Philosophes.org
Structure
  1. En raccourci…
  2. La révolution critique kantienne : Fondements et limites
    1. La révolution copernicienne et ses implications
    2. La distinction phénomène/noumène : Héritage et transformation
    3. L’esthétique transcendantale : Espace, temps et principe d’individuation
  3. Le dépassement schopenhauerien : De la représentation à la volonté
    1. L’insuffisance de l’idéalisme critique
    2. La voie d’accès privilégiée : Le corps comme volonté objectivée
    3. L’universalisation métaphysique : La volonté comme chose en soi
  4. La théorie schopenhauerienne de la connaissance
    1. Le monde comme représentation : Structure et dynamique
    2. Les degrés d’objectivation de la volonté : Des forces aux Idées
    3. La connaissance intuitive et la connaissance conceptuelle
  5. L’expérience esthétique : Délivrance momentanée de la volonté
    1. La contemplation désintéressée des Idées
    2. Les arts et leur hiérarchie métaphysique
    3. La fonction sotériologique de l’art
  6. Critique et dépassement de l’idéalisme allemand
    1. La polémique anti-hégélienne
    2. L’anti-intellectualisme schopenhauerien
    3. L’influence sur la philosophie ultérieure
Philosophes.org
Photo Philosophers portrait
  • Philosophie moderne
  • Philosophies

La théorie de la connaissance d’Arthur Schopenhauer : l’influence de Kant

  • 21/01/2025
  • 11 minutes de lecture
Total
0
Shares
0
0
0

L’influence de Kant sur la théorie de la connaissance de Schopenhauer révèle une filiation philosophique complexe où l’héritage critique se transforme en une métaphysique originale centrée sur la volonté comme essence du monde.

En raccourci…

Imaginez un philosophe qui lit Kant et se dit : « C’est brillant, mais il manque quelque chose d’essentiel ! » C’est exactement ce qui arrive à Arthur Schopenhauer au début du XIXe siècle. Kant avait révolutionné la philosophie en montrant que nous ne connaissons jamais les choses « en soi » mais seulement leurs apparences – ce qu’il appelait les « phénomènes ».

Kant expliquait que notre esprit structure automatiquement ce que nous percevons selon des catégories comme l’espace, le temps, la causalité. Nous sommes comme des personnes qui porteraient en permanence des lunettes colorées : impossible de voir le monde sans ce filtre mental. La « chose en soi » (le noumène) reste à jamais mystérieuse.

Schopenhauer trouve cette analyse brillante mais incomplète. Pour lui, Kant a découvert la moitié de la vérité : oui, le monde que nous connaissons est une représentation mentale. Mais il existe un accès privilégié à la réalité profonde ! Cet accès, c’est notre propre corps vécu de l’intérieur.

Quand nous bougeons notre bras, nous ne le percevons pas seulement de l’extérieur comme un objet parmi d’autres. Nous le sentons de l’intérieur, nous éprouvons directement la force qui l’anime. Cette force, c’est la Volonté – non pas notre volonté personnelle, mais une force cosmique aveugle qui pousse tout ce qui existe.

Révolution schopenhauerienne : cette Volonté irrationnelle et insatiable, nous la découvrons en nous-mêmes, et c’est elle qui constitue l’essence secrète de toute réalité. Le monde entier n’est que Volonté qui se manifeste dans d’innombrables phénomènes.

Sa leçon ? Kant nous a appris les limites de la connaissance rationnelle, mais il existe une voie d’accès non-rationnelle au cœur de la réalité : l’expérience intime de notre propre vouloir.


La révolution critique kantienne : Fondements et limites

La révolution copernicienne et ses implications

La révolution copernicienne opérée par Kant dans la Critique de la raison pure transforme radicalement les fondements de la théorie de la connaissance en inversant le rapport traditionnel entre sujet et objet. Plutôt que de supposer que notre connaissance se conforme aux objets, Kant propose que les objets se conforment aux structures a priori de notre connaissance.

Cette inversion révolutionnaire établit que l’esprit humain ne reçoit pas passivement les données de l’expérience mais les organise activement selon des formes préexistantes : les intuitions pures (espace et temps) et les catégories de l’entendement (unité, réalité, négation, limitation, etc.). Cette activité structurante de l’esprit explique la possibilité de la connaissance scientifique et de ses lois universelles.

Cependant, cette révolution entraîne une conséquence majeure : la limitation drastique du domaine de la connaissance au monde phénoménal. Nous ne pouvons connaître que les objets tels qu’ils nous apparaissent, jamais tels qu’ils sont en eux-mêmes. Cette limitation préserve la possibilité de la métaphysique tout en lui interdisant le terrain de la connaissance théorique.

Schopenhauer saisit immédiatement la portée de cette révolution et en fait le point de départ de sa propre philosophie. Mais là où Kant maintient une prudente réserve épistémologique, Schopenhauer entrevoit la possibilité d’une percée métaphysique qui révélerait la nature intime de la réalité nouménale.

La distinction phénomène/noumène : Héritage et transformation

La distinction kantienne entre phénomène et noumène constitue l’héritage le plus direct que Schopenhauer reprend de la philosophie critique. Cette distinction établit une dualité ontologique fondamentale entre le monde tel qu’il apparaît (phénomène) et le monde tel qu’il est en soi (noumène).

Pour Kant, cette distinction remplit une fonction essentiellement limitative : elle circonscrit le domaine légitime de la connaissance théorique tout en préservant l’espace de la foi pratique. Le noumène reste un concept problématique dont nous ne pouvons rien dire de positif, si ce n’est qu’il constitue la condition transcendante de possibilité des phénomènes.

Schopenhauer radicalise cette distinction en lui donnant un contenu métaphysique déterminé. Le monde phénoménal devient le « monde comme représentation » (Die Welt als Vorstellung), domaine de l’objectivation et de l’individuation régi par le principe de raison suffisante. Le noumène devient le « monde comme volonté » (Die Welt als Wille), réalité métaphysique unique et indivisible.

Cette transformation révèle l’audace spéculative de Schopenhauer qui prétend résoudre l’énigme kantienne du noumène en identifiant la chose en soi à la volonté. Cette identification s’appuie sur l’expérience privilégiée que nous avons de notre propre corps comme volonté incarnée.

L’esthétique transcendantale : Espace, temps et principe d’individuation

L’esthétique transcendantale kantienne, qui établit l’espace et le temps comme formes pures de l’intuition sensible, exerce une influence décisive sur la métaphysique schopenhauerienne. Schopenhauer reprend intégralement l’analyse kantienne de l’idéalité transcendantale de l’espace et du temps.

Cette reprise s’accompagne cependant d’une réinterprétation métaphysique originale. Espace et temps deviennent chez Schopenhauer les principaux facteurs du principe d’individuation (principium individuationis) qui fragmente l’unité nouménale de la volonté en une multiplicité phénoménale d’objets distincts.

Cette fonction individuatrice de l’espace et du temps permet à Schopenhauer d’expliquer comment la volonté une et indivisible peut apparaître sous la forme d’une multiplicité d’êtres particuliers. L’espace sépare, le temps divise, et ensemble ils créent l’illusion de la multiplicité qui caractérise le monde phénoménal.

Cette analyse révèle l’influence de la philosophie orientale sur Schopenhauer, notamment du concept hindou de maya (illusion cosmique). L’espace-temps kantien devient l’équivalent occidental du voile de Maya qui dissimule l’unité fondamentale du réel sous l’apparence de la diversité.

Le dépassement schopenhauerien : De la représentation à la volonté

L’insuffisance de l’idéalisme critique

Schopenhauer diagnostique dans l’idéalisme critique kantien une insuffisance fondamentale qui tient à son caractère exclusivement épistémologique. Kant s’en tient à une analyse des conditions de possibilité de l’expérience sans jamais s’interroger sur la nature métaphysique de ce qui rend cette expérience possible.

Cette limitation conduit Kant à une position agnostique concernant la chose en soi, qui demeure un X inconnaissable. Schopenhauer juge cette position insatisfaisante car elle laisse inexpliquée l’existence même du monde phénoménal et son rapport à la réalité nouménale.

La critique schopenhauerienne porte également sur le formalisme kantien qui réduit la connaissance à un jeu de formes vides. Les catégories de l’entendement et les formes de l’intuition restent chez Kant des structures formelles sans contenu métaphysique déterminé.

Schopenhauer propose de combler cette lacune en montrant que nous avons accès à la chose en soi par une voie non-représentative : l’expérience immédiate de notre propre volonté. Cette découverte transforme l’agnosticisme kantien en dogmatisme métaphysique de la volonté.

La voie d’accès privilégiée : Le corps comme volonté objectivée

L’innovation majeure de Schopenhauer consiste dans la découverte d’un accès privilégié à la réalité nouménale à travers l’expérience intime de notre propre corporéité. Cette découverte s’appuie sur le fait que nous connaissons notre corps de deux façons radicalement différentes.

D’une part, nous connaissons notre corps de l’extérieur comme un objet parmi d’autres dans l’espace et le temps, soumis au principe de causalité. Cette connaissance objective relève du monde comme représentation et ne nous apprend rien sur l’essence de la corporéité.

D’autre part, nous connaissons notre corps de l’intérieur comme le lieu d’une activité immédiate qui échappe aux formes de la représentation. Quand nous mouvons notre bras, nous n’observons pas une relation causale entre notre décision et le mouvement, mais nous éprouvons directement l’acte volontaire qui s’accomplit.

Cette connaissance intime révèle que notre corps est la volonté objectivée, l’apparition phénoménale de cette force métaphysique qui constitue notre essence véritable. Cette découverte ouvre la voie à la généralisation métaphysique : si notre corps est volonté objectivée, tous les corps et tous les phénomènes naturels sont également des objectivations de la même volonté universelle.

L’universalisation métaphysique : La volonté comme chose en soi

La généralisation métaphysique que Schopenhauer opère à partir de la découverte de la volonté corporelle constitue le moment spéculatif le plus audacieux de sa philosophie. De l’expérience particulière de notre propre volonté, Schopenhauer conclut à l’existence d’une volonté universelle qui constitue l’essence de toute réalité.

Cette généralisation s’appuie sur le principe d’analogie : si mon corps est volonté objectivée, les autres corps humains, puis les corps animaux, puis l’ensemble des phénomènes naturels doivent être interprétés comme des objectivations de la même volonté fondamentale.

Cette volonté universelle présente des caractères métaphysiques spécifiques : elle est une, éternelle, irrationnelle, aveugle et insatiable. Elle échappe au principe de raison suffisante qui ne s’applique qu’au monde phénoménal, et elle constitue la force cosmique qui pousse tous les êtres vers l’existence et la conservation.

Cette métaphysique de la volonté permet à Schopenhauer de résoudre l’énigme kantienne de la chose en soi tout en proposant une vision unifiée de la réalité. Le dualisme kantien phénomène/noumène se transforme en monisme métaphysique de la volonté qui s’objective dans la multiplicité des représentations.

La théorie schopenhauerienne de la connaissance

Le monde comme représentation : Structure et dynamique

Le monde comme représentation constitue l’une des deux faces de la réalité selon Schopenhauer, correspondant grossièrement au monde phénoménal kantien mais enrichi d’une analyse plus détaillée de ses structures internes. Ce monde se caractérise par sa soumission au principe de raison suffisante qui régit toutes les relations entre objets.

Ce principe se décline en quatre formes correspondant aux différents types d’objets possibles : la causalité (pour les objets empiriques), la motivation (pour les actions humaines), l’espace et le temps (pour les intuitions pures), et la logique (pour les concepts). Cette quadruple racine unifie toute la sphère représentative sous une même loi de détermination réciproque.

La structure sujet-objet constitue la forme fondamentale de toute représentation. Il ne peut y avoir d’objet sans sujet qui le représente, ni de sujet sans objet représenté. Cette corrélation essentielle distingue le monde représentatif du monde volontaire où cette dualité s’abolit dans l’unité immédiate de la volonté.

Le monde représentatif se présente comme un système d’apparences qui voile la réalité métaphysique de la volonté tout en la manifestant. Cette fonction à la fois révélatrice et dissimulative fait de la représentation l’équivalent schopenhauerien du concept hindou de Maya.

Les degrés d’objectivation de la volonté : Des forces aux Idées

La théorie des degrés d’objectivation constitue l’une des pièces maîtresses de la métaphysique schopenhauerienne. Elle explique comment la volonté une et indivisible peut se manifester dans la diversité hiérarchisée des phénomènes naturels.

Cette hiérarchie s’étend des forces naturelles les plus élémentaires (gravitation, électricité, magnétisme) jusqu’aux manifestations les plus complexes de la vie organique et de la conscience humaine. Chaque degré représente une objectivation plus complète et plus adéquate de la volonté métaphysique.

Les Idées platoniciennes occupent une position intermédiaire cruciale dans cette hiérarchie. Elles constituent les objectivations immédiates de la volonté, antérieures à l’individuation spatio-temporelle. Les Idées sont éternelles, immuables et constituent les prototypes éternels des espèces naturelles.

Cette théorie permet à Schopenhauer d’intégrer un néoplatonisme original dans sa métaphysique de la volonté. Les Idées médiatisent entre l’unité métaphysique de la volonté et la multiplicité phénoménale des représentations individuelles.

La connaissance intuitive et la connaissance conceptuelle

Schopenhauer distingue soigneusement deux modes de connaissance correspondant à deux types d’objets et à deux facultés cognitives distinctes. Cette distinction révèle sa dette envers Kant tout en marquant ses divergences avec l’intellectualisme de la tradition philosophique.

La connaissance intuitive porte sur les objets empiriques donnés dans l’espace et le temps. Elle s’effectue par l’entendement qui applique la catégorie de causalité aux données sensorielles pour constituer l’objectivité empirique. Cette connaissance est immédiate, concrète et constitue le fondement de toute science naturelle.

La connaissance conceptuelle porte sur les concepts abstraits formés par la raison à partir des intuitions. Les concepts sont des représentations de représentations qui permettent la communication, la science et la philosophie, mais qui nous éloignent de la réalité concrète des objets.

Cette hiérarchisation valorise la primauté de l’intuition sur l’abstraction conceptuelle. Schopenhauer critique l’intellectualisme qui privilégie les concepts au détriment de l’expérience concrète. La vraie sagesse consiste à maintenir le contact avec l’intuition tout en utilisant les concepts comme simples instruments.

L’expérience esthétique : Délivrance momentanée de la volonté

La contemplation désintéressée des Idées

L’expérience esthétique occupe une position privilégiée dans la philosophie schopenhauerienne car elle constitue la seule voie d’accès cognitive aux Idées platoniciennes, objectivations immédiates de la volonté. Cette expérience se caractérise par la suspension momentanée de l’activité volontaire qui libère le sujet de l’esclavage du désir.

Dans la contemplation esthétique, le sujet cesse d’être un individu désirant soumis au principe de raison suffisante pour devenir un pur sujet de connaissance qui contemple l’objet pour lui-même, indépendamment de toute relation utilitaire ou causale.

Cette purification subjective s’accompagne d’une transformation corrélative de l’objet qui cesse d’être perçu comme phénomène particulier pour être appréhendé comme Idée éternelle. L’œuvre d’art réussie permet cette élévation de la conscience au-dessus de l’individuation vers la contemplation de l’universel.

Cette théorie esthétique révèle l’influence de la Critique du jugement kantienne, notamment l’analyse du jugement esthétique comme satisfaction désintéressée. Mais Schopenhauer dépasse Kant en donnant à l’expérience esthétique une portée métaphysique d’accès aux essences éternelles.

Les arts et leur hiérarchie métaphysique

Schopenhauer développe une hiérarchie des arts fondée sur leur capacité respective à objectiver les différents degrés de la volonté. Cette hiérarchie révèle sa conception métaphysique de l’art comme révélation sensible de la structure ontologique du réel.

L’architecture occupe le degré inférieur car elle objectifie les forces naturelles les plus élémentaires (gravitation, cohésion, rigidité). Mais elle révèle déjà la lutte universelle entre les forces qui caractérise toute objectivation de la volonté.

La sculpture et la peinture s’élèvent vers l’objectivation de la vie organique et de la beauté humaine. Elles révèlent les Idées des espèces vivantes et permettent la contemplation de la perfection formelle inaccessible dans l’expérience ordinaire.

La musique occupe le sommet de la hiérarchie car elle constitue une objectivation directe de la volonté métaphysique, sans médiation par les Idées. Elle reproduit immédiatement les mouvements de la volonté : ses élans, ses chutes, ses tensions et ses résolutions.

La fonction sotériologique de l’art

L’art remplit dans la philosophie schopenhauerienne une fonction sotériologique de délivrance temporaire de la souffrance existentielle. Cette fonction révèle la dimension pessimiste de sa métaphysique et l’aspiration à la libération qui la traverse.

La souffrance résulte de la nature insatiable de la volonté qui maintient tous les êtres dans un état de manque perpétuel. L’assouvissement momentané d’un désir ne procure qu’un bref répit avant l’émergence de nouveaux besoins. Cette structure condamne l’existence à osciller entre la douleur du manque et l’ennui de la satiété.

L’expérience esthétique offre une évasion momentanée de cette condition en suspendant l’activité volontaire. Dans la contemplation esthétique, le sujet goûte temporairement la paix du non-vouloir qui préfigure la délivrance définitive promise par la sagesse et l’ascétisme.

Cette conception révèle l’influence de la philosophie indienne sur Schopenhauer, notamment l’idéal bouddhique du nirvana comme extinction du désir. L’art devient une propédeutique à la sagesse qui prépare l’âme à la renonciation définitive.

Critique et dépassement de l’idéalisme allemand

La polémique anti-hégélienne

Schopenhauer développe une critique virulente de l’idéalisme absolu hégélien qu’il considère comme une perversion de l’héritage kantien. Cette polémique révèle sa fidélité à l’esprit critique de Kant contre les prétentions de la Raison absolue.

Schopenhauer reproche à Hegel de dissoudre la distinction kantienne entre phénomène et noumène dans un monisme de l’Esprit qui prétend identifier être et pensée. Cette identification constitue selon lui un dogmatisme rationaliste qui méconnaît l’irréductibilité du réel à la logique conceptuelle.

La méthode dialectique hégélienne est dénoncée comme un jeu verbal qui substitue l’artifice conceptuel à l’observation rigoureuse du donné. Schopenhauer oppose à cette méthode spéculative sa propre approche empirique fondée sur l’analyse phénoménologique de l’expérience.

Cette critique révèle la position singulière de Schopenhauer dans l’idéalisme allemand : disciple de Kant contre Fichte, Schelling et Hegel, il maintient l’exigence critique contre toute absolutisation de la raison théorique.

L’anti-intellectualisme schopenhauerien

L’anti-intellectualisme constitue l’un des traits distinctifs de la philosophie schopenhauerienne qui s’oppose à la tradition rationaliste occidentale depuis Platon. Cette opposition révèle l’influence de la philosophie orientale et de certains courants mystiques de la tradition occidentale.

Schopenhauer dénonce l’illusion intellectualiste qui attribue à la raison conceptuelle la capacité de saisir l’essence du réel. Cette illusion méconnaît le caractère instrumental de l’intellect qui ne constitue qu’un outil au service de la volonté biologiquement déterminé par les besoins de conservation.

L’intelligence humaine, loin d’être une faculté métaphysique d’accès à l’absolu, n’est qu’une ruse de la volonté qui permet aux organismes complexes de s’adapter à leur environnement. Cette naturalisation de l’intellect anticipe certains développements de l’évolutionnisme et de la sociobiologie.

Cette critique s’accompagne d’une revalorisation de la connaissance intuitive, de l’expérience esthétique et de la sagesse mystique contre l’hégémonie de la rationalité discursive. Cette revalorisation influence profondément les philosophies de la vie et l’existentialisme ultérieurs.

L’influence sur la philosophie ultérieure

L’influence de Schopenhauer sur la philosophie ultérieure révèle la fécondité de sa critique de l’idéalisme et de sa réhabilitation des dimensions non-rationnelles de l’existence. Cette influence s’exerce principalement sur trois courants philosophiques majeurs.

La philosophie de la vie (Nietzsche, Bergson, Dilthey) reprend l’intuition schopenhauerienne de la primauté des forces vitales sur la rationalité conceptuelle. Nietzsche transforme la volonté métaphysique en volonté de puissance tout en conservant la critique de l’intellectualisme.

L’existentialisme (Kierkegaard, Heidegger, Sartre) hérite de l’attention schopenhauerienne à l’existence concrète contre l’abstraction systématique. L’angoisse existentielle prolonge l’analyse schopenhauerienne de la souffrance fondamentale de l’existence.

La phénoménologie (Husserl, Merleau-Ponty) développe l’intuition schopenhauerienne de la primauté de l’expérience vécue sur la construction conceptuelle. L’analyse de la corporéité propre chez Merleau-Ponty prolonge directement les analyses schopenhaueriennes du corps vécu.

Cette postérité révèle l’actualité durable de la critique schopenhauerienne de l’intellectualisme et sa contribution à l’émergence d’une philosophie de l’existence qui caractérise la modernité philosophique.

Pour approfondir

#Métaphysique
Arthur Schopenhauer — Le monde comme volonté et comme représentation (PUF)

#Sagesse
Arthur Schopenhauer — Aphorismes sur la sagesse dans la vie (PUF)

#Dialectique
Arthur Schopenhauer — L’Art d’avoir toujours raison (Mille et une nuits)

#Morale
Arthur Schopenhauer — Le Fondement de la morale (Le Livre de Poche)

#Biographie
Rüdiger Safranski — Schopenhauer et les années folles de la philosophie (PUF)

Total
0
Shares
Share 0
Tweet 0
Share 0
Sujets liés
  • Connaissance
  • Épistémologie
  • Influence
Article précédent
Photo Greek philosopher
  • Philosophies

La parrhêsia : le rôle éthique du dire-vrai

  • 21/01/2025
Lire l'article
Article suivant
Photo Classical library
  • Scepticisme

L’éducation selon Montaigne : critique des méthodes pédagogiques

  • 21/01/2025
Lire l'article
Vous devriez également aimer
Jakob Böhme, basé sur le sujet de l'article, illustrant ses concepts mystiques. L'image est imaginaire et non une représentation réelle.
Lire l'article
  • Biographies
  • Philosophie moderne

Jakob Böhme (1575–1624) : le cordonnier de Dieu

  • Philosophes.org
  • 04/11/2025
Paracelse, philosophe et alchimiste de la Renaissance, basé sur le sujet de l'article. L'image est imaginaire et non une représentation réelle.
Lire l'article
  • Biographies
  • Philosophies de la Renaissance

Paracelse (v. 1493-1541) : La médecine par l’alchimie et la nature

  • Philosophes.org
  • 04/11/2025
Cornelius Agrippa, philosophe et érudit de la Renaissance, basé sur le sujet de l'article. L'image est imaginaire et non une représentation réelle.
Lire l'article
  • Biographies
  • Philosophies de la Renaissance

Cornelius Agrippa (1486-1535) : La magie comme philosophie, le doute comme méthode

  • Philosophes.org
  • 04/11/2025
John Dee, mathématicien et philosophe élisabéthain, basé sur le sujet de l'article. L'image est imaginaire et non une représentation réelle.
Lire l'article
  • Biographies
  • Philosophies de la Renaissance

John Dee (1527-1609) : La quête d’un savoir mathématique et divin

  • Philosophes.org
  • 04/11/2025
Isaac Casaubon, érudit et philologue de la Renaissance, basé sur le sujet de l'article. L'image est imaginaire et non une représentation réelle.
Lire l'article
  • Biographies
  • Philosophies de la Renaissance

Isaac Casaubon (1559-1614) : La philologie comme critique de la tradition

  • Philosophes.org
  • 04/11/2025
Lire l'article
  • Philosophies

Hermès Trismégiste et l’alchimie : aux origines de la tradition hermétique

  • Philosophes.org
  • 04/11/2025
Image fictive représentant Jamblique d'Apamée, philosophe néoplatonicien ; cette représentation imaginaire ne correspond pas au personnage historique
Lire l'article
  • Biographies
  • Néoplatonisme

Jamblique (242–330) : théurgie et hiérarchie du divin dans le néoplatonisme syrien

  • Philosophes.org
  • 03/11/2025
Lire l'article
  • Philosophies

Quand la Septante transforme le Dieu d’Israël

  • Philosophes.org
  • 03/11/2025

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

novembre 2025
LMMJVSD
 12
3456789
10111213141516
17181920212223
24252627282930
« Oct    
Tags
Action (23) Aristotélisme (21) Bouddhisme (56) Connaissance (33) Conscience (48) Cosmologie (29) Critique (29) Dao (36) Dialectique (31) Dieu (20) Existence (23) Existentialisme (21) Foi (24) Franc-maçonnerie (24) Herméneutique (25) Histoire (30) Humanisme (19) Justice (27) Liberté (34) Logique (41) Modernité (19) Morale (72) Mystique (22) Métaphysique (82) Nature (23) Ontologie (19) Philosophie de la religion (20) Philosophie politique (26) Phénoménologie (20) Politique (20) Pouvoir (25) Raison (39) Rationalisme (24) Sagesse (76) Sciences (20) Société (20) Spiritualité (32) Stoïcisme (35) Subjectivité (19) Théologie (41) Tradition (24) Vertu (25) Voie (37) Épistémologie (25) Éthique (122)
Affichage des tags
Philosophie du langage Sociologie Traduction Contingence Substance Réversibilité Matière Internalisme Choix Doute Dieu Erreur Sophistique Questionnement Personnalité Controverse Soupçon Angoisse Pessimisme Philosophie analytique Cartésianisme Gouvernement Mort Romantisme Expérience Impermanence Sciences Cognition Savoir Falsifiabilité Gestalt Climat Émancipation Libéralisme Libre arbitre Séparation Intentionnalité Destin Narcissisme Institutions Temps Communisme Technologie Opinion Expressivité Pluralisme Beauté Foi Humilité Désespoir Rupture Individuation Modélisation Zen Philosophie des sciences Révolution Trace Monadologie Exemplarité Philosophie de l’expérience Connaissance Péché Art Oisiveté Métaphore Praxis Constructivisme Mémoire Progrès Inconscient Émanation Nombre Vacuité Syllogisme Logique Sagesse Désir Commentaire Épicurisme Philosophie de la nature Scolastique Axiomatique Probabilités Technique Ordre Engagement Ataraxie Philosophie de la culture Usage Indifférence Rhétorique Ironie Contrôle Presse Mystique Synthèse Fortune Tradition Maîtrise de soi Métaphysique Singularité Civilisation Dictature Naturalisme Vérité Dilemme Scepticisme Révélation Comportement Éloquence Attention Égalité Devoir Rationalisme Culpabilité Déduction Taoïsme Pouvoir Littérature Tautologie Solitude Compréhension Subjectivité Persuasion Souveraineté Mécanique Déterminisme Neurologie Méditation Épistémologie Observation Alchimie Cycles Philosophie sociale Positivisme Franc-maçonnerie Privation Renaissance Réforme Sacrifice Réalisme Linguistique Relativisme Folie Philosophie de la religion Connotation Terreur Agnosticisme Surveillance Entropie Référence Esprit Utilitarisme Spiritualisme Situation Névrose Rêves Modération Voie Nationalisme Consolation Légitimité Sensibilité Représentation Catharsis Aristotélisme Devenir Physique Thérapie Décadence Guerre Statistique Hédonisme Stoïcisme Grandeur Colonialisme Clémence Trauma Tyrannie Complexité Illumination Existence Charité Transfert Dualisme Sémantique Sciences humaines Misère Providence Méthode Réduction Réfutation Archétypes Induction Impérialisme Amitié Phénoménologie Réincarnation Absolu Prophétie Immanence École Nominalisme Réalité Transformation Médias Expression Matérialisme Volonté Athéisme Cynisme Perception Action Nature Intelligence Syntaxe Tolérance Géographie Modalité Philosophie première Psychanalyse Monisme Christianisme Pardon Certitudes Transmission Critique Culture Fiabilisme Syncrétisme Possession Vertu Théodicée Honneur Confucianisme Adversité Règles Abduction Sublime Panthéisme Droit Philosophie de la technique Confession Pédagogie Conversion Capitalisme Cosmologie Idées Existentialisme Richesse Population Humanisme Identité Interpellation Durée Compassion Ennui Médecine Relation Aliénation Utopie Changement Philosophie naturelle Modernité Bien Marxisme Anarchisme Totalitarisme Silence Provocation Salut Contemplation Pari Holisme Interprétation Conscience Prédiction Réductionnisme Éthique Acceptation Sacré Morale Empirisme Astronomie Possible Objectivité Fatalisme Judaïsme Universaux Évolution Socialisme Visage Démonstration Corps Apeiron Paradigmes Bienveillance État Philosophie de l’information Transcendance Sexualité Métamorphoses Indétermination Fidélité Autrui Médiation Intuition Négativité Croyances Ontologie Inégalité Émotions Mythe Justification Démocratie Responsabilité Karma Pragmatisme Flux Paradoxes République Philosophie morale Typologie Symbole Maïeutique Motivation Justice Idéologie Finalisme Atomisme Ascétisme Exégèse Catalepsie Mal Philosophie religieuse Néant Altruisme Égoïsme Âme Téléologie Violence Harmonie Intelligence artificielle Souffrance Philosophie de l’esprit Spontanéité Simplicité Autarcie Divertissement Communautarisme Système Contradiction Amour Liberté Finitude Formalisation Géométrie Fondements Différance Individualité Déconstruction Religion Éducation Quotidien Narrativité Discipline Eudémonisme Infini Risque Purification Nécessité Thomisme Économie Autorité Plaisir Logos Déontologie Dialectique Langage Éveil Éléatisme Opposés Populisme Pulsion Herméneutique Autonomie Histoire Dépassement Bonheur Normalisation Raison Mathématiques Janséisme Hospitalité Éternité Altérité Communication Nihilisme Reconnaissance Mouvement Illusion Intellect Travail Causalité Création Essentialisme Esthétique Temporalité Contrat social Psychologie Philosophie de l’art Habitude Propositions Dao Prédestination Influence Propriété Unité Pluralité Spiritualité Musique Ambiguïté Sens Condition humaine Authenticité Jugement Deuil Physiologie Anthropologie Théologie Féminisme Résilience Individualisme Détachement Haine Narration Philosophie politique Rites initiatiques Dialogue Fonctionnalisme Allégorie Société Politique Rivalité Être Grâce Impératif Théorie Synchronicité Bouddhisme Séduction Idéalisme Optimisme Principe Passions
Philosophes.Org
  • A quoi sert le site Philosophes.org ?
  • Politique de confidentialité
  • Conditions d’utilisation
  • Contact
  • FAQ – Questions fréquentes
  • Les disciplines d’intérêt pour la philosophie
  • Newsletter
La philosophie au quotidien pour éclairer la pensée

Input your search keywords and press Enter.