Définition et étymologie
La logique désigne la science qui étudie les conditions de validité du raisonnement et les règles de la pensée correcte. Le terme provient du grec logikê, dérivé de logos qui signifie à la fois « parole », « raison » et « rapport ». Cette étymologie révèle la dimension fondamentale de la logique : elle concerne l’articulation rationnelle du discours et de la pensée.
La logique peut être définie comme l’art de bien conduire sa raison dans la recherche de la vérité. Elle établit les principes qui permettent de distinguer les raisonnements valides des raisonnements fallacieux, indépendamment du contenu particulier des propositions. En ce sens, elle constitue un instrument (organon) universel de la connaissance.
La logique en philosophie
Les fondements aristotéliciens
Aristote est considéré comme le fondateur de la logique formelle. Dans l’Organon, il développe la théorie du syllogisme, forme de raisonnement déductif composé de trois propositions : deux prémisses et une conclusion. Le syllogisme classique « Tous les hommes sont mortels, Socrate est un homme, donc Socrate est mortel » illustre cette structure logique fondamentale.
Aristote établit également les trois principes fondamentaux de la logique classique : le principe d’identité (A est A), le principe de non-contradiction (A ne peut être à la fois A et non-A), et le principe du tiers exclu (A est soit A, soit non-A, il n’y a pas de troisième possibilité). Ces principes forment l’ossature de la pensée logique occidentale.
La logique aristotélicienne distingue les différents types de propositions selon leur quantité (universelle ou particulière) et leur qualité (affirmative ou négative), donnant naissance au célèbre carré logique qui met en relation les propositions A (universelle affirmative), E (universelle négative), I (particulière affirmative) et O (particulière négative).
La logique médiévale
Les logiciens médiévaux, notamment Guillaume d’Ockham, enrichissent considérablement l’héritage aristotélicien. Ils développent la théorie de la supposition, qui analyse les différents modes de référence des termes dans les propositions. Cette période voit également naître les premiers éléments d’une logique propositionnelle, distincte de la logique des termes aristotélicienne.
La scolastique médiévale perfectionne l’art de la disputation et développe des techniques sophistiquées d’analyse logique. Les Summulae logicales de Pierre d’Espagne deviennent un manuel de référence qui influence l’enseignement de la logique pendant des siècles.
Le renouveau moderne
René Descartes, dans le Discours de la méthode, propose quatre règles pour « bien conduire sa raison » : l’évidence (n’accepter que ce qui est clairement et distinctement perçu), l’analyse (diviser les difficultés), la synthèse (aller du simple au complexe), et l’énumération (vérifier que rien n’a été omis). Cette méthode cartésienne, bien qu’inspirée de la logique, privilégie l’intuition rationnelle sur les formes syllogistiques traditionnelles.
Gottfried Wilhelm Leibniz rêve d’une characteristica universalis, langage symbolique parfait qui permettrait de ramener tout raisonnement à un calcul. Il entrevoit la possibilité d’une logique mathématisée qui ne sera pleinement réalisée qu’au XIXe siècle. Ses travaux sur l’ars combinatoria préfigurent les développements modernes de la logique formelle.
La révolution du XIXe siècle
George Boole révolutionne la logique en développant une algèbre logique dans Les Lois de la pensée (1854). Il montre que les opérations logiques peuvent être traitées mathématiquement, ouvrant la voie à la logique symbolique moderne. L’algèbre de Boole devient le fondement de l’informatique théorique.
Gottlob Frege accomplit une révolution conceptuelle majeure en développant la première logique des prédicats complète dans son Idéographie (1879). Il introduit la quantification universelle et existentielle, permettant d’analyser rigoureusement la structure logique des propositions. Frege distingue également le sens (Sinn) de la référence (Bedeutung) des expressions linguistiques, ouvrant de nouvelles perspectives en philosophie du langage.
La logique du XXe siècle
Bertrand Russell et Alfred North Whitehead entreprennent dans les Principia Mathematica (1910-1913) de réduire les mathématiques à la logique, projet connu sous le nom de logicisme. Bien que ce programme ne soit pas entièrement couronné de succès, il contribue au développement de la logique mathématique moderne.
Kurt Gödel ébranle les fondements de cette entreprise avec ses théorèmes d’incomplétude (1931), démontrant que dans tout système formel suffisamment puissant pour contenir l’arithmétique, il existe des propositions vraies mais indémontrables dans le système. Ces résultats révèlent les limites intrinsèques de la formalisation logique.
Ludwig Wittgenstein propose une conception révolutionnaire de la logique dans le Tractus logico-philosophicus. Pour lui, la logique n’est pas une théorie mais « l’image du monde ». Les propositions logiques sont des tautologies qui ne disent rien sur le monde mais révèlent la structure du langage et de la pensée.
Logiques non-classiques
Le XXe siècle voit également naître des logiques alternatives qui remettent en question les principes aristotéliciens. La logique intuitioniste, développée par L.E.J. Brouwer et Arend Heyting, rejette le principe du tiers exclu pour les propositions concernant l’infini. La logique trivalente de Jan Łukasiewicz introduit une troisième valeur de vérité (« indéterminé ») entre le vrai et le faux.
Les logiques modales, formalisées par Saul Kripke, étudient les modalités du nécessaire et du possible. Elles trouvent des applications en métaphysique, en épistémologie et en informatique théorique. La logique déontique analyse quant à elle les concepts du permis, de l’obligatoire et de l’interdit.
Logique et philosophie
La logique entretient des rapports complexes avec la métaphysique et l’épistémologie. Pour les logiciens formalistes, la logique est purement syntaxique et ne dit rien sur la structure du réel. Pour d’autres, comme Michael Dummett, la logique révèle les structures fondamentales de la pensée et du langage.
Willard Van Orman Quine remet en question la distinction traditionnelle entre vérités logiques (analytiques) et vérités empiriques (synthétiques), suggérant que nos croyances forment une « toile » holistique où même les lois logiques peuvent être révisées face à l’expérience.
La logique demeure ainsi un domaine en perpétuelle évolution, au carrefour de la philosophie, des mathématiques et de l’informatique, questionnant les fondements mêmes de la rationalité et de la connaissance.