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Alfred Adler (1870-1937) : Le psychologue de la compensation et de la volonté de puissance

  • 15/07/2025
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Alfred Adler naît le 7 février 1870 à Rudolfsheim, faubourg de Vienne, dans une famille juive de classe moyenne. Son père Leopold est marchand de grains, sa mère Pauline une femme au foyer dévouée. Deuxième de six enfants, Alfred grandit dans l’ombre d’un frère aîné brillant et dans la rivalité avec un frère cadet préféré de sa mère. Cette configuration familiale influence profondément sa théorie ultérieure sur l’importance de la position dans la fratrie.

Son enfance est marquée par la maladie et la faiblesse physique. Atteint de rachitisme, il porte un corset orthopédique et souffre de graves difficultés respiratoires qui manquent plusieurs fois de l’emporter. À cinq ans, une pneumonie faillit le tuer ; cette confrontation précoce avec la mort forge sa détermination à devenir médecin. Élève médiocre, il compense ses difficultés scolaires par une sociabilité remarquable et un talent pour fédérer ses camarades.

Étudiant en médecine à l’université de Vienne, il s’oriente d’abord vers l’ophtalmologie avant de se spécialiser en médecine générale. En 1895, il soutient sa thèse sur « Les conditions pathologiques de la membrane muqueuse gastrique ». La même année, il épouse Raissa Timofeyewna Epstein, étudiante russe rencontrée lors d’une réunion socialiste. Cette union, qui lui donne quatre enfants, l’ouvre aux idées progressistes et féministes de son époque.

Installé dans le quartier populaire de Leopoldstadt, Adler développe une pratique médicale au contact des classes laborieuses. Il observe les liens entre conditions sociales et pathologies, notamment dans son étude pionnière sur les maladies professionnelles des tailleurs (1898). Cette expérience nourrit sa conviction que l’individu ne peut être compris indépendamment de son contexte social et économique.

En 1902, Freud l’invite à rejoindre le cercle du mercredi de la Société psychologique de Vienne. Adler devient rapidement l’un des piliers du mouvement psychanalytique naissant, présidant même la Société viennoise de psychanalyse de 1910 à 1911. Mais ses conceptions divergent progressivement de l’orthodoxie freudienne, particulièrement sur la primauté de la sexualité dans l’étiologie des névroses.

Son « Étude sur l’infériorité d’organe et sa compensation psychique » (1907) pose les fondements de sa psychologie individuelle. Adler observe que les individus développent souvent des capacités exceptionnelles pour compenser leurs déficiences physiques : Démosthène, bègue, devient le plus grand orateur d’Athènes. Cette loi de compensation s’étend du domaine physique au domaine psychique, engendrant ce qu’il nomme la « volonté de puissance », force motrice de la personnalité.

La rupture avec Freud devient inévitable. En février 1911, Adler présente ses thèses hérétiques devant la Société viennoise : la pulsion d’agression prime sur la pulsion sexuelle, le complexe d’infériorité constitue le moteur universel du développement psychique. Accusé de dénaturer la psychanalyse, il démissionne avec neuf disciples pour fonder la Société de psychologie individuelle libre.

Sa psychologie individuelle révolutionne la compréhension de la névrose. Celle-ci résulte d’un complexe d’infériorité excessif qui engendre une « protestation masculine » compensatrice. Cette surcompensation pathologique isole l’individu de la communauté humaine et entrave son épanouissement. La guérison passe par la réconciliation avec le « sentiment social » (Gemeinschaftsgefühl), cette capacité d’empathie et de coopération qui caractérise l’homme sain.

Contrairement à Freud qui privilégie l’archéologie du passé, Adler développe une approche téléologique centrée sur les buts inconscients. Chaque individu élabore un « plan de vie » ou « style de vie » unique, fiction directrice qui oriente ses comportements vers un idéal de supériorité personnelle. Cette conception finaliste fait de l’homme l’artisan de son destin plutôt que le jouet de ses pulsions.

Sa théorie de l’éducation influence durablement la pédagogie moderne. Adler prône une éducation démocratique qui développe le sentiment social de l’enfant tout en respectant sa singularité. Il fonde des centres de guidance infantile à Vienne, expériences pilotes qui inspirent la psychologie scolaire contemporaine. Son approche préventive vise à éviter l’émergence de complexes d’infériorité pathologiques.

L’avènement du nazisme contraint Adler à l’exil. En 1932, il s’installe définitivement aux États-Unis où ses conceptions trouvent un terrain favorable. Sa psychologie optimiste, qui fait confiance à la capacité humaine de dépassement, séduit l’esprit américain. Il enseigne au Long Island College of Medicine et multiplie les conférences à travers le pays.

Il meurt brutalement le 28 mai 1937 à Aberdeen, en Écosse, lors d’une tournée de conférences. Ses derniers mots – « Kurt, faites quelque chose pour l’humanité » – résument l’idéal qui anime sa vie et son œuvre. Sa psychologie individuelle influence durablement thérapies humanistes, psychologie sociale et développement personnel.

Adler demeure le psychologue de l’effort et de la compensation, penseur optimiste qui réconcilie psychologie et engagement social. Sa vision de l’homme comme être essentiellement social et perfectible offre une alternative humaniste aux déterminismes freudiens, préfigurant les courants psychologiques contemporains centrés sur la résilience et l’épanouissement personnel.

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