INFOS-CLÉS | |
|---|---|
| Nom d’origine | Malchus (Μάλχος) |
| Nom anglais | Porphyry |
| Origine | Tyr (Phénicie, Empire romain) |
| Importance | ★★★★ |
| Courants | Néoplatonisme |
| Thèmes | Isagoge, Arbre de Porphyre, Néoplatonisme, Critique du Christianisme |
En raccourci
Porphyre naît vers 234 à Tyr, en Phénicie. Son nom d’origine est Malchus, signifiant « roi ». Il reçoit une formation philologique et rhétorique brillante, d’abord à Tyr puis à Athènes auprès du célèbre Longin.
Vers 262, il part pour Rome. Il y rencontre le maître qui va changer sa vie : Plotin. Porphyre devient son disciple le plus dévoué et le plus important. Il systématise la pensée complexe de Plotin, qui explore l’émanation de toute réalité depuis l’Un.
Après une grave crise dépressive, Porphyre quitte Rome pour la Sicile sur les conseils de Plotin. Il y reste plusieurs années. Il revient à Rome après la mort de son maître en 270 et prend la tête de l’école néoplatonicienne.
Porphyre est un auteur prolifique. Il écrit la Vie de Plotin et, surtout, il édite les écrits de son maître sous le titre d’Ennéades, les organisant de manière thématique.
Son œuvre la plus influente est l’Isagoge, une courte introduction aux Catégories d’Aristote. Ce texte devient le manuel de base de la logique pour tout le Moyen Âge, en Occident comme dans le monde arabo-musulman. Il est aussi connu pour son traité Contre les Chrétiens, un ouvrage polémique si puissant qu’il sera brûlé par les empereurs chrétiens.
Défenseur du paganisme et d’une vie ascétique, il écrit aussi De l’abstinence, prônant le végétarisme pour des raisons éthiques. Il meurt à Rome vers 305, laissant un héritage immense comme passeur entre Platon, Plotin et la philosophie à venir.
Origines et formation
La trajectoire intellectuelle de Porphyre, marquée par une érudition sans bornes, s’enracine dans le cosmopolitisme culturel de l’Orient romain du IIIᵉ siècle.
De Malchus à Porphyre
Né vers 234 à Tyr, en Phénicie, Porphyre porte d’abord le nom sémitique de Malchus, signifiant « roi ». Cette origine phénicienne, dans une ville carrefour des cultures grecque, romaine et orientale, est déterminante. Il reçoit une éducation de premier plan. Ses biographes antiques soulignent sa maîtrise précoce de la rhétorique et de la philologie. C’est son maître Longin, à Athènes, qui lui donnera le surnom de Porphyrios (« vêtu de pourpre »), jeu de mots hellénisant sur son nom royal.
Les leçons d’Athènes
Avant de rejoindre l’Italie, Porphyre passe une période formative essentielle à Athènes. Il y suit l’enseignement de Longin, figure majeure du platonisme de l’époque, davantage reconnu comme un critique littéraire et un philologue que comme un métaphysicien profond. Longin lui transmet une rigueur textuelle et une vaste érudition.
Cette formation initiale oriente Porphyre vers l’exégèse et la critique des textes. Il y développe une approche analytique précise. Porphyre conservera toujours un respect pour Longin, même après sa conversion intellectuelle à la doctrine de Plotin.
La rencontre avec Plotin
Vers 262, âgé de près de trente ans, Porphyre se rend à Rome. Il y rencontre Plotin. Cette rencontre est le tournant de son existence. Il trouve en Plotin non seulement un maître en philosophie, mais un guide spirituel. Porphyre abandonne le platonisme érudit de Longin pour la métaphysique intense et vécue du néoplatonisme romain, centrée sur l’union mystique avec l’Un.
L’héritier de l’école néoplatonicienne
Devenu le disciple le plus proche de Plotin, Porphyre ne se contenta pas de recevoir cet enseignement ; il assuma la mission de l’organiser, de le défendre et de le pérenniser.
Le fidèle éditeur des Ennéades
Engagé corps et âme dans l’école, Porphyre devient l’interlocuteur privilégié de Plotin. Il le pousse à mettre ses cours par écrit. Plotin, réticent, finit par céder et lui confie ses manuscrits. C’est Porphyre qui, après la mort de son maître en 270, prendra en charge l’édition monumentale de ces textes. Il les classe non pas chronologiquement, mais thématiquement. Il les organise en six livres de neuf traités chacun, créant ainsi les Ennéades. Cette structuration n’est pas neutre ; elle impose un ordre de lecture pédagogique, allant du sensible à l’intelligible.
La crise et le voyage en Sicile
Pourtant, la relation intense à cette philosophie n’est pas sans péril. Porphyre raconte lui-même, dans la Vie de Plotin, avoir traversé une profonde crise psychologique marquée par des pensées suicidaires.
Plotin perçoit son état et lui conseille vivement de voyager. Porphyre part pour la Sicile vers 268. Ce séjour, qui dure plusieurs années, lui est salutaire. Il ne reverra jamais Plotin vivant. C’est en Sicile qu’il commence son œuvre personnelle, notamment son traité Contre les Chrétiens.
Le scholiaste de Rome
Après la mort de Plotin, Porphyre retourne à Rome et prend la direction de l’école. Il y enseigne jusqu’à sa propre mort, vers 305. Durant cette période, il forme des disciples importants, dont le plus célèbre sera Jamblique, qui orientera le néoplatonisme vers une voie plus théurgique et ritualiste. Porphyre se consacre à la défense du paganisme philosophique. Il rédige des commentaires sur Platon et Aristote, cherchant à démontrer leur accord fondamental, une thèse centrale du néoplatonisme.
L’architecte de la logique médiévale
L’influence de Porphyre sur l’histoire de la pensée dépasse largement le cercle néoplatonicien, grâce à un opuscule technique qui semblait mineur mais qui façonnera la philosophie occidentale.
L’Isagoge et les cinq prédicables
L’œuvre la plus célèbre de Porphyre est l’Isagoge, mot grec signifiant « Introduction ». Ce texte très court est conçu comme une introduction aux Catégories d’Aristote. Porphyre y clarifie cinq concepts fondamentaux nécessaires à la compréhension de la logique aristotélicienne. Ces concepts sont le genre, l’espèce, la différence, le propre et l’accident. Ils définissent la manière dont un prédicat peut être attribué à un sujet. L’Isagoge offre une clarification magistrale. Son succès est immédiat et immense.
L’arbre de Porphyre
Bien que l’image graphique de l’arbre soit une invention médiévale, le principe de la classification hiérarchique est au cœur de l’Isagoge. Porphyre explique comment les genres se divisent en espèces par l’ajout de différences spécifiques. On obtient une structure arborescente. Par exemple, la « Substance » se divise en corporelle et incorporelle ; la substance corporelle en animée et inanimée ; l’animée en sensible et insensible, jusqu’à l’individu, comme Socrate. L’arbre de Porphyre devient l’outil de base de toute définition et taxonomie.
La querelle des universaux
Porphyre pose dans l’Isagoge trois questions fondamentales sur le statut des genres et des espèces. Existent-ils en eux-mêmes, dans la réalité ? Sont-ils de simples concepts de l’esprit ? S’ils existent, sont-ils corporels ou incorporels ?
Porphyre, prudemment, refuse de répondre dans cette introduction, jugeant le sujet trop complexe. Mais en posant ces questions, il ouvre la voie à ce qui deviendra la querelle des universaux, débat métaphysique majeur qui opposera réalistes et nominalistes durant tout le Moyen Âge. Traduit en latin par Boèce, l’Isagoge devient le manuel de logique de base pour des siècles.
L’ascèse de l’âme et la défense du paganisme
Si son œuvre logique est la plus pérenne, l’engagement principal de Porphyre fut métaphysique et éthique, visant à guider l’âme vers sa libération du monde sensible.
Une éthique de l’abstinence
Son traité De l’abstinence, ou Sur l’abstinence de la nourriture animale, est un plaidoyer philosophique puissant en faveur du végétarisme. Porphyre n’y défend pas une simple diète. Il développe une éthique de la purification. Pour le philosophe néoplatonicien, l’âme doit se détacher du corps et des passions matérielles pour remonter vers l’Un. Manger de la viande alourdit l’âme. L’acte de tuer des animaux, êtres doués de sensibilité et d’une forme de raison, est une injustice qui souille le philosophe.
La polémique contre les chrétiens
Porphyre voit dans le christianisme une menace majeure pour la philosophie et la tradition hellénique. Son ouvrage Contre les Chrétiens, rédigé en quinze livres, est une attaque intellectuelle d’une ampleur considérable. L’œuvre est aujourd’hui perdue. Elle fut méthodiquement détruite par les empereurs chrétiens, notamment Théodose II. Nous ne la connaissons que par les fragments cités par ses détracteurs chrétiens, comme Eusèbe de Césarée ou Augustin d’Hippone. Il semble que Porphyre y utilisait sa maîtrise philologique pour attaquer la cohérence des Écritures, critiquant les contradictions de la Bible et remettant en question la divinité de Jésus avant de se consacrer à l’irrationalité de la foi.
Philosophie et religion païenne
Défendre le paganisme ne signifie pas pour Porphyre accepter naïvement tous les mythes. Il cherche, comme d’autres néoplatoniciens, à donner une interprétation allégorique des mythes anciens. Il y voit des vérités métaphysiques profondes, cachées sous une forme symbolique. Il s’intéresse aussi aux oracles, comme en témoigne sa Philosophie des oracles. Porphyre cherche à démontrer que la sagesse ancienne païenne est supérieure. Il valorise une religion philosophique, épurée, centrée sur la contemplation. Il se montre plus réservé que son disciple Jamblique sur la théurgie, les rituels magiques visant à contraindre les dieux.
Héritage et postérité
La mort de Porphyre vers 305 ne met pas fin à son influence, qui s’exerce de manière paradoxale, à la fois comme maître de la logique et comme ennemi désigné de la théologie.
Un passeur paradoxal
L’héritage de Porphyre est double. D’un côté, il est l’ennemi absolu pour les Pères de l’Église. Saint Augustin, tout en le réfutant, le prend très au sérieux et le cite abondamment, reconnaissant la force de son argumentation. L’interdiction de son Contre les Chrétiens atteste l’efficacité de sa critique. Il fut le plus redoutable adversaire intellectuel du christianisme antique.
Le maître à penser du Moyen Âge
D’un autre côté, et c’est le paradoxe de son héritage, Porphyre devient le professeur de logique de tout le Moyen Âge chrétien et musulman. L’Isagoge, séparée de son contexte anti-chrétien, est traduite en latin par Boèce au début du VIᵉ siècle. Elle devient la porte d’entrée de la Logica Vetus (la vieille logique). Les écoles médiévales apprennent à penser avec ses catégories. Les philosophes arabes, comme Al-Fârâbî et Avicenne, le commentent abondamment. Porphyre fournit ainsi les outils intellectuels à ceux-là mêmes qui combattent ses convictions religieuses.
Esprit systématique, Porphyre de Tyr a joué un rôle de consolidation essentiel. Il a donné aux intuitions métaphysiques de Plotin une forme transmissible et didactique. Il a fixé le cadre de la logique pour plus d’un millénaire. Bien que son combat pour le paganisme philosophique ait été historiquement perdu, sa contribution à l’outillage de la raison a assuré sa postérité.










