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Structure
  1. Nicolas Sarkozy : une condamnation sans précédent
  2. La sacralité du pouvoir politique
  3. Qu’est-ce que l’égalité devant la loi?
  4. Comment le « voile d’ignorance » éclaire-t-il notre débat?
  5. Quelles objections peut-on opposer à cette égalité stricte?
  6. Que change concrètement l’application de la justice aux puissants?
    1. Et si Nicolas Sarkozy se trouvait placé sous bracelet électronique ?
    2. Le cadre légal de la peine
  7. Les limites de l’égalité formelle
  8. L’exemplarité comme fondement de l’autorité moderne
  9. Vers une éthique de la responsabilité politique
  10. Quelle démocratie ?
  11. Sources
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La justice peut-elle toucher les puissants? Sarkozy et l’égalité devant la loi

  • 19/10/2025
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La condamnation récente de Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison ferme marque un tournant historique. Au-delà du fait divers judiciaire, cette affaire interroge les fondements mêmes de notre démocratie et le principe d’égalité devant la loi.

Nicolas Sarkozy : une condamnation sans précédent

Le 25 septembre 2025, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République française, un ancien président est condamné à de la prison ferme qu’il devra effectivement purger. Nicolas Sarkozy a quitté le 13 octobre les locaux du Parquet national financier après avoir été notifié de la date et du lieu de son incarcération. Face à cette condamnation, les réactions sont divisées.

Cette scène, impensable il y a encore quelques décennies, place sous les projecteurs un débat philosophique millénaire : les puissants doivent-ils être soumis aux mêmes lois que les citoyens ordinaires?

Nous ne attarderons pas ici sur les détails du dossier ni ne prendrons parti sur la culpabilité ou l’innocence de l’ancien Président de la République : c’était au tribunal de se prononcer et Nicolas Sarkozy a fait appel de la décision.

Nous raisonnerons plutôt sur les principes.

Certains voient dans la condamnation une atteinte à la dignité de la fonction présidentielle, arguant qu’emprisonner un ancien chef d’État revient à ternir l’image même de la République.

D’autres, comme le journal Mediapart (qui fut instrumental dans la mise en accusation de l’ancien Président) défendent le fait que cette condamnation s’inscrit dans une évolution des pratiques de la magistrature qui s’est progressivement émancipée du pouvoir politique, et couronne le principe républicain d’une pleine et entière égalité des citoyens devant la loi.

La sacralité du pouvoir politique

Voici une question philosophique fondamentale : l’égalité devant la loi est-elle compatible avec la sacralité du pouvoir politique? Comment concilier le respect dû aux institutions avec l’exigence démocratique de justice universelle? Nous explorerons comment les philosophes, d’Aristote à Rawls, ont pensé cette tension entre autorité politique et justice impartiale, avant d’examiner les implications concrètes de ce débat pour nos démocraties contemporaines.

En 2 minutes

• L’égalité devant la loi est un principe fondamental de la démocratie moderne, théorisé depuis l’Antiquité grecque.

• La philosophie distingue entre la personne (le citoyen Sarkozy) et la fonction (la présidence), permettant de juger l’une sans déshonorer l’autre.

• Le concept de « voile d’ignorance » de John Rawls offre un cadre pour penser une justice véritablement impartiale.

• La tension entre sacralité du pouvoir et égalité juridique traverse toute l’histoire de la philosophie politique.

• L’application effective de la justice aux puissants représente un test décisif pour la légitimité démocratique.

Qu’est-ce que l’égalité devant la loi?

L’égalité devant la loi, ou isonomie en grec ancien, désigne le principe selon lequel tous les citoyens sont soumis aux mêmes règles juridiques, indépendamment de leur statut social, leur richesse ou leur pouvoir. Ce concept, né dans l’Athènes démocratique du Ve siècle avant J.-C., constitue l’un des piliers de l’État de droit moderne.

Aristote, dans sa Politique, distinguait déjà entre l’homme et la fonction. Pour le philosophe grec, « la loi est raison sans passion » – elle doit s’appliquer de manière impersonnelle, sans considération pour les émotions ou les intérêts particuliers. Un magistrat qui vole reste un voleur, même si sa fonction commande le respect.

« Les entraînements de l’instinct, les passions du cœur corrompent les hommes quand ils sont au pouvoir, même les meilleurs ; mais la loi, c’est l’intelligence sans les passions aveugles. »

Aristote, La Politique, livre III, chap.XI

Cette distinction fondamentale entre l’homme et la fonction a été prolongée par la philosophie. Les penseurs, s’inspirant de la métaphysique aristotélicienne (l’être en acte et l’être en puissance), ont analysé ce conflit moral : un magistrat qui vole reste formellement magistrat (en acte), mais il a trahi l’essence même de sa fonction — rendre la justice. Il incarne ce que les philosophes scolastiques auraient appelé une ‘privation‘ – le juge conservant les attributs extérieurs de sa charge tout en étant privé de la vertu qui devrait la définir. Hegel enrichit cette analyse dans sa Philosophie du droit avec le concept de ‘négation déterminée‘ : le magistrat-voleur ne détruit pas simplement sa fonction – il la conserve tout en la niant, créant une figure paradoxale qui est simultanément gardien et transgresseur de la loi-

C’est pourquoi la justice moderne a développé des mécanismes de suspension et de destitution. Notons que, même suspendu de ses fonctions, l’individu conserve souvent son titre. La fonction adhère à la personne comme une ombre, même après la faute. On continuera donc de parler du « Président Sarkozy ».

L’égalité juridique ne signifie pas que tous les citoyens sont identiques ou doivent être traités de manière uniforme en toutes circonstances. Elle implique plutôt que face à une même infraction, la justice doit appliquer les mêmes critères de jugement, que l’accusé soit ministre ou boulanger.

« Dans l’état de nature, les hommes naissent bien dans l’égalité ; mais ils n’y sauraient rester. La société la leur fait perdre, et ils ne redeviennent égaux que par les lois. »

Montesquieu, L’Esprit des lois, 1748

Comment le « voile d’ignorance » éclaire-t-il notre débat?

Imaginons une expérience de pensée : vous devez concevoir les règles de justice d’une société, mais sans savoir quelle position vous y occuperez.

Serez-vous président, juge, ou simple citoyen? Riche ou pauvre? Cette expérience, théorisée par John Rawls dans sa Théorie de la justice (1971), s’appelle le « voile d’ignorance ».

Derrière ce voile, ne sachant pas si nous serons un jour président ou justiciable ordinaire, nous choisirions rationnellement un système où la loi s’applique également à tous. Pourquoi ? Parce que nous pourrions nous retrouver dans n’importe quelle position sociale. Ce raisonnement conduit Rawls à affirmer que la justice authentique exige l’impartialité absolue – précisément ce que teste l’affaire Sarkozy.

L’argument selon lequel emprisonner un ancien président porterait atteinte à la « dignité de la fonction » révèle ce que Rawls appellerait un biais de position. Ceux qui avancent cet argument raisonnent depuis leur position actuelle dans la société, non depuis la position originelle d’ignorance. Si nous ne savions pas à l’avance qui serait président, accepterions-nous vraiment que cette fonction confère une immunité perpétuelle?

Autrement dit, si la justice varie en fonction du justiciable, elle perd l’un des caractères principaux et indispensables de la justice : son impartialité. Si le système judiciaire avait été créé par un Président, il est raisonnable de penser que les Présidents seraient exempts de poursuites, mais si le système avait été créé par un voleur de poules, les voleurs de poules ne seraient-ils pas eux-mêmes exempts de poursuites ? Les fermiers voudraient-ils d’une telle justice ? Sans doute non, et il mettraient en place, pour leur part, une justice qui exempte les fermiers.

On voit bien que pour aboutir à l’impartialité la thèse de Rawls est indispensable. Comment parvenir au voile d’ignorance de façon opérationnelle ? Tout simplement en mettant en place une assemblée qui vote les lois, assemblée qui sera composée de voleurs de poules aussi bien que de fermiers. Les intérêts particuliers s’effaçant par le fait de s’assembler, il est probable que les lois émanant de l’assemblée soient plus impartiales que celles qui n’en émanent pas.

Avant d’aller plus loin, rappelons brièvement les concepts qui structurent ce débat.

Notions clés

• Isonomie : Égalité de tous les citoyens devant la loi, concept fondateur de la démocratie athénienne.

• État de droit : Système politique où le pouvoir est soumis au droit, et où nul n’est au-dessus des lois.

• Voile d’ignorance : Dispositif conceptuel de Rawls pour penser une justice impartiale, où les décisions sont prises sans connaître sa future position sociale.

• Légitimité : Reconnaissance du droit moral d’exercer le pouvoir, distincte de la simple légalité.

• Souveraineté populaire : Principe selon lequel le pouvoir émane du peuple, qui reste le détenteur ultime de l’autorité politique.

Quelles objections peut-on opposer à cette égalité stricte?

La tradition philosophique n’est pas unanime sur cette question. Carl Schmitt, juriste et philosophe allemand controversé, soutenait dans sa Théologie politique (1922) que « souverain est celui qui décide de l’exception« . Pour Schmitt, le véritable détenteur du pouvoir se reconnaît précisément à sa capacité de se placer au-dessus de la loi ordinaire. Cette vision, héritée de l’absolutisme monarchique, suggère que certaines fonctions transcendent par nature l’ordre juridique commun.

Une autre objection provient du philosophe conservateur Edmund Burke. Dans ses Réflexions sur la Révolution en France (1790), Burke défendait l’idée que les institutions politiques tirent leur force de leur caractère vénérable et quasi-sacré. C’est l’un des aspects qui est en jeu ici. Traiter un ancien chef d’État comme un criminel ordinaire reviendrait à désacraliser l’autorité politique elle-même, minant ainsi les fondements de l’ordre social. Pour Burke, la stabilité sociale repose sur le respect des hiérarchies traditionnelles, y compris face à la justice. Dans la même veine, Thomas Hobbes, dans le Léviathan (1651), soutenait que le souverain, source de toute loi, ne peut logiquement y être soumis. Cette position absolutiste semble incompatible avec nos valeurs démocratiques modernes.

Cependant, ces positions se heurtent à la critique républicaine moderne. Philip Pettit, dans Républicanisme (1997), argue que la liberté républicaine exige précisément que personne ne soit au-dessus des lois. Un citoyen vivant sous la menace d’un pouvoir arbitraire – même bienveillant – n’est pas véritablement libre. La domination potentielle suffit à compromettre la liberté, même si elle ne s’exerce pas. Ainsi, accepter qu’un ancien président échappe à la justice ordinaire créerait une classe de citoyens structurellement dominants.

De même, pour Jürgen Habermas, dans Droit et démocratie (1992), la légitimité démocratique repose sur un double principe : l’autonomie privée (les droits individuels) et l’autonomie publique (la participation politique). Ces deux dimensions sont « co-originaires » – l’une ne peut exister sans l’autre. Ainsi, juger un ancien président ne porte pas atteinte à la démocratie ; c’est au contraire l’immunité qui la compromettrait en créant deux classes de citoyens.

La philosophe Hannah Arendt offre quant à elle une perspective nuancée dans La Condition de l’homme moderne (1958). Pour elle, l’action politique possède une dignité propre qui la distingue du comportement privé. Mais cette dignité n’immunise pas contre la responsabilité – au contraire, elle l’accroît. Les détenteurs du pouvoir, précisément parce qu’ils agissent au nom de tous, portent une responsabilité exemplaire. Leur impunité constituerait une trahison de la confiance publique. Le sociologue Gérôme Truc, dans un ouvrage consacré à la philosophe et à la pensée d’Arendt, va plus loin en expliquant que l’humanité n’est pas une masse uniforme mais une multitude d’êtres uniques et singuliers. Cette différence irréductible fait que personne n’a de raison objective d’être considéré comme plus « étranger » qu’un autre – nous sommes tous également différents les uns des autres. Or, quand nous agissons dans ce monde plural, nos actions déclenchent des chaînes de conséquences impossibles à prévoir entièrement. L’action politique échappe toujours en partie à notre contrôle et affecte des personnes au-delà de nos intentions initiales. Truc suggère que nous créons l’étranger en refusant notre responsabilité. Quand nous disons « je ne suis pas responsable envers cette personne », nous la plaçons hors de notre cercle d’humanité partagée, faisant de lui un étranger. Ainsi, accepter d’être responsable même des conséquences non voulues de nos actes devient la mesure de notre capacité à « assumer l’humanité » dans sa totalité. Dans cette perspective, on pourrait dire que la présidence de Sarkozy, si elle est issue d’un financement illégal, crée symboliquement une distance entre gouvernant et gouvernés, fragilisant le lien d’appartenance commune.

Que change concrètement l’application de la justice aux puissants?

L’évolution de la magistrature française, qui s’est progressivement émancipée du pouvoir politique depuis les années 1970, illustre une transformation profonde de nos sociétés démocratiques. La condamnation de grands dirigeants d’entreprises comme Bernard Tapie – qui fut ministre-, puis de figures politiques nationales comme Alain Carignon ou Michel Noir, et enfin d’anciens présidents comme Nicolas Sarkozy, normalise cette orientation.

Cette évolution modifie trois dimensions essentielles de la vie démocratique. D’abord, elle renforce la confiance institutionnelle. Les citoyens ordinaires, voyant que même les plus puissants répondent de leurs actes, développent une foi renouvelée dans le système judiciaire. Cette confiance, analysée par le sociologue Pierre Rosanvallon dans La Contre-démocratie (2006), constitue le socle de la légitimité démocratique moderne.

Ensuite, elle transforme la culture politique. Les responsables politiques, sachant qu’ils devront un jour rendre des comptes, sont incités à agir avec plus de prudence éthique. Ce mécanisme d’anticipation, théorisé par Jeremy Bentham dans son ouvrage Introduction aux principes de morale et de législation, fonctionne ici comme garde-fou démocratique. La possibilité de la sanction modifie le comportement avant même qu’elle ne s’applique.

Enfin, elle redéfinit la notion même de grandeur politique. Dans une démocratie mature, la grandeur ne réside plus dans l’immunité mais dans l’exemplarité. Un dirigeant véritablement grand est un dirigeant examplaire, par conséquent il accepte d’être jugé selon les mêmes critères que ses concitoyens. Cette humilité républicaine, loin d’affaiblir l’autorité, la renforce en la fondant sur le consentement plutôt que sur la crainte.

Ainsi, Simone Weil, dans L’Enracinement, publié de façon posthume par Albert Camus en 1949, offre de son côté une perspective spirituelle. Pour elle, le véritable respect dû aux institutions ne réside pas dans l’immunité de leurs représentants mais dans leur soumission volontaire à la justice commune. Un pouvoir qui s’excepte lui-même de la loi perd sa légitimité morale, même s’il conserve sa force matérielle. Il faut noter que la philosophe française, disparue trop tôt à l’âge de 34 ans, éprouvait une fervente détestation des partis politiques. La citation ci-dessous préfigure, d’une certaine façon, les errements des partis en matière de financement de campagne.

« Les partis sont des organismes publiquement, officiellement constitués de manière à tuer dans les âmes le sens de la vérité et de la justice »

Simone Weil,, Note sur la suppression générale des partis politiques, 1940

Dans Sphères de justice (1983) le philosophe et théoricien politique Michael Walzer propose une distinction qui n’est pas inutile. Chaque sphère sociale -politique, économique, juridique- possède ses propres critères d’excellence. Le problème survient quand une excellence dans une sphère, par exemple le succès politique, rétend conférer des privilèges dans une autre par exemple l’immunité juridique. La justice exige que ces sphères restent autonomes. Un ancien président peut mériter respect et considération pour son service public, sans pour autant échapper aux conséquences juridiques de ses actes. En outre, Walzer fait reposer la notion même de justice sur le partage des valeurs, comme il l’indique dans le même ouvrage.

Il existe une certaine attitude d’esprit qui sous-tend la théorie de la justice et qui devrait être renforcée par l’expérience de l’égalité complexe : nous pouvons la considérer comme un respect décent pour les opinions de l’humanité. Pas les opinions de tel ou tel individu, qui peuvent très bien mériter une réponse brusque : je veux parler de ces opinions plus profondes qui sont le reflet, dans l’esprit de chacun, façonné également par la pensée individuelle, des significations sociales qui constituent notre vie commune.

Michael Walzer, Spheres of Justice

Et si Nicolas Sarkozy se trouvait placé sous bracelet électronique ?

L’objection du bracelet électronique mérite attention. Certains suggèrent que Sarkozy, n’étant pas un risque de fuite et ayant toujours répondu aux convocations judiciaires, pourrait bénéficier d’un aménagement de peine. Cette question révèle une tension entre deux conceptions de la justice : punitive (la peine comme châtiment) et restauratrice (la peine comme réparation). Les philosophes utilitaristes, comme John Stuart Mill, privilégieraient l’option la moins coûteuse socialement tout en maintenant l’effet dissuasif. Les déontologistes kantiens insisteraient sur l’application uniforme de la peine, indépendamment des considérations pratiques.

L’approche utilitariste (Mill) évaluerait les conséquences de chaque option. Le bracelet électronique pour Sarkozy pourrait être défendu ainsi : il coûte moins cher à la société (pas de frais d’incarcération), évite la surpopulation carcérale, et l’effet dissuasif reste intact car la condamnation est publique et exécutée. Un ancien président sous bracelet envoie le même message (« nul n’est au-dessus des lois ») sans les coûts humains et financiers de la prison. Mill demanderait : « Quel bénéfice supplémentaire la société tire-t-elle de mettre Sarkozy derrière les barreaux plutôt que sous surveillance électronique ? » Si la réponse est « aucun » ou « marginal », alors la prison devient une cruauté inutile.

L’approche déontologique (Kant) refuserait ce calcul. Pour Kant, la justice n’est pas affaire de conséquences mais de principe moral. Si la loi prévoit cinq ans de prison ferme pour association de malfaiteurs, alors Sarkozy doit purger cette peine comme n’importe quel autre condamné. Lui accorder un traitement de faveur (bracelet au lieu de prison) violerait l’impératif catégorique qui exige de traiter chaque personne selon des maximes universalisables. Kant demanderait : « Accepterions-nous que TOUS les condamnés à cinq ans, quelle que soit leur notoriété, bénéficient d’un bracelet ? » Si non, alors Sarkozy ne peut y prétendre sans créer une justice à deux vitesses, ce qui détruirait le principe même d’égalité devant la loi.

Cette tension philosophique explique pourquoi le débat public reste si vif sur les modalités d’exécution de sa peine.

Le cadre légal de la peine

Pour les peines d’emprisonnement ferme comprises entre 1 mois et 6 mois, le tribunal a l’obligation d’aménager la peine. Entre 6 mois et 1 an, le tribunal doit vérifier s’il est possible d’aménager la peine. Mais – et c’est crucial pour le cas Sarkozy – si la durée de la peine de prison ferme est supérieure à un an, aucun aménagement n’est possible ab initio (dès le prononcé de la peine). Sarkozy ayant été condamné à 5 ans de prison ferme, il se trouve largement au-delà du seuil d’un an permettant un aménagement immédiat.

Les possibilités ultérieures pour l’ancien Président : une fois incarcéré, Sarkozy pourra formuler une demande de mise en liberté dès son placement en détention, que la cour d’appel devra examiner dans un délai de deux mois. Plus tard, il pourra demander un aménagement si le temps restant à purger devient inférieur à 2 ans. Enfin il pourra bénéficier potentiellement d’une libération conditionnelle après avoir purgé la moitié de sa peine, ou sans condition de délai s’il a plus de 70 ans – ce qui est son cas

    Cette réalité juridique illustre parfaitement le débat philosophique. L’approche kantienne se trouve ici incarnée dans la loi : les seuils -1 an, 2 ans- s’appliquent uniformément, sans considération pour l’identité du condamné. La loi ne prévoit pas d’exception pour les anciens présidents.

    L’approche utilitariste pourrait critiquer cette rigidité : pourquoi emprisonner physiquement quelqu’un qui ne présente aucun danger de fuite et dont la surveillance électronique suffirait à garantir l’exécution de la peine? Mais la loi française a tranché : au-delà d’un certain quantum de peine (ici 5 ans), la société considère que la gravité des faits exige une incarcération initiale effective, indépendamment des caractéristiques personnelles du condamné. Le débat est donc clos sur ce point.

    En réalité, le fait que Sarkozy puisse ultérieurement demander des aménagements représente un compromis entre ces deux approches : fermeté initiale Kantienne, puis adaptation pragmatique aux circonstances comme Mill le demande.

    Les limites de l’égalité formelle

    Le philosophe marxiste Georg Lukács, dans Histoire et conscience de classe (1923), rappelait que l’égalité devant la loi masque souvent les inégalités réelles. Un ancien président dispose de moyens de défense (avocats prestigieux, réseaux d’influence, ressources financières) inaccessibles au justiciable ordinaire.

    Cette critique ne invalide pas le principe d’égalité juridique mais invite à l’approfondir. La justice véritable exigerait non seulement l’égalité formelle mais aussi une certaine équité matérielle – par exemple, un système de défense publique robuste garantissant à tous une représentation juridique de qualité.

    L’exemplarité comme fondement de l’autorité moderne

    La question de l’exemplarité traverse ce débat. Max Weber, dans Le Savant et le Politique (1919), distinguait trois sources de légitimité : traditionnelle, charismatique et légale-rationnelle. Les démocraties modernes reposent principalement sur cette dernière – l’autorité découle du respect des procédures légales, non de la personne du dirigeant.

    Dans ce cadre wébérien, emprisonner un ancien président coupable renforce paradoxalement l’autorité de la fonction présidentielle. Elle démontre que la présidence tire sa force non d’un charisme personnel ou d’une tradition sacrée, mais du respect scrupuleux du cadre légal. Le successeur de Sarkozy n’est pas affaibli par cette condamnation ; il est au contraire conforté dans une légitimité fondée sur l’État de droit plutôt que sur l’arbitraire.

    De son côté, Michel Foucault, dans Surveiller et punir (1975), analysait comment le pouvoir moderne s’exerce moins par la force brute que par la normalisation et la discipline. Dans cette perspective, la condamnation d’un ancien président participe d’un processus de disciplinarisation du pouvoir lui-même. Les gouvernants apprennent qu’ils sont, eux aussi, sujets aux normes qu’ils édictent.

    Vers une éthique de la responsabilité politique

    On le voit dans l’évolution des lois en France depuis la condamnation du trésorier du PS en 1997, le concept de responsabilité politique a singulièrement évolué. AInsi, la philosophe contemporaine Iris Marion Young, dans Responsibility for Justice (2011), développe le concept de « responsabilité politique structurelle ». Au-delà de la culpabilité individuelle, les dirigeants portent une responsabilité particulière pour les structures d’injustice qu’ils maintiennent ou créent. Cette responsabilité accrue justifie un examen judiciaire particulièrement rigoureux de leurs actes.

    Comme nous le rappelle Emmanuel Levinas dans Totalité et Infini (1961), l’éthique précède l’ontologie, ce qui signifie que la responsabilité envers autrui fonde notre humanité même. Un dirigeant politique, responsable devant des millions de citoyens, porte une charge éthique démultipliée. Son jugement selon le droit commun n’est pas une humiliation mais la reconnaissance de cette responsabilité fondamentale.

    Notons enfin que la théorie de la justice transitionnelle, développée notamment par Ruti Teitel, nous montre que dans les moments de transformation démocratique, juger les anciens dirigeants remplit une fonction cathartique et refondatrice. Sans aller jusqu’à qualifier la France de démocratie en transition, on peut donc voir dans le procès de Nicolas Sarkozy un moment de maturation démocratique, où les principes républicains abstraits deviennent réalité concrète. Que des voix s’y opposent n’ont rien de surprenant : souvenons-nous que dans l’affaire Emmanuelli, le ministre de la justice de l’époque, qui avait également été chargé de campagne électorale pour François Mitterrand, avait qualifié de « cambriolage » une perquisition effectuée par le juge d’instruction. Aujourd’hui, la culpabilité du Parti Socialiste de l’époque et de ses dirigeants ne soulève plus aucune objection – c’est un fait avéré. En écrivant cela, nous n’affirmons pas que Nicolas Sarkozy est coupable : nous mettons simplement en exergue l’évolution de la société et de la responsabilité politique à travers les différents procès qui engagent la responsabilité des hommes et femmes politiques, quelle que soit l’issue de ces procès.

    Quelle démocratie ?

    La condamnation de Nicolas Sarkozy nous ramène au paradoxe initial : peut-on respecter la fonction présidentielle tout en emprisonnant celui qui l’a exercée? Comme nous l’avons vu, ce paradoxe n’en est un qu’en apparence. La véritable grandeur des institutions démocratiques réside précisément dans leur capacité à soumettre même les plus puissants à la règle commune.

    Comme le notait Alexis de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique (1835), ce qui fait la force des institutions démocratiques, c’est qu’elles reposent sur l’idée de l’égalité. Cette égalité n’est jamais parfaite, toujours en construction, mais elle constitue l’horizon régulateur de nos sociétés. Chaque fois qu’un puissant est jugé comme un citoyen ordinaire, cet horizon se rapproche un peu.

    L’emprisonnement d’un ancien président n’affaiblit pas la République – il la révèle dans sa vérité profonde : un système où la loi, expression de la volonté générale comme le dit Rousseau, s’impose à tous sans exception. Cette universalité de la loi n’est pas une abstraction philosophique mais une exigence pratique de justice. Sans elle, la démocratie n’est qu’une oligarchie déguisée.

    Face à celles et ceux qui dénoncent une atteinte à la dignité présidentielle, on peut répondre que la dignité véritable ne réside pas dans l’immunité mais dans la responsabilité assumée. Un système politique mature reconnaît que ses dirigeants sont faillibles et doivent répondre de leurs fautes. Cette reconnaissance, loin de fragiliser les institutions, les renforce en les ancrant dans la justice plutôt que dans la force.

    La question n’est pas nécessairement « peut-on emprisonner un ancien président? » mais plutôt « de quelle démocratie voulons-nous? ». Une démocratie d’exception, où certains échappent à la règle commune, ou une démocratie d’exemplarité, où le pouvoir se mesure à l’aune de la responsabilité acceptée? La réponse à cette question détermine non seulement le sort judiciaire des puissants, mais la nature même de notre contrat social.

    Le lieu où s’incarne ce débat, une fois l’exécution du verdict lancée, devient le bureau du Juge d’Application des Peines. C’est là que l’idéal kantien de l’universalité de la loi (l’incarcération initiale sans aménagement immédiat) rencontre, plus tard, le pragmatisme millien des modalités d’exécution et de réinsertion.


    Sources

    • Politique d’Aristote
    • Théorie de la justice de John Rawls (édition originale Harvard University Press, 1971 ; traduction française Seuil, 1987)
    • Républicanisme de Philip Pettit (Oxford University Press, 1997 ; traduction française Gallimard, 2004)
    • Sphères de justice de Michael Walzer (Basic Books, 1983 ; traduction française Seuil, 1997)
    • De la démocratie en Amérique d’Alexis de Tocqueville
    • Traité de pédagogie d’Emmanuel Kant ainsi que Critique de la faculté de juger 
    • Surveiller et punir, de Michel Foucault
    • Transitional Justice, de Ruti Teitel (en anglais)
    • Stanford Encyclopedia of Philosophy, articles « Equality Before the Law » et « Political Legitimacy » (consultés octobre 2025)

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      John Finnis (1940–) : Le renouveau de la théorie du droit naturel

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      • 19/10/2025

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