INFOS-CLÉS | |
|---|---|
| Origine | Paris (France) |
| Importance | ★★★★★ |
| Courants | Existentialisme français |
| Thèmes | existentialisme, liberté absolue, mauvaise foi, engagement, situation, pour-soi, en-soi, littérature engagée |
Jean-Paul Sartre incarne la figure de l’intellectuel total qui révolutionne la philosophie par son existentialisme radical tout en incarnant l’engagement politique et littéraire de l’intellectuel du XXe siècle.
Jean-Paul Charles Aymard Sartre naît le 21 juin 1905 à Paris, dans le XVIe arrondissement, au sein d’une famille de la bourgeoisie intellectuelle. Son père, Jean-Baptiste Sartre, officier de marine et polytechnicien, meurt de fièvres tropicales en Indochine alors que Jean-Paul n’a que quinze mois, événement traumatisant qui marque profondément sa psychologie infantile.
Cette disparition paternelle précoce prive Sartre d’une figure d’autorité masculine et explique en partie sa relation complexe à l’autorité tout au long de sa vie. Cette absence structure également sa conception ultérieure de la liberté comme absence de déterminisme paternel et social.
Sa mère, Anne-Marie Schweitzer, cousine d’Albert Schweitzer, retourne vivre chez ses parents après son veuvage. Cette origine alsacienne maternelle expose le jeune Sartre à la culture allemande et explique en partie son intérêt ultérieur pour la philosophie allemande, particulièrement la phénoménologie.
L’enfance chez les grands-parents
Élevé par ses grands-parents maternels, Sartre grandit dans un environnement exclusivement féminin qui développe sa sensibilité et sa précocité intellectuelle. Son grand-père, Charles Schweitzer, professeur d’allemand et auteur de manuels scolaires, lui transmet le goût des lettres et des langues.
Cette éducation privilégiée révèle très tôt ses dispositions exceptionnelles pour la lecture et l’écriture. Enfant prodige, il lit Corneille à quatre ans et commence à écrire des romans dès l’âge de sept ans, révélant cette vocation littéraire qui l’accompagne toute sa vie.
L’univers bourgeois de son enfance lui offre tous les privilèges de la culture mais développe aussi sa conscience critique des conventions sociales. Cette expérience de l’intérieur de la bourgeoisie nourrit sa critique ultérieure de la mauvaise foi bourgeoise.
La découverte de la laideur et de la contingence
Vers l’âge de quatre ans, Sartre perd brutalement ses boucles blondes qui faisaient sa beauté enfantine et découvre sa laideur définitive. Cette expérience traumatisante développe sa conscience précoce du regard d’autrui et de la contingence de l’existence, thèmes centraux de sa philosophie.
Cette découverte de la laideur physique renforce sa compensation intellectuelle et littéraire, développant son narcissisme intellectuel et sa volonté de séduction par l’esprit. Elle explique également sa sensibilité au regard d’autrui qui structure sa conception des relations humaines.
Cette expérience révèle également sa capacité précoce d’analyse psychologique et sa lucidité sur sa propre condition, qualités qui caractérisent toute son œuvre philosophique et littéraire.
Jeunesse et influences formatrices
Les années de lycée et l’éveil intellectuel
Au lycée Henri-IV puis à Louis-le-Grand, Sartre se distingue par ses résultats exceptionnels en philosophie et en littérature. Cette période révèle sa capacité de synthèse et son goût pour les vastes constructions intellectuelles qui caractérisent son œuvre mature.
Durant cette période, il découvre les grands philosophes – Bergson, Nietzsche, Kant – qui nourrissent sa réflexion et développent sa capacité critique. Il manifeste déjà cette ambition de système total qui caractérise son existentialisme ultérieur.
Ces années développent également son goût pour la polémique et la controverse intellectuelle, traits qui marquent toute sa carrière d’écrivain et de philosophe. Il révèle cette capacité de provocation qui fait de lui une figure publique incontournable.
L’École normale supérieure
En 1924, Sartre intègre l’École normale supérieure où il côtoie l’élite intellectuelle de sa génération – Raymond Aron, Paul Nizan, Maurice Merleau-Ponty. Cette formation d’excellence développe sa maîtrise technique de la philosophie et sa culture encyclopédique.
Cette période normalienne révèle sa personnalité complexe : brillant intellectuel mais aussi farceur et provocateur, sérieux dans le travail mais désinvolte dans la vie sociale. Cette dualité caractérise toute sa personnalité et explique sa capacité à allier rigueur philosophique et engagement public.
Les amitiés nouées pendant ces années – particulièrement avec Nizan et Aron – influencent profondément son évolution intellectuelle et politique. Ces relations révèlent sa capacité de dialogue et d’échange qui enrichit constamment sa pensée.
La rencontre avec Simone de Beauvoir
En 1929, Sartre rencontre Simone de Beauvoir lors de la préparation de l’agrégation de philosophie. Cette rencontre fonde l’un des couples intellectuels les plus célèbres du XXe siècle et transforme profondément leurs existences respectives.
Cette relation, fondée sur la liberté mutuelle et le partage intellectuel, devient le laboratoire vivant de l’existentialisme sartrien. Leur « pacte » de liberté totale révèle sa conception des relations humaines comme choix permanent plutôt que déterminisme sentimental.
Cette alliance intellectuelle et amoureuse nourrit constamment la réflexion sartrienne et révèle sa capacité à vivre concrètement sa philosophie de la liberté. Elle influence également sa conception de l’amour comme projet commun plutôt que fusion passionnelle.
Formation universitaire et développement
L’enseignement en province
Après l’agrégation, Sartre enseigne la philosophie dans plusieurs lycées de province – Le Havre, Laon – expérience qui lui révèle la réalité sociale française et développe sa conscience politique. Cette période provinciale nourrit sa critique de la bourgeoisie et de ses valeurs.
Cette expérience pédagogique développe également son art de la communication et sa capacité à rendre accessibles les concepts les plus complexes. Cette formation explique en partie le succès de vulgarisation de l’existentialisme dans l’après-guerre.
La routine de l’enseignement secondaire développe aussi sa critique de l’institution scolaire et sa réflexion sur l’éducation comme instrument de reproduction sociale. Cette expérience nourrit sa conception de l’intellectuel comme critique social.
La découverte de la phénoménologie
En 1933, un séjour d’études à Berlin lui permet de découvrir la phénoménologie de Husserl et Heidegger qui transforme radicalement sa conception de la conscience et de l’existence. Cette révélation philosophique oriente définitivement sa pensée vers l’existentialisme.
La phénoménologie lui révèle la possibilité d’une philosophie concrète qui part de l’expérience vécue pour développer une ontologie rigoureuse. Cette méthode correspond parfaitement à son tempérament et à sa volonté de penser l’existence humaine dans sa singularité.
Cette influence allemande enrichit considérablement sa formation philosophique française et lui permet de développer une synthèse originale entre traditions continentale et française. Elle explique également la richesse conceptuelle de son vocabulaire philosophique.
Les premières œuvres
Durant les années 1930, Sartre compose ses premières œuvres importantes : « L’Imagination » (1936), « L’Imaginaire » (1940), « La Transcendance de l’Ego » (1937) qui révèlent déjà l’originalité de sa contribution à la phénoménologie et annoncent l’existentialisme.
Ces œuvres développent sa conception de la conscience comme néant, spontanéité pure qui se projette vers le monde sans être déterminée par lui. Cette innovation révolutionnaire fonde sa philosophie de la liberté absolue.
Cette période voit également la publication de « La Nausée » (1938), roman philosophique qui révèle sa capacité à traduire les concepts philosophiques en expérience littéraire vivante. Cette œuvre établit sa réputation d’écrivain et révèle sa méthode de création.
Première carrière et émergence
La guerre et la captivité
Mobilisé en 1939, Sartre vit l’effondrement français et la captivité en Allemagne comme une expérience révélatrice de la condition humaine. Cette période développe sa conscience politique et sa réflexion sur la liberté en situation d’oppression.
La captivité lui révèle concrètement la dimension sociale de l’existence et l’importance de la solidarité face à l’adversité. Cette expérience tempère son individualisme philosophique et développe sa conception de l’engagement collectif.
Cette période voit également l’approfondissement de sa réflexion ontologique qui aboutit à « L’Être et le Néant ». La guerre révèle la fragilité de l’existence et la nécessité de choisir face aux situations extrêmes.
L’Occupation et l’engagement
Libéré en 1941, Sartre vit l’Occupation comme une situation exemplaire qui révèle la structure fondamentale de la condition humaine : la nécessité de choisir face à l’oppression. Cette expérience concrétise sa philosophie de l’engagement.
Cette période voit naître sa conception de l’intellectuel engagé qui doit mettre sa plume au service de la liberté. Il participe à des réseaux de résistance intellectuelle et développe sa réflexion sur la responsabilité de l’écrivain.
L’Occupation révèle également sa capacité d’analyse politique et développe sa critique du colonialisme et de l’impérialisme. Cette conscience politique influence profondément son évolution ultérieure vers le marxisme.
Œuvre majeure et maturité
« L’Être et le Néant »
Publié en 1943, « L’Être et le Néant » constitue l’œuvre philosophique majeure de Sartre et l’un des monuments de l’existentialisme. Cette somme ontologique développe une conception révolutionnaire de l’homme comme « être-pour-soi » radicalement libre et responsable.
L’ouvrage révèle que la conscience humaine se caractérise par sa capacité de néantisation qui la libère de tout déterminisme. Cette liberté absolue implique une responsabilité totale qui angoisse l’homme et le pousse souvent vers la « mauvaise foi ».
Cette œuvre révolutionnaire transforme la conception occidentale de la liberté et de la responsabilité. Elle influence profondément la psychologie, la sociologie et la théologie en révélant la dimension existentielle irréductible de l’expérience humaine.
La théorie de l’engagement
Dans les années d’après-guerre, Sartre développe sa théorie de l’engagement qui fait de l’écrivain un acteur responsable de l’histoire. Cette conception révolutionnaire transforme le statut de l’intellectuel et fonde la littérature engagée.
Cette théorie révèle que l’écrivain ne peut demeurer neutre face aux injustices de son époque et doit mettre son art au service de la liberté humaine. Cette conception influence profondément la littérature française et internationale.
L’engagement sartrien ne se limite pas à la théorie mais se concrétise dans de nombreuses prises de position politiques qui font de lui l’une des consciences morales de son époque.
La fondation des « Temps modernes »
En 1945, Sartre fonde avec Beauvoir, Merleau-Ponty et Aron la revue « Les Temps modernes » qui devient l’organe de l’existentialisme et de l’intelligentsia de gauche. Cette création révèle son ambition d’influencer les débats intellectuels et politiques.
Cette revue diffuse l’existentialisme et développe la critique sociale dans tous les domaines : politique, littérature, philosophie, sociologie. Elle révèle la capacité sartrienne d’organisation intellectuelle et son influence sur son époque.
Les « Temps modernes » deviennent rapidement l’une des revues les plus influentes d’Europe et révèlent la dimension internationale de l’influence sartrienne. Cette réussite éditoriale témoigne de sa capacité de direction intellectuelle.
L’évolution vers le marxisme
À partir des années 1950, Sartre évolue progressivement vers le marxisme qu’il tente de concilier avec l’existentialisme. Cette évolution révèle sa capacité de remise en question et sa fidélité à l’engagement politique.
Cette synthèse ambitieuse entre existentialisme et marxisme aboutit à la « Critique de la raison dialectique » (1960), œuvre complexe qui tente d’humaniser le marxisme par l’apport existentialiste. Cette tentative révèle son ambition philosophique totalisante.
Cette évolution politique influence ses prises de position sur la décolonisation, la guerre froide et les mouvements révolutionnaires. Elle révèle sa capacité d’adaptation intellectuelle aux défis de son époque.
Dernières années et synthèses
L’engagement anticolonialiste
Durant les années 1950-1960, Sartre s’engage résolument contre le colonialisme français, particulièrement en Algérie. Cette position courageuse lui vaut l’hostilité de l’opinion conservatrice mais révèle sa cohérence intellectuelle.
Cette lutte anticolonialiste développe sa réflexion sur l’oppression et la violence révolutionnaire. Sa préface aux « Damnés de la terre » de Frantz Fanon révèle sa radicalisation politique et sa solidarité avec les mouvements de libération.
Cette engagement révèle également sa capacité d’autocritique en reconnaissant sa complicité initiale avec le système colonial. Cette lucidité politique témoigne de son honnêteté intellectuelle.
Mai 68 et la contestation
Bien qu’âgé de soixante-trois ans, Sartre soutient activement le mouvement de Mai 68 qui incarne selon lui l’aspiration à la liberté de la jeunesse. Cette adhésion révèle sa capacité de renouvellement et sa fidélité à l’esprit contestataire.
Sa participation aux événements de Mai révèle sa conception de l’intellectuel comme accompagnateur des mouvements sociaux plutôt que comme guide. Cette modestie politique témoigne de l’évolution de sa pensée sur le rôle de l’intellectuel.
Cette période révèle également sa capacité de dialogue avec les nouvelles générations et son refus de se figer dans ses positions acquises. Cette ouverture explique son influence durable sur la jeunesse intellectuelle.
Les dernières œuvres
Ses dernières années voient la publication de « L’Idiot de la famille » (1971-1972), biographie existentielle monumentale de Flaubert qui applique sa méthode à l’analyse d’un destin singulier. Cette œuvre révèle la synthèse de toutes ses préoccupations intellectuelles.
Cette biographie totale révèle sa conception de l’homme comme « totalisation en cours » qui se fait en dépassant constamment sa situation. Cette méthode influence profondément la biographie intellectuelle contemporaine.
Malgré la cécité progressive qui l’affecte, il continue de s’exprimer par des entretiens qui révèlent la persistance de sa curiosité intellectuelle et de son engagement. Cette persévérance témoigne de sa vitalité intellectuelle exceptionnelle.
Mort et héritage
La disparition d’une figure emblématique
Jean-Paul Sartre meurt le 15 avril 1980 à Paris, emporté par un œdème pulmonaire. Sa disparition marque la fin d’une époque et suscite une émotion considérable qui révèle son impact sur la conscience française et internationale.
Ses obsèques rassemblent cinquante mille personnes dans un hommage spontané qui révèle l’affection populaire pour celui qui incarnait la conscience critique de son époque. Cette émotion témoigne de son influence au-delà des cercles intellectuels.
Cette disparition marque symboliquement la fin de l’époque des « maîtres à penser » et l’entrée dans une ère de spécialisation intellectuelle. Elle révèle la dimension exceptionnelle de sa stature intellectuelle.
L’influence sur la philosophie contemporaine
L’existentialisme sartrien transforme durablement la philosophie en révélant l’importance de l’existence concrète et de la situation dans la réflexion philosophique. Cette influence se retrouve dans la phénoménologie, l’herméneutique et la philosophie politique.
Sa conception de la liberté et de la responsabilité influence profondément l’éthique contemporaine et les débats sur l’autonomie individuelle. Cette influence révèle la modernité de ses intuitions sur la condition humaine.
Sa méthode biographique et son analyse des situations concrètes inspirent de nombreux développements dans les sciences humaines. Cette fécondité méthodologique témoigne de la richesse de son approche.
L’héritage littéraire et culturel
L’œuvre littéraire de Sartre – romans, théâtre, essais – influence profondément la littérature française et internationale. Sa conception de l’écrivain engagé transforme le statut social de la littérature.
Son théâtre philosophique révèle les possibilités dramatiques de l’existentialisme et influence le théâtre contemporain. Ses pièces continuent d’être jouées et révèlent leur actualité permanente.
Plus largement, l’existentialisme sartrien imprègne la culture populaire et transforme la conception commune de la liberté et de l’authenticité. Cette diffusion révèle l’impact social de sa philosophie.
L’actualité contemporaine
Dans le monde contemporain, marqué par les questions d’identité, d’authenticité et de responsabilité individuelle, la philosophie sartrienne acquiert une actualité nouvelle. Ses analyses de la mauvaise foi résonnent avec les débats contemporains sur l’aliénation.
Sa conception de l’engagement inspire les mouvements contemporains de contestation et révèle l’actualité de sa réflexion sur le rôle de l’intellectuel dans la société démocratique.
Plus largement, sa vision de l’homme comme liberté créatrice continue d’inspirer tous ceux qui refusent les déterminismes et revendiquent leur autonomie existentielle. Sartre demeure ainsi l’une des figures les plus actuelles pour penser la condition humaine dans sa dimension à la fois tragique et créatrice.
Pour approfondir
#Ontologie existentialiste
Jean-Paul Sartre — L’Être et le Néant (Gallimard)
#Biographie de référence
Annie Cohen-Solal — Sartre (1905-1980) (Gallimard)
#Lectures phénoménologiques
Renaud Barbaras (dir.) — Sartre. Désir et liberté (PUF)
#Synthèse claire
Philippe Cabestan — La philosophie de Sartre (Vrin)
#Outil bibliographique
Michel Contat — Les Écrits de Sartre : Chronologie, bibliographie commentée (Gallimard)










