritures adressée aux fidèles, par opposition au discours doctrinal plus formel.
L’homilétique constitue une branche de la théologie pratique qui se concentre sur les aspects méthodologiques, rhétoriques et pédagogiques de la prédication. Elle englobe la structure du sermon, les techniques d’interprétation biblique appliquées à la prédication (herméneutique homilétique), les modalités de communication avec l’auditoire, ainsi que les dimensions éthiques et spirituelles du ministère de la parole. Contrairement à l’exégèse qui se concentre sur l’interprétation des textes sacrés, l’homilétique s’intéresse à leur transmission effective et persuasive auprès d’une communauté de croyants.
Usage philosophique et rhétorique
Bien que l’homilétique soit principalement un domaine théologique, elle entretient des liens étroits avec la philosophie, notamment à travers la rhétorique et la philosophie du langage. Depuis l’Antiquité, la question de l’art de persuader et de transmettre la vérité occupe une place centrale dans la réflexion philosophique. Platon, dans Phèdre, établit une distinction fondamentale entre la rhétorique sophistique qui manipule par l’apparence et la véritable rhétorique qui guide l’âme vers le vrai. Cette distinction trouve un écho dans l’homilétique chrétienne qui se donne pour mission de transmettre non pas des opinions humaines, mais la parole divine.
Aristote, avec sa Rhétorique, fournit les fondements méthodologiques dont s’inspireront ultérieurement les théoriciens de la prédication. Les trois modes de persuasion aristotéliciens – ethos (crédibilité de l’orateur), pathos (appel aux émotions de l’auditoire) et logos (argumentation rationnelle) – structurent encore aujourd’hui la réflexion homilétique. Saint Augustin, figure charnière entre philosophie antique et pensée chrétienne, élabore dans le De doctrina christiana une théorie chrétienne de la rhétorique qui pose les bases de l’homilétique médiévale et moderne. Il adapte les préceptes cicéroniens à la prédication chrétienne, insistant sur la nécessité pour le prédicateur de joindre la sagesse à l’éloquence.
L’homilétique soulève également des questions épistémologiques et herméneutiques fondamentales : comment interpréter un texte sacré ? Comment communiquer une expérience spirituelle à travers le langage ? Quelle est la nature de la compréhension dans le contexte de la foi ? Ces interrogations trouvent des prolongements chez des philosophes comme Paul Ricœur, dont les travaux sur l’herméneutique textuelle et la métaphore vive éclairent les mécanismes par lesquels le langage religieux produit du sens.
L’homilétique a dû se confronter aux critiques philosophiques de la religion, notamment celles de Feuerbach, Marx ou Nietzsche qui dénoncent le discours religieux comme aliénation ou instrument de domination. Ces critiques ont conduit à un renouvellement de la réflexion homilétique, particulièrement dans le protestantisme libéral avec des figures comme Friedrich Schleiermacher, qui élabore une théorie de la prédication tenant compte de la conscience moderne et de l’historicité de la compréhension.







