Quand la loi ne suffit plus…
Imaginez un instant le procès de Nuremberg en 1946. Sur le banc des accusés, des hauts dignitaires nazis. Leur défense ? Elle est simple, et terriblement logique : « Nous avons obéi à la loi ». En effet, les atrocités commises l’ont été en vertu de lois en vigueur dans le Troisième Reich. Les juges de Nuremberg sont alors confrontés à une question abyssale : peut-on être condamné pour avoir suivi la loi ?
En décidant de condamner les accusés, les juges ont fait un choix philosophique majeur. Ils ont affirmé qu’il existe des principes au-dessus de la loi de l’État, c’est à dire au-dessus de la légalité ; quelque chose que nous appelons la justice et que l’on pourrait qualifier de « principes fondamentaux de l’humanité ».
Cet exemple frappe, mais des questions similaires se posent régulièrement au quotidien. Une loi peut-elle tout permettre au nom de la sécurité ? L’intelligence artificielle doit-elle avoir des droits? Qu’est-ce que la « dignité humaine » invoquée pour interdire la GPA ou autoriser l’euthanasie ?
Le droit dit ce qui est, c’est à dire ce qu’est la loi en vigueur. La philosophie du droit nous demande ce qui devrait être, c’est à dire quelle serait la loi juste, mais aussi pourquoi nous obéissons, et ce que le droit signifie vraiment.
La philosophie du droit n’est pas un luxe académique pour juristes en mal de concepts, mais une nécessité vitale pour toute société qui prétend fonder son ordre sur autre chose que la pure force. C’est l’assurance de l’État de droit contre sa propre dérive.
La justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force ; et pour cela faire que ce qui est juste soit fort, ou que ce qui est fort soit juste.
Blaise Pascal, Pensées (Fragment 298, édition Brunschvicg).
Qu’est-ce que la philosophie du droit ?
Pour saisir la nécessité de cette philosophie, il faut d’abord cerner son objet. La philosophie du droit est la branche de la philosophie qui s’interroge sur les fondements, la nature, l’essence et les fins du droit.
Elle se distingue donc de la « science du droit », parfois appelée dogmatique juridique ou théorie générale du droit. En effet, la science du droit est descriptive et technique. Elle étudie le droit positif, c‘est-à-dire les règles en vigueur ici et maintenant (lex lata, « la loi telle qu’elle est posée »).
Un juriste « scientifique » expliquera comment fonctionne l’article 1240 du Code civil sur la responsabilité. Il en décrira le mécanisme. De son côté, la philosophie du droit est critique et normative. Elle s’interroge sur la valeur du droit (lex ferenda, « la loi telle qu’elle devrait être »). Un philosophe du droit demandera donc: « Sur quel principe de justice repose l’article 1240 ? Est-il juste de devoir ‘réparer’ un dommage ? Qu’est-ce qu’un dommage juste ? »
Le juriste technicien sait comment le système fonctionne. Le philosophe du droit demande pourquoi le système existe et s’il est bon.
Le grand schisme : Positivisme vs. Jusnaturalisme
Pour simplifier un débat millénaire, la philosophie du droit est traversée par une querelle principale entre deux grandes écoles de pensée. Comprendre cette querelle, c’est comprendre l’enjeu de la discipline.
Le positivisme juridique soutient que le seul droit qui existe est le droit « posé » par l’autorité humaine compétente : l’État, le Parlement… La validité d’une loi ne dépend donc pas de sa moralité, mais du fait qu’elle a été adoptée selon les bonnes procédures. Pour une figure clé comme Hans Kelsen, juriste américain d’origine autrichienne du 20ème siècle, le droit est un système pyramidal de normes où la validité est procédurale. Une loi raciste comme les lois de Nuremberg est du droit valide si elle a été votée correctement. Le mot-clé est ici la validité.
C’est l’autorité, non la vérité, qui fait la loi.
Thomas Hobbes, Léviathan (édition latine de 1668).
À l’opposé, le jusnaturalisme affirme qu’il existe un ensemble de principes de justice universels et immuables -le « droit naturel »- qui transcendent et dépassent le droit positif. Ce droit peut venir de Dieu, de la Raison (chez des philosophes tels que Locke) ou de la « nature des choses ». L’exemple classique est celui d’Antigone, qui oppose les lois non écrites des dieux à la loi du roi Créon. Pour le jusnaturaliste, une loi positive qui viole manifestement ces principes fondamentaux, par exemple, une loi qui organise un génocide, n’est pas une vraie loi. C’est l’argument de Nuremberg. Le mot-clé est la légitimité.
Il est, en effet, une loi véritable, la droite raison, conforme à la nature, universelle, immuable, éternelle, qui nous appelle à notre devoir par ses commandements, nous détourne du mal par ses défenses. […] Cette loi ne peut être ni annulée, ni abrogée ; ni le sénat, ni le peuple ne peuvent nous délier de ses obligations.
Cicéron, De re publica (De la République), Livre III, XXII.
La philosophie du droit est donc en quelque sorte l’arène où ces deux conceptions s’affrontent. Le positivisme nous met en garde contre la tyrannie du « juste », puisque qui décide ce qui est juste ? Le jusnaturalisme, lui, nous met en garde contre la tyrannie du « légal » : la loi peut-elle tout ?
Au-delà du grand schisme : les nouveaux horizons de la philosophie du droit
Si le débat entre positivisme et jusnaturalisme a structuré des siècles de réflexion juridique, la philosophie du droit contemporaine s’est largement émancipée de cette dichotomie binaire. Le réalisme juridique, né dans l’Amérique des années 1930, a bouleversé le débat en affirmant que « le droit, c’est ce que font les juges » – déplaçant l’attention des normes abstraites vers les pratiques concrètes des tribunaux et les facteurs sociologiques, psychologiques, voire les préjugés qui influencent réellement les décisions judiciaires.
La vie du droit n’a pas été la logique ; elle a été l’expérience. » (En anglais : The life of the law has not been logic: it has been experience.
Oliver Wendell Holmes Jr., The Common Law (La Common Law) (1881)
Les Critical Legal Studies, mouvement radical des années 1970 (autour de Duncan Kennedy, Roberto Unger et Catherine MacKinnon), ont quant à elles dénoncé le droit comme instrument de domination, masquant sous une apparente neutralité des rapports de pouvoir entre classes, races et genres.
À leur suite, les théories féministes du droit ont montré comment la neutralité juridique dissimule souvent un point de vue masculin sur le monde social.
Dans un autre registre, Jürgen Habermas (Théorie de l’agir communicationnel, 1981) a cherché à réconcilier droit et démocratie délibérative : le droit légitime n’est pas celui qui est imposé, mais celui qui traduit en lois les consensus issus du débat démocratique. Les normes juridiques tirent leur légitimité de la discussion publique qui les précède.
Plus récemment, l’analyse économique du droit, popularisée par Richard Posner, propose de comprendre les règles juridiques à travers le prisme de l’efficacité économique : une bonne loi serait celle qui maximise la richesse sociale globale. Ces approches, parmi d’autres (théories féministes du droit, pluralisme juridique, théorie des systèmes…), ne cherchent plus tant à savoir si le droit doit ou non incorporer la morale, mais plutôt à comprendre comment le droit fonctionne réellement dans la société, quels intérêts il sert, et comment il pourrait être transformé. Elles montrent que le droit n’est pas limité à être une question de validité ou de justice abstraite, mais que c’est un phénomène social complexe, qui touche au pouvoir, à l’économie, et aux luttes populaires.
Les questions fondamentales
La philosophie du droit est nécessaire parce qu’elle prend en charge les questions que le droit, en tant que simple technique, laisse systématiquement sans réponse.
La question de la légitimité
C’est la question fondatrice. Pourquoi un ensemble de textes produits par un Parlement devrait-il obliger les citoyens ? Le droit lui-même ne répond pas. Le Code pénal, par exemple, dit : « Si tu voles, tu auras une sanction. » Il ne dit pas : « Voici pourquoi, fondamentalement, tu dois obéir à cette interdiction. »
C’est là que la philosophie apporte des réponses. Certains, comme Hobbes, justifient l’obéissance par la peur du chaos de « l’état de nature » : la loi, même dure, est préférable à l’anarchie. D’autres, comme Locke, prolongent cette pensée en justifiant l’obéissance par la protection de nos droits naturels : vie, liberté, propriété.
Car la fin de la loi n’est pas d’abolir ou de restreindre, mais de préserver et d’accroître la liberté. […] Car là où il n’y a pas de loi, il n’y a pas de liberté.
John Locke, Second traité du gouvernement civil (Chapitre VI)
Locke formule dans cette citation le paradoxe fondateur du libéralisme politique. La loi n’est pas vue comme une simple contrainte, comme le voudrait une vision simpliste, mais comme la condition même de la liberté, car elle empêche que la liberté de l’un n’empiète sur celle de l’autre. Elle empêche l’arbitraire.
Certains, à la suite de Rousseau, y voient l’expression du « contrat social » et de la « volonté générale ».
L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté
ean-Jacques Rousseau, Du Contrat social (Livre I, Chapitre VIII)
La liberté n’est pas seulement protégée par la loi, elle est l’obéissance à la loi. C’est le concept d’autonomie (du grec auto-nomos, « se donner sa propre loi »). Dans une démocratie, le peuple est souverain ; en obéissant à la loi, on obéit à l’expression de la volonté générale, donc on n’obéit donc qu’à soi-même.
Des penseurs plus récents comme H.L.A. Hart voient dans le droit un mélange d’habitude et d’acceptation intérieure des règles du jeu par les citoyens. Sans ces justifications, le droit n’est que la loi du plus fort.
La question de la justice
Le droit est obsédé par la légalité , c’est à dire la conformité à la règle, mais la société est obsédée par la justice, c’est à dire la conformité à un idéal. La philosophie du droit est l’outil qui permet d’évaluer le contenu de la loi.
On peut ainsi s’interroger sur la justice distributive : comment répartir les richesses et les charges ? Une loi fiscale est-elle juste ? L’analyse philosophique de penseurs comme Aristote ou John Rawls fournit des grilles de lecture pour penser l’égalité, l’équité ou le mérite.
Aristote avait jeté les bases en distinguant l’égalité arithmétique (chacun la même chose) de l’égalité géométrique (chacun selon son mérite).
Au XXᵉ siècle, John Rawls a renouvelé la réflexion avec sa Théorie de la justice (1971) : une société juste est celle que des individus rationnels choisiraient derrière un « voile d’ignorance », ne sachant pas quelle position ils occuperont. Le principe de justice qui en découle favorise les plus défavorisés tout en respectant les libertés fondamentales.
Son grand contradicteur, Robert Nozick, défend dans Anarchie, État et utopie (1974) une vision libérale minimale : la justice n’est pas dans la redistribution mais dans le respect des droits acquis légitimement.
Ces deux visions — égalité équitable chez Rawls, liberté propriétaire chez Nozick — structurent encore les débats contemporains sur la justice sociale.
Rétribution ou correction
La philosophie du droit questionne la justice rétributive : pourquoi punit-on ? Est-ce pour se venger, pour dissuader (c’est la thèse de l’utilitarisme), pour réhabiliter le criminel ou pour rétablir un ordre moral comme le pense Kant ? Enfin, la philosophie explore la justice corrective : comment réparer un tort ? Faut-il seulement compenser la perte matérielle, ou aussi le préjudice moral ?
Lorsque des citoyens ou des manifestants clament qu’une loi est « injuste », ils jugent sa légalité sous l’angle de la légitimité.
La question de l’Interprétation
Les lois sont des textes. Et les textes sont, par nature, ambigus. Ils sont pleins de concepts flous tels que dignité humaine, intérêt supérieur de l’enfant, ordre public. Que fait un juge quand la loi est silencieuse, contradictoire ou vague ?
Un positiviste strict dirait que le juge possède un « pouvoir discrétionnaire » et qu’il crée du droit. Un philosophe comme Ronald Dworkin s’oppose à cette vision. Pour lui, le juge ne crée pas, il interprète. Il doit trouver la bonne réponse en cherchant les principes moraux et politiques sous-jacents à l’ensemble du système juridique. Quand la Cour Suprême américaine débat pour savoir si le droit à la vie privée, qui n’est pas écrit tel quel dans la Constitution, inclut l’avortement, elle ne fait pas de la grammaire. Elle fait de la philosophie du droit
Les Architectes de la Pensée
La philosophie du droit est un dialogue qui dure depuis 2500 ans. Voici quelques-uns des penseurs qui ont posé les fondations sur lesquelles nos systèmes juridiques reposent encore.
Les Fondateurs Antiques
Platon (428-348 av. J.-C.)
Dans La République et Les Lois, Platon est le premier à lier intimement la justice dans la Cité (la loi) à la justice dans l’âme (la morale). Pour lui, le droit doit viser à rendre les citoyens vertueux. Il pose la question fondamentale : le droit doit-il éduquer ou simplement contraindre ?
Aristote (384-322 av. J.-C.)
Dans l’Éthique à Nicomaque, Aristote nous a donné des distinctions conceptuelles que nous utilisons tous les jours. C’est lui qui sépare la justice distributive (répartir les biens selon le mérite) de la justice corrective (rétablir l’équilibre lors d’un tort). Plus important encore, il introduit le concept d’équité : le correctif de la loi. La loi est générale, dit-il, mais la vie est particulière. L’équité permet au juge d’adapter la loi au cas concret pour éviter une injustice.
Les Penseurs du Contrat Social
Thomas Hobbes (1588-1679)
Dans le Léviathan, Hobbes offre la justification la plus puissante et la plus sombre de la loi : la sécurité. Pour échapper à l’anarchie de « l’état de nature », les hommes cèdent tous leurs droits à un Souverain. La loi est ce que dit le Souverain. C’est le fondement philosophique du positivisme : la justice est la loi, car sans loi, il n’y a rien.
John Locke (1632-1704)
Dans le Traité du gouvernement civil, Locke se pose en anti-Hobbes. Il est le père du libéralisme. Pour lui, nous n’abandonnons pas tous nos droits. Nous avons des droits naturels (vie, liberté, propriété) avant même l’État. Nous créons l’État uniquement pour protéger ces droits. La loi n’est donc légitime que si elle respecte ces droits fondamentaux. C’est le fondement du constitutionnalisme.
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778)
Dans son Contrat social, Rousseau apporte la justification démocratique. La loi n’est légitime que si elle est l’expression de la « volonté générale ». En obéissant à la loi que nous avons nous-mêmes faite, nous sommes libres. La loi n’est pas une contrainte extérieure comme le suggère Hobbes ni une simple protection comme le prétend Locke, elle est l’acte même de notre liberté collective.
Charles de Secondat, Baron de Montesquieu (1689-1755)
Dans De l’esprit des lois, Montesquieu apporte la justification structurelle de la liberté. Il n’analyse pas le contrat (comme Locke ou Rousseau), mais fonde la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) comme la condition mécanique de la liberté politique, car « il faut que le pouvoir arrête le pouvoir ». Il est aussi le père de l’approche sociologique du droit, affirmant que les lois ne sont pas des commandements abstraits mais « les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ».
Les Modernes
Emmanuel Kant (1724-1804)
Dans la Doctrine du droit, Kant fonde le droit sur la raison et l’autonomie. Le droit est l’ensemble des conditions qui permettent à la liberté de chacun de coexister avec la liberté de tous. Il sépare radicalement le Droit (l’action extérieure) de la Morale (l’intention intérieure) et fournit le fondement de la « dignité humaine », idée centrale de nos constitutions modernes.
Hans Kelsen (1881-1973)
Avec sa Théorie pure du droit, Kelsen est l’incarnation du positivisme juridique. Il a voulu créer une science du droit pure de toute morale ou politique. Son modèle de la « pyramide des normes », où chaque norme tire sa validité de la norme supérieure, structure encore aujourd’hui la pensée de la plupart des juristes.
H.L.A. Hart (1907-1992)
Dans Le Concept de droit, Hart propose un positivisme plus « soft ». Le droit n’est pas qu’un système de contraintes ; c’est un système de « règles primaires » (interdictions) et « secondaires » (qui organisent le système). En particulier, il admet qu’il existe un « contenu minimum de droit naturel » (protection des personnes, des biens) nécessaire à la survie de toute société.
Ronald Dworkin (1931-2013)
Dans Prendre les droits au sérieux, Dworkin s’affirme comme le critique le plus célèbre de Hart. Il réconcilie le droit et la morale. Pour lui, le droit n’est pas seulement un ensemble de « règles », mais aussi un ensemble de « principes » moraux. Dans les cas difficiles, le juge ne crée pas de droit, il découvre et applique ces principes implicites pour présenter le système sous son meilleur jour moral.
Concrètement, que fait la philosophie du droit ?
Cette exploration des idées peut sembler abstraite. Pourtant, la philosophie du droit a des conséquences très concrètes. La philosophie du droit est nécessaire parce qu’elle est utile.
La philosophie du droit sert au législateur
Le Parlement est confronté en permanence à de nouveaux défis : bioéthique (faut-il autoriser les mères porteuses ?), écologie (faut-il créer un crime d’écocide ?), numérique (comment réguler l’IA ?). La loi existante est muette. Le législateur est donc obligé de faire de la philosophie. Il doit arbitrer entre des principes contradictoires : liberté individuelle contre protection de la dignité ; progrès économique contre sauvegarde de la planète; etc. La philosophie du droit fournit les cadres pour penser ces choix.
La philosophie du droit sert au juge
Le juge n’est pas un automate. Quand il interprète « l’intérêt supérieur de l’enfant », il mobilise consciemment ou non une philosophie de l’enfance et de la famille. Quand un juge constitutionnel pèse la « liberté d’expression » contre la « sécurité nationale », il fait un arbitrage philosophique. Une meilleure formation philosophique rend les juges plus conscients de leurs propres biais et plus rigoureux dans la justification de leurs décisions.
La philosophie du droit sert à l’avocat
Un bon avocat ne fait pas que citer des articles de loi. Il raconte une histoire. Il replace la règle dans son esprit. Il argumente sur la justice de la situation. Il montre pourquoi une interprétation de la loi est plus conforme aux principes fondamentaux que l’interprétation adverse. Il fait de la philosophie pour convaincre.
La philosophie du droit sert au citoyen
C’est peut-être l’utilité la plus cruciale. La philosophie du droit arme le citoyen. Elle lui donne les outils pour critiquer la loi. Elle lui permet de distinguer l’obéissance rationnelle et consentie, de la soumission aveugle et craintive. Elle fonde le droit à la désobéissance civile. Penser comme Martin Luther King ou Gandhi, qui refusaient des lois au nom d’une justice supérieure, c’est adopter une posture jusnaturaliste. C’est affirmer que la légalité ne clôt pas le débat sur la légitimité.
La philosophie du droit : une boussole
Le droit, sans la philosophie, n’est qu’un corps sans âme. C’est un ensemble de procédures, un manuel technique, un rapport de force. Il peut devenir, comme l’histoire l’a montré, un outil d’oppression efficace : pensons à la ségrégation raciale en Afrique du Sud par exemple.
La philosophie du droit est ce qui lui insuffle son âme. Elle est une boussole qui indique le vrai cap de la justice.
Elle est nécessaire parce qu’elle est la seule instance critique permanente du système juridique. Elle force le droit à se justifier, à se remettre en question, à s’humaniser. Elle maintient en vie la question la plus importante de toutes, celle que posait déjà Platon et que nous nous posons encore face aux défis du 21e siècle : « Qu’est-ce qu’une cité juste ? ».
Le droit nous donne des règles. La philosophie du droit nous donne des raisons. Dans une démocratie, ce sont les raisons, et non les règles, qui doivent avoir le dernier mot.